La candidature d’El Baradei à la présidence de l’Egypte : Yes we can !

« Le véritable progrès démocratique n’est pas d’abaisser l’élite au niveau de la foule, mais d’élever la foule vers l’élite . »
Gustave Le Bon

Depuis quelques mois un vent d’espoir souffle en Egypte : un homme ose défier le pharaon d’opérette qui a mené son pays à la ruine morale et matérielle. Il s’agit d’El Baradei, Avec 83 millions d’habitants, l’Egypte a un seul record à son actif : c’est le pays le plus peuplé des pays parlant arabe. L’’Egypte de Moubarak n’a pas la baraka ; ne brille guère par ses performances économiques. C’est le moins que l’on puisse dire à en juger par le bilan du « Raïs » depuis son arrivée au pouvoir, en octobre 1981. « La pauvreté, écrit Samir Gharbi touche près de 42% de la population et le chômage a plus que doublé (11% contre 5%). La structure économique est restée quasi inchangée alors que la livre égyptienne a perdu 87% de sa valeur face au dollar américain. En fait, l’économie égyptienne ne tient que grâce à l’aide extérieure, américaine surtout : 47 milliards de dollars en vingt-deux ans. » (1)

C’est donc un pays exsangue, plus connu pour ses émeutes de la faim que pour la pertinence des rodomontades de Moubarak à l’endroit de l’Algérie se permettant même de se citer en exemple, « C’est moi ou l’Algérie », disait-il pendant la tragédie nationale de l’Algérie pour arracher l’appui et l’aumône des Américains. Parmi les autres points à ajouter, le rôle peu glorieux de l’Egypte vis-à -vis de Ghaza. « Le régime égyptien, qui s’était rendu impopulaire par sa gestion de la guerre, une gestion fortement sujette à caution, notamment par son verrouillage hermétique des frontières avec Ghaza en plein déluge de feu sur la Palestine, vient d’aggraver son cas en annonçant l’édification d’un rempart métallique censé neutraliser les tunnels creusés entre l’Egypte et la Palestine pour desserrer un peu l’étau sur la population ghazaouie. Aujourd’hui, on reproche à l’Egypte d’entraver l’acheminement de l’aide internationale vers les Territoires occupés. Dernier fait en date : un convoi humanitaire, conduit par le député britannique George Galloway, s’est vu refuser l’accès à Ghaza par la mer Rouge (port de Noueiba), qui représente le chemin le plus court, rapporte l’AFP. » (2)

Un pays exsangue

La carrière politique de Moubarak commença sous le président de l’époque, Anouar el Sadate, qui le nomma chef de l’armée de l’air et ministre des Affaires militaires en 1972. Le président de l’époque, Anouar el Sadate, fut assassiné le 6 octobre 1981. Moubarak prit le pouvoir, le 14 octobre 1981. Il poursuivit les politiques de privatisation et de libéralisme économique « El infitah » déjà mises en place par Sadate Pour pouvoir autant « durer » et prendre en otage tout un peuple, il faut reconnaître au « Raï s » l’art de la magouille. Ainsi, il fit place nette lors des élections présidentielles « s’arrangeant » pour être le seul candidat.

Dany Lescault-Grenier nous explique la machine à gagner moubarakienne : « En 2005, après des pressions de la part des États-Unis, il gagna l’élection au suffrage universel avec 88,5% d’appuis. A la suite de l’élection, le président Moubarak fit emprisonner Ayman Nour, son principal opposant durant la course à la présidence. Tout semble indiquer que 2011 marquera la fin de la mainmise de Hosni Moubarak sur la présidence de l’Égypte. » (3)

« Sa succession est un enjeu important qui pourrait changer les relations qu’entretient l’Égypte avec les différents acteurs internationaux. Deux candidats semblent se distinguer, soit son fils Gamal Moubarak et Omar Suleiman. Actuel chef des services de renseignements égyptiens, Omar Suleiman est reconnu pour sa forte opposition aux Frères musulmans. En 2011, il aura 76 ans. Après 30 ans de règne, tout indique que 2011 marquera la fin de Hosni Moubarak comme président de l’Égypte. Sa présidence fut contestée sur le plan de l’ouverture démocratique et les deux candidats possibles à sa succession semblent tendre vers une continuité des politiques mises en place depuis 1981. (3)

On se souvient de la mascarade des dernières élections de 2005 dans une fausse démocratie... Mustapha Tossa décrit à sa façon comment : « Le Raïs a été reconduit haut la main, avec la bénédiction des Etats-Unis (..) Mascarade électorale, référendum déguisé et ouverture en trompe-l’oeil, c’est par ces mots durs et abrasifs que les détracteurs du Raïs égyptien ont décrit cette reconduction, en grande pompe démocratique, de Hosni Moubarak à la tête du pays. Une série d’éditoriaux de la presse américaine sous le titre violent et ironique Our man in Cairo (notre homme au Caire) trahissait la volonté de l’équipe de George Bush de transformer l’Égypte en laboratoire à ciel ouvert d’une démocratisation pacifiée. (...) » (4)

« Que s’est-il passé, entre-temps pour que, partie d’une attitude volontaire, étonnement, éruptive et totalement réactive aux voix de la réforme et du changement en Égypte, l’administration Bush s’engonce dans une surprenante timidité, quand, en réponse à ses exigences, le régime égyptien lui propose les ingrédients de ce que l’opposition égyptienne appelle une farce présidentielle ? Un multipartisme sous haute surveillance et une compétition électorale à sens unique. Plusieurs facteurs sont à l’oeuvre pour expliquer la paralysie américaine, à la tête desquels se trouve indéniablement le bourbier irakien. (...) Un travail d’argumentation et de conviction, d’offre de services et de menaces sur le thème : si l’Égypte applique les exigences démocratiques américaines à la lettre, cela ouvrirait un grand boulevard devant les forces radicales foncièrement hostiles aux USA pour s’emparer du pouvoir en Égypte, en référence au mouvement des Frères musulmans, tapi dans l’ombre attendant que son heure arrive. (...) L’autre facteur qui explique sûrement la brusque indulgence américaine à l’égard de Moubarak a trait à l’utilité régionale du régime égyptien. Nul n’ignore le rôle déterminant joué par le patron des services égyptiens, Omar Soulaymane, dans l’entente secrète entre Palestiniens et Israéliens pour faire aboutir le plan de retrait de Ghaza. (...) Omar Soulaymane est régulièrement décrit par les journaux israéliens comme le possible successeur de Hosni Moubarak. » (4)

2011, après 30 ans au pouvoir, Hosni Moubarak cédera sa place. Son fils paraissait être comme le principal candidat à sa succession. Un grain de sable dans le rouage de l’intronisation : Qui est l’homme par qui le scandale arrive ? Celui qui ose défier le Raïs, Mohamed El Baradei, est né le 17 juin 1942 au Caire en Égypte Il a été directeur général de l’Aiea à partir du 1er décembre 1997. Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (Aiea) de décembre 1997 à novembre 2009. Le retour d’El Baradei le 19 février a été fêté comme il se doit par les Egyptiens de tout bord.

Ecoutons la journaliste nous décrire l’engouement et la sincérité de l’accueil : « Revenu en Egypte dans l’intention de se porter candidat à l’élection présidentielle, l’ex-patron de l’Aiea soulève l’enthousiasme d’une population qui avait perdu tout rêve de changement. J’étais dans la foule qui a accueilli Mohamed El-Baradei à l’aéroport du Caire le 19 février. Tous ceux qui étaient là ont eu l’impression d’assister à un moment historique. La presse a parlé de quelques centaines de personnes, mais, en réalité, on était des milliers. Toutes les générations étaient présentes : des enfants, des vieillards, mais surtout des jeunes, pleins de vie et d’espoir. (...) C’était un concentré d’Egypte, que le Dr El-Baradei a décrit ensuite à la télévision, où il s’est exprimé avec une sincérité palpable : « A mon retour, je me suis retrouvé en face d’un modèle réduit de l’Egypte. » (...) En observant cette foule à l’aéroport, j’ai senti un désir de changement chez les Egyptiens. Le désir de changer tout ce que nous vivons depuis des décennies ». (5)

« Nolens, volens, le régime de Hosni Moubarak, qui accapare le pays depuis des décennies, reconnaît que l’immobilisme ne peut plus durer. Ses hommes font à présent la promotion de Gamal, le fils du président, évoquant une « nouvelle pensée ». Cela revient à dire que le régime tel qu’il est aujourd’hui doit avoir une « pensée » bien archaïque. Ils croyaient pouvoir mener à bien leur projet d’introniser le fils comme successeur du père. Ils étaient sûrs d’arriver à leurs fins en faisant accroire que le fils serait la seule alternative au père. Nous étions à l’aéroport dès 10 heures. L’avion devait arriver à 15 heures, mais il a eu deux heures de retard. Certains commençaient à sentir la fatigue, la faim et la soif, mais personne ne songeait à repartir. Au contraire, d’autres arrivaient. Nous lisions les uns dans les yeux des autres, cette attente de voir notre espoir se concrétiser d’un instant à l’autre. On chantait l’hymne national, des chants patriotiques et on criait des slogans tels que : « El-Baradei, on est tous avec toi. On ne reculera pas ». (5)

« Pendant quelques instants, j’ai eu peur. Peur que tout cela se limite à un rêve, sans possibilité de le réaliser. Je me suis demandé si l’homme aurait le courage de tenir, s’il accepterait de prendre sur lui la responsabilité dont nous l’investissons, s’il pourrait résister à ce régime qui accapare le pouvoir et les ressources depuis si longtemps et s’il sortirait indemne des campagnes de dénigrement ayant pour but de salir sa personne, et à travers elles, le peuple tout entier. Finalement, sa voiture a pu se frayer un passage. Puis les gens sont repartis, seuls ou en groupes. Beaucoup avaient des pancartes arborant sa photo avec le slogan « El-Baradei président ! » « Puisqu’il n’est pas avec eux [le régime], ce doit être quelqu’un de bien. Mais est-ce qu’il ne va pas se faire écraser ? Ces gens-là , ma fille, sont sans foi ni loi ! » Nous avons besoin de reprendre confiance et de dépasser le sentiment d’impuissance qui nous inhibe. Les intellectuels, les artistes et les écrivains ont désormais le devoir de se montrer courageux et de saisir toutes les occasions d’en finir avec la tyrannie. Cette journée m’a fait comprendre que nous ne sommes pas impuissants. Nous pouvons agir. Maintenant. Tout de suite. » (5).

Le candidat de l’espoir

« Là -bas j’ai vu des paysans, venus de diverses régions d’Egypte, portant des banderoles où étaient inscrits les noms de leurs gouvernorats ; des gens à qui Mohamed El Baradei n’avait rien payé pour qu’ils viennent lui souhaiter la bienvenue. J’ai vu des familles égyptiennes participant pour la première fois à des événements politiques… Le nombre de femmes était notable, leur grand nombre témoigne du réveil des mouvements féminins égyptiens, et de la manière dont ils ont brisé les barrières des traditions et de la peur qui entravaient leur participation aux affaires publiques. (...) » (5)

L’écrivain égyptien Alaa El Aswany lui-même écrit sur son blog, pourquoi il faudrait être derrière Mohamed El Baradei aux prochaines élections : Le Dr Mohamed El Baradei a nombre de qualités impressionnantes qui l’ont rendu populaire. M. El Baradei a prouvé à quel point il aime le pays quand il a fait don de tout l’argent de son prix Nobel pour aider les habitants des bidonvilles, et a ensuite publiquement critiqué la corruption et l’oppression en Egypte, s’ouvrant les portes de l’enfer. Avec un peu de dissimulation il aurait pu rester ami avec le régime et obtenir un poste important au gouvernement s’il l’avait voulu, mais sa dévotion à la vérité a été plus forte que son intérêt personnel. Aussi, aux yeux des Egyptiens, M. El Baradei est-il un patriote qui est compétent et honorable, dont les mains ne sont pas tachées par la corruption ? Tout cela vaut au Dr El Baradei l’estime de tous les segments du spectre politique égyptien, depuis les Frères Musulmans jusqu’à la gauche en passant par les libéraux et même les Coptes de la diaspora. » (6)

Sa popularité ne cesse de grandir. Sur Facebook, plus de 51 groupes notamment « El-Baradei président 2011 » et « Avec El-Baradei, yes we can » se sont formés rassemblant près de 100.000 personnes favorables à sa candidature. Interrogé par la chaîne de télévision Dream TV, M.El Baradei s’est dit « prêt à être candidat à la présidentielle 2011, si le peuple me le demande, peu importe qui se présentera contre moi à l’élection ».

M.Moubarak ne serait pas sûr de l’emporter si le scrutin était libre, a expliqué l’ex-patron de l’agence onusienne, renouvelant ses critiques contre la corruption et la pauvreté et affirmant que tous les Egyptiens devraient avoir accès aux services médicaux et à une bonne éducation. Il est toutefois barré par la Constitution, qui impose aux candidats indépendants d’obtenir l’appui de 250 élus, dont au moins 65 membres de l’Assemblée nationale, 25 du Conseil consultatif (Sénat) et au moins dix élus municipaux, alors que le Parlement et les municipalités sont dominés par le parti au pouvoir, le Parti national démocratique (PND). (...) Les médias officiels et des responsables du PND ont déclenché une violente campagne contre M.El Baradei, le présentant comme étranger à son pays, incapable de gérer les affaires intérieures et facteur d’instabilité pour l’Egypte. « Je tente de mobiliser les masses populaires, qui sont pour le changement, afin de transformer le système égyptien en un système démocratique qui assure la justice sociale », a affirmé M.El Baradei. « Le premier pas de ce voyage est d’amender la Constitution pour garantir des élections libres et équitables », a-t-il poursuivi. Mardi 23 février, il a annoncé la formation d’une « Assemblée nationale pour le changement » appelant à des élections libres et à la fin des entraves pour les candidats à la présidentielle. Cette coalition rassemble des dirigeants des Frères musulmans et du mouvement Kefaya, Ayman Nour, et Alaa al-Aswany. (7)

Pour le pouvoir en place, écrit Abdelbari Atouan, il est l’épine dont il faut se débarrasser. En voyant les médias égyptiens s’acharner contre Mohamed El Baradei, on a l’impression de lire les organes officiels d’un parti crypto-communiste à la tête d’un Etat engagé dans une lutte sans merci pour la libération de la Palestine et contre l’occupation américaine de l’Irak et de l’Afghanistan. Ils le dépeignent en effet comme un agent des Etats-Unis, de mèche avec l’Oncle Sam pour dissimuler la réalité de la bombe israélienne et pour combattre le programme nucléaire iranien, voire nord-coréen. Ils lui reprochent même d’avoir contribué à l’invasion en Irak en affirmant que ce pays détenait des armes de destruction massive. Dieu est grand ! Voilà donc que l’Egypte se fait l’avocat de l’Iran et exprime sa solidarité avec la Syrie, qui a subi un bombardement israélien à Deir El-Zor, dans le nord-est du pays, sur ce qui aurait été une installation nucléaire ». (8)

« (...) A côté des vulgarités qu’ils déversent actuellement sur El Baradei, leurs invectives contre les Algériens à l’occasion du match de qualification pour la phase finale de la Coupe du monde de football [ l’Egypte n’a pas obtenu son ticket pour l’Afrique du Sud ] sont d’aimables plaisanteries. (...) Quant à nous, nous avons envie de remercier El Baradei, parce qu’il a brisé la peur et mis des bâtons dans les roues du processus d’intronisation de Gamal Moubarak en tant que successeur du père. » (8)

Nous ne pouvons que souhaiter bon vent à monsieur El Baradei, en espérant qu’il donne l’exemple à ces peuples musulmans harassés par les temps morts et qui rêvent d’un vent de liberté plus que d’un parfum de paradis selon le juste mot de Burhan Ghalioun. Amen.

Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique enp-edu.dz

1. Samir Gharbi L’économie égyptienne sous perfusion : Jeune Afrique 19/01/2004

2. Quand Moubarak étouffe Ghaza. El Watan 26 09 2009

3. Dany Lescault-Grenier : 2011 marquera la fin de l’ère Hosni Moubarak en Égypte.
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse?codeAnalyse=882

4. Mustapha Tossa Moubarak : Le règne le plus long http://www.maroc-hebdo.press.ma/MHinternet/Archives_664/html_664/moubarak.html

5. Howayda Taha : Mohamed El-Baradei, le générateur d’espoir Al-Quds Al-Arabi 02.03.2010

6. http://fr.globalvoicesonline.org/2010/03/01/30856/

7. El-Baradei prêt à affronter Moubarak à la présidentielle. AFP 23/02/2010

8.Abdelbari Atouan : Courrier International El Baradei, l’homme à abattre 01.01.2010

COMMENTAIRES  

06/03/2010 17:49 par Antar

Eh bien voilà l’homme-providence qui va sauver l’Égypte de ses sept plaies. Le culte de la personnalité encore et toujours. Cette tare atavique dont les Arabes (et j’en suis un) souffrent depuis des millénaires. La sacralisation du chef, AlCaid (le guide), le Rais, le leader sans qui aucun changement n’est possible. Nasser est mort, sa révolution a disparu avec lui. Nous attendons toujours un messie qui va faire renaître le panarabisme de ses cendres. Les Palestiniens ont mis tous leurs espoirs en Abou Ammar. AlKhitiar (le Vieux) s’est éteint et leurs espoirs avec...
En Amérique latine, le changement est impulsé par la base et les leaders tels que Chavez et Morales ne sont point que des catalyseurs qui se sont trouvés au bon moment et au bon endroit... Je doute que les peuples arabes sont mûrs pour une révolution à la bolivarienne et je crains que ce Baradei et l’engouement qu’il suscite en Égypte n’est qu’une pale figure (ce n’est pas un jeu de mot) de ce que le monde a connu avec Obama le sauveur...

06/03/2010 18:19 par rosa

pourquoi qualifier les pays arabes de pays musulmans ? Citez-les !point.Tous les arabes ne sont pas musulmans et ont envie qu’on leur foute la paix avec la ritournelle religieuse ouf !enfin la bombe avec albaredei non ? je vous rappelle que ce "nobel" a une responsabilité dans le désastre Irakien.

06/03/2010 21:13 par La candidature d'El Baradei à  la présidence de l'Egypte : Yes we can !

Ca, ce serait un culte de la personnalité ?

Pourtant, en France, on voit la même chose arriver à Villepin. Les Arabes n’ont pas brillé en ce qui considère l’histoire de leurs dirigeants, mais là , c’est la recherche d’un espoir avant quoi que ce soit.

07/03/2010 10:21 par Abdelkader DEHBI

J’aurais souhaité lire ce genre d’engagement politique de la part de l’auteur, en faveur de son propre pays l’Algérie. Une Algérie aujourd’hui devenue ce véritable cloaque de l’illégitimité politique ; des crimes de masse restés impunis, perpétrés par les généraux putschistes contre des populations civiles durant la décennie noire des années 90 ; de la corruption à coups de milliards de dollars ; et enfin, des négociations clandestines en dehors du peuple, pour l’installation de bases US dans le grand Sud, etc…J’aimerais tant croire que M. CHITOUR ne fait pas partie de ces "intellectuels organiques et alimentaires" qui évitent de froisser le pouvoir mafieux en place.
Quant au sinistre M. Bradaï, il est aussi pourri que les Moubarak, les Bouteflika , les Gaddafi ou autres Abdallah. Son prix Nobel n’en est-il pas la meilleure des preuves ?

08/03/2010 13:15 par Tannie

Je souhaite bon vent à El BARADEI même si je ne lui vois pas d’avenir en Egypte.

C’est un intellectuel et il est rare que ceux ci puissent obtenir le pouvoir, leurs adversaires concentrant alors leurs critiques sur le thème "il n’est pas comme nous". Franchement John KERRY ou bien Al GORE ont une autre tenue que Georges BUSH ex-alcoolique, mais justement ils ont perdu précisèment sur ce point, leur adversaire se contentant de ne pas répondre sur le fond de leurs arguments mais d’insinuer qu’ils étaient d’un autre monde. La seule exception notable étant Barack HUSSEIN OBAMA (mais à cause de son profil, intellectuel issu d’un milieu populaire, cet angle d’attaque n’était pas si évident pour la parti republicain. Ils ont un peu essayé de creuser sur le HUSSEIN mais pas trop n’en faut ... difficile de garder de bonne relations avec les petro-monarchies du golfe et d’insulter HUSSEIN au risque également de se farcir ses partisans chiites ...).

Pour revenir à El BARADEI, il va suffire d’expliquer qu’il est d’un autre monde (sans aller jusqu’à dire qu’il est vendu : non, il suffira d’insinuer des choses sur la caractère égyptien qu’il ne comprends plus, le pauvre, éloigné à Vienne depuis tant d’années !). Par ailleurs la très forte implication de celui-ci dans les organisations de contrôle mondial fait que celui-ci sera également vu comme faisant parti de la suite des maitres du monde (je ne crois pas à cette réthorique absurde mais je tiens simplement à signaler comment peut se dérouler la campagne de ses opposants).

Je ne sais pas si El BARADEI va ou peut gagner l’élection présidentielle égyptienne, par contre je crois sincèrement qu’il est primordial, qu’il y ait des hommes qui puissent faire le lien entre cultures. Si B.H.OBAMA a été élu aux Etats-unis, c’est parce que les blancs, qui n’ont peut être pas voté majoritairement pour lui mais dont l’apport de voix à été primordial, ont pu se dire qu’il était possible de voter pour lui ! Autrement dit que les clichés dont sa grand-mère avait peur n’étaient finalement que des clichés (en pensant également que la politique de BUSH a beaucoup fait pour permettre aux américains de franchir ce qui pouvait apparaitre comme un fossé).

L’apport d’EL BARADEI est à mes yeux identiques : il apporte une image d’un arabe musulman responsable pour une grande partie de l’opinion mondiale. Cette image est bien entendue vue par une autre partie du monde comme une trahison, voire une mascarade, mais au final ce qui importe c’est une réhabilitation de l’action politique et de l’acteur politique arabo-musulman (à ma connaissance très peu d’arabo-musulman vivant ont une image aussi bonne en occident que lui). Pour ce même occident son opposition à la politique va-t-en guerre des Etats-Unis ("Les inspections PEUVENT ... Nous n’avons pas FINI les inspections ...") lui donne une image équilibré plus soucieux de la vérité que de la realpolitique.

Le clanisme qui caractèrise les structures du pouvoir dans ces pays rends suspect, à priori , toute action politique qui est alors vue comme le résultat de luttes entres factions claniques rivales et non comme la résultante du bien commun. C’est précisèment l’éloignement d’El BARADEI qui le rends peu suspect de ces manoeuvres et c’est précisèment son éloignement qui rends possible un pouvoir débarassé des scories claniques et du culte de la personnalité.

Qu’il soit élu ou non El BARADEI aura déjà apporté sa pierre à cet édifice de compréhension et d’estime mutuelle et à ce titre aura droit à mon respect. Maintenant il est clair que le soutient de l’occident ne sera qu’une béquille handicappante et que son éloignement de la scène égyptienne risque de précipiter sa perte.

P.S : A noter qu’en ce qui concerne le thème de la corruption, plusieurs approches culturelles sont possibles et je ne connais pas celle en vigueur en Egypte toutefois je pense nécessaire d’en évoquer un point qui peut paraitre paradoxal pour un "occidental". En occident la corruption est vue comme un delit et/ou un crime vis à vis d’un groupe au profit exclusif d’un individu. Mais dans beaucoup de pays les personnes ne vivent pas dans un contexte d’individualisme. Ils s’insèrent dans les structures dites sociales (par exemple claniques ou bien ethniques) et en tant que tel doivent faire ce qu’ils peuvent pour aider cette structure nourricière (A noter que l’on ne demande pas autre chose des citoyens occidentaux vis à vis de leur pays). Il ne s’agit donc pas d’individualisme et d’égoisme (le corrompu garde son argent pour ses besoins personnels et exclusifs) mais plutôt d’obtenition et de partage des ressources ainsi dégagées (Les ressources de la structure se sont accrus permettant plus de redistribution parmi les membres). Je ne défends pas cette option mais je souhaite la remplacer dans son contexte pour en restituer la cohérence (Je n’ai aucune estime pour ETA mais l’impôt révolutionnaire, est-il identique à l’extorsion de fonds de la MAFIA ? Formellement il a le même caractère et les risques sont grands pour qu’une idée généreuse au départ se transforme en ignominie : transposez au groupe que vous souhaitez, IRA, FARC, tutti quanti et vous aurez une idée des raisonnements, justes ou faux peu importe, qui vont avec cette idée).

Pour en finir avec ce thème, la corruption n’est donc pas vue comme une extorsion au profit d’un seul mais comme une dîme au profit d’un ensemble de personnes (qui eux mêmes sont justifiables de la bonne santé globale de la structure dont ils font parti).

Et si vous y réflechissez un peu, il existe beaucoup plus de pays dans lesquels il existe de facto cette dimension éthnique voire clanique que de pays strictement senso "républicains".

08/03/2010 13:59 par legrandsoir

L’IRA et les FARC ont été crées comme une réaction de défense contre un état de fait. Leur raison d’être (à tort ou à raison) est la transformation de la société (au mieux) ou une correction des injustices les plus flagrantes (au minimum), pas la promotion de leurs membres. Etre membre de la Mafia présente des avantages (sinon, où serait l’intérêt ?). En Colombie, quels sont les avantages d’appartenir aux FARC, à moins d’aimer dormir dans la jungle à longueur d’année ? Paramilitaire, CA c’est un métier : massacre à gogo, viols à la carte et impunité quasi systématique. Que demande le peuple ?

A partir de là , tenter de faire des parallèles sur leurs formes d’action respectives à partir de bribes obtenus des médias (attention, une alarme vient de retentir là ), sans connaître les détails, fait courir le risque de... se tromper, évidemment. L’IRA, je ne sais pas, mais "l’impôt Révolutionnaire" des FARC a une logique et un mécanisme qui n’est PAS une simple extorsion de fonds. Les travailleurs sur les plantations dans les zones contrôlées par les FARC pourront vous expliquer à quoi ressemblait leur vie avant et après les FARC. Les travailleurs que les paramilitaires n’ont pas exterminés pour connivence avec les rouges, évidemment.

08/03/2010 18:29 par Tannie

Quel que soit l’opinion que je puisse avoir des FARC, de ETA ou de l’IRA il est bien clair dans mon esprit qu’il s’agit de mouvements révolutionnaires et non d’associations de malfaiteurs. Les gens qui y adhérent le font d’abord et avant tout pour des idées et non un profit personnel immédiat.

J’ai cité ETA et l’IRA, parce que au bout de plusieurs décennie d’action il est apparu, pour un grand nombre de ses membres, que le risque était très grand de se transformer en association "mafieuse" au détriment de l’action politique, faute de pouvoir traduire en termes politique leur aspirations et à cause de la poursuite de leurs "prélevements" sur la société, seule facette visible de leur action.

A ce titre ces "prélévements" relévent soit de la "justice sociale" (définition révolutionnaire), soit du racket (définition étatique). Je souhaitais simplement expliquer que ce qui pouvait être vu comme un transfert de ressource "illégitime" puisse être présenté sous d’autres facettes, et c’est uniquement cet aspect concernant la corruption et les prélevements "indus" que je souhaitais expliciter.

Être membre d’une triade, d’un clan ou d’une éthnie peut ou non présenter des avantages, par contre ces structures ont un mode de fonctionnement non pour le membre qui vient collecter les fonds mais pour le groupe qu’il représente. Bien sûr les motivations sont importantes pour qualifier ce "prélèvement" (et à ce titre la MAFIA est clairement méchante et le parallèle avec des mouvements révolutionnaires était excessif), toutefois pour les "extorqués", la différence objective (méthodes, montants, fréquence, ...) peut être minime, voire nulle.

Je connais bien moins la situation précise des FARC en Colombie, ou celle du "Sentier Lumineux" au Pérou, il m’est donc difficile d’avoir une opinion précise et étayée à leur sujet (notez toutefois que la presse internationale fait états d’enlevements dont semblent se plaindre les colombiens).

Ce développement sur la "corruption" simplement pour souligner que ce qui peut choquer un occidental, la corruption, peut ne pas être vu comme un argument pertinent par les populations concernés, notamment égyptienne (J’ai longtemps ignoré "Le mal Français" d’Alain PEYRREFITE, mec de droite, mais il développe un argument très similaire concernant la "roublardise" de certains politiciens. D’après lui ce n’est pas tant la naïveté de certains qui les fassent élire mais au contraire leur cynisme, autrement dit leur souhaits de voir cette "roublardise" mise à leur profit ! On voit donc des situations très particulières où par exemple, Balkany, multi-récidiviste, peut parfaitement être réinstauré dans sa mairie, le sous entendu, et à y réfléchir pas seulement des mecs de droite car il ne sont pas assez nombreux, est qu’il mettra ses bonnes relations au profit de la commune ... C’est cynique mais cela se passe en France et cette description du mécanisme globale est faite par un mec de droite des années 1970 : pour dire les choses simplement, je ne suis pas sûr que la corruption soit l’argument clef de l’élection égyptienne ...).

Mes excuses aux mouvements révolutionnaires qui ont pu se sentir salis par cette collusion avec la MAFIA ...

09/03/2010 13:29 par Juares

Mr Chitour a les yeux de Chimène pour cet "espoir" venu du Nord ! C’est faire fi de l’existence des Frères musulmans qui sont en scène depuis des décennies et dont, des milliers de militants ou seulement sympathisants croupissent dans les goêles ! L’honnêteté intellectuelle voudrait que l’on dise que ce candidat est plutôt parachuté en catastrophe par Washington et ses alliés, pour essayer de faire pièce à ce parti politique qui dérange et dont ils n’en veulent à aucun prix !
N’oublions pas que le "Raîs" d’Égypte a régné en maître absolu pendant des décennies et,qu’il a écrasé d’une main de fer toute opposition politique.Ce pays est devenu une caserne où, les "forces de l’ordre" sont numériquement bien supérieurs à l’armée nationale:du simple au triple !

On peut en penser ce que l’on veut des Frères musulmans mais,le dernier mot appartient au peuple ! Laissera t-on les Égyptiens avoir le droit de disposer d’eux-mêmes ? That’s the question.

(commentaire du Grand Soir : le lien que vous avez fourni est invalide)

09/03/2010 18:14 par Rachid Zani

Les accords Sykes-Picot ou l’indéboulonnable "diviser pour mieux régner".

Les égyptiens ont plus besoin d’un "salah el din" pour bouter l’impérialisme occidental hors de l’histoire légitime de leur pays qu’un énième dirigeant contrôlé par les américano-sionistes.

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