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La débâcle en Libye (Moon of Alabama)

Les retombées de la crise qui perdure en Libye se feront sentir durement dans les pays européens, ceux du Sud en particulier.

Les milices de Tripoli et des villes de l’ouest continuent à se faire des centaines de millions de dollars en envoyant toujours plus de dizaines de milliers de migrants vers l’UE.

La situation s’est encore dégradée, la semaine dernière, à la suite d’un certain nombre de déclarations et d’événements, mais si vous ne lisez que les médias mainstream, je ne vous en voudrai pas d’avoir un avis différent. D’abord, Le ministre des Affaires étrangères de la Grande-Bretagne, Philip Hammond, a annoncé qu’il n’avait pas besoin du Parlement pour envoyer des troupes qui impliqueraient le Royaume-Uni dans un bourbier similaire à celui qu’elles ont subi en Afghanistan. Hammond a rétropédalé, quelques heures plus tard, sous la pression du Parlement.

Pendant ce temps, l’ONU et l’UE ont également déclaré qu’ils allaient changer le statut de reconnaissance officielle internationale de la Libye, en le faisant passer de la chambre des représentants (HOR) à Serraj, sans attendre que la chambre des représentants reconnaisse le gouvernement d’entente nationale (GNA), ce qui donnerait à Serraj, qui a été nommé par l’ONU, le contrôle de vastes actifs étrangers de la Libye, estimés à 140 milliards de dollars.

La saga a continué, lundi soir, quand Serraj s’est adressé, par écran vidéo interposé, à plus de 50 Grands de ce monde, à savoir les ministres des Affaires étrangères et de la défense de l’Union européenne réunis pour un dîner au Luxembourg.

Le fait que la chambre des représentants de Tobrouk n’ait toujours pas décidé d’accepter le gouvernement d’entente nationale n’a pas empêché Federica Mogerini, de l’UE, de réagir illogiquement, le soir même, à la déclaration de Serraj, en lui promettant 100 millions d’euros, perpétuant ainsi la mascarade de son gouvernement d’unité !

Les lecteurs se souviennent peut-être qu’il y a plus de deux semaines, Serraj est arrivé à Tripoli, en bateau, avec seulement 7 hommes, tout ce qui restait d’un Conseil présidentiel qui devait compter 9 hommes. Et où sont les 30 ministres et les 60 vice-ministres qui composent le gouvernement d’entente nationale ?

Arraché à l’obscurité par l’ONU, Fayez Serraj, un homme d’affaires de Tripoli, a été choisi pour ramener la paix en Libye et mettre fin à la guerre entre le gouvernement islamiste du Salut national à Tripoli et le parlement élu (HOR) à Tobrouk. Serraj a aussi pour mission d’écraser, à la tête d’une armée libyenne unie, tout à la fois ISIS et les gangs de migrants clandestins, les deux casse-têtes libyens de l’Occident. Une mission impossible !

Pour préserver cette illusion, les dignitaires occidentaux ont organisé des visites dans la capitale libyenne, un spectacle virtuel digne du « Village Potemkine ».

Ils atterrissent sous haute sécurité à l’aéroport de Mitega, sous la protection de leur propre petite armée et des quelques milices qui ont pris le parti de Serraj après ses promesse de grosses hausses de salaire. De là, ils parcourent 3 km à toute allure dans des voitures blindées le long de la route côtière qui mène la base navale. Une fois que les dignitaires sont à l’intérieur, les photographes prennent toute une série de photos de première importance des poignées de main, puis on repart en toute hâte.

Lundi dernier, le ministre britannique des Affaires étrangères, Philip Hammond, a aussi fait un saut au « bunker » naval de Tripoli, comme on appelle maintenant la base.

Quelques jours plus tôt, les ministres des Affaires étrangères français, italiens et allemands s’étaient aussi livrés à ce petit manège. Mais peu après que les avions VIP français et allemands se sont envolés, une milice a fait sauter la maison d’un homme politique qui avait osé objecter au nouveau gouvernement. Quelques heures plus tard, une autre milice a attaqué la maison de Tripoli du premier ministre élu, Ahmed Maiteeg. Aucun des deux hommes n’était chez lui, ayant la sagesse de rester à l’écart de cette ville infestée de milices, mais pendant la deuxième attaque, des milices rivales ont amené des chars dans les rues et il y a eu des combats sporadiques pendant cinq heures. Serraj lui-même était aux abonnés absents. Il a passé la plupart de ces dernières semaines à l’étranger, au Caire, à Istanbul, à Londres et à Tunis, partout sauf en Libye.

Rien de tout cela n’a été mentionné au dîner de gala de lundi soir au Luxembourg. Les dirigeants européens ont maintenu les apparences et les ont même améliorées en promettant d’envoyer des diplomates à Tripoli, une ville qui rappelle le Sarajevo du début des années 90.

Le mois dernier, l’UE et l’ONU ont cependant menacé de sanctions (geler les actifs ou interdire de voyager) les « trublions », c’est à dire les personnes qui oseraient s’opposer au gouvernement Serraj. Un d’entre eux, Abdul Rahman Swehli a cédé rapidement à la pression de l’UE et a été récompensé par le titre de « président » du soi-disant Conseil d’État. D’autres « trublions », dont le général Hafter, peuvent s’attendre au même traitement en dépit du fait qu’il soit en passe de reprendre Benghazi aux extrémistes. Cependant un seul homme a été mis, cette semaine, sur la liste des personnes à sanctionner, suite à l’ordre du président Obama de sanctionner les « trublions » libyens, et c’est Khalifa al-Ghweil, le chef du gouvernement islamiste de Tripoli. Jusqu’à présent, il est le seul ajout. Il ne fait aucun doute que d’autres noms seront ajoutés. L’ordre étasunien sera exécuté par l’ONU, pas par l’UE.

Si Saleh, de la chambre des représentants (HOR), ne se laisse pas suffisamment intimider par l’ONU pour dire vite oui au gouvernement fantôme d’entente nationale (GNA) de Serraj, il pourrait bien être le prochain sur la liste. Il est déjà sanctionné par l’UE.

Martin Kobler, de l’ONU, a également fait à Salah, cette semaine, à Tobrouk, une offre digne de Don Corleone, qu’il ne pourra pas refuser !

Mais même si la chambre des représentants acceptait le gouvernement d’entente nationale, ce qu’ils auraient soi-disant fait l’autre jour, cela ne ramènera pas la paix en Libye, on aura juste un simulacre de gouvernement d’unité. Récemment, les deux banques centrales orientales et occidentales rivales de Libye ont annoncé qu’elles projetaient d’imprimer leur propre monnaie. Je prédis que le pays finira par se diviser en deux.

Richard Galustian

Traduction : Dominique Muselet

»» http://www.moonofalabama.org/2016/04/meltdown-in-libya.html
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