L’Ukraine est à nouveau dans une phase explosive, bien plus explosive certes que les phases précédentes. Entretemps, la situation, largement suscitée par les habituelles méthodes d’“agression douce” (voir le 14 mars 2012) et autres “révolutions de couleur”, avec cette fois l’UE à la pointe de cette vertueuse subversion, a pris une orientation un peu plus originale qu’à l’habitude. Elle concourt à placer les uns et les autres, et particulièrement les “sponsors”-Système du bloc BAO, dans une situation extrêmement délicate.
On citera ici des extraits de trois textes qui représentent des commentateurs de tendances différentes mais qui échappent en partie au moins à l’exacerbation de l’affectivité constituant le principal moteur de la politique du bloc BAO, et de ses diverses manigances tellement à ciel ouvert que le terme de “complot” est à proscrire, – “agression” oui, qui dit hautement son nom, sans complexe, sans hésitation, sans rien, “complot” non, certainement pas, tant la chose est visible, sinon hurlante (voir le 16 décembre 2013). L’“orientation un peu plus originale” concerne la composante la plus activiste du mouvement de contestation en Ukraine, qui apparaît, elle aussi, désormais en pleine lumière, et qui prend le catéchisme et les narrative imperturbablement vertueuses du bloc BAO dans un très douloureux contrepied. Le bloc BAO, avec particulièrement l’UE dans le rôle de l’incendiaire de service, se trouve dans la perspective du surgissement d’une force d’extrême-droite radicale, hyper-nationaliste, néo-nazie, antisémite, etc., etc., – voyez tous les qualificatifs de démonisation habituellement utilisés à cet égard. Bref, ces extraits divers sont donnés, “pour info” comme on dit, pour bien éclairer les perspectives pathétiques de cette étrange et sinistre comedia dell’arte qui se joue dans les rues de Kiev, dans les colonnes de notre presse-Système et dans la bouche des porte-paroles des divers gouvernements et autres du bloc BAO.
• De Mark Sleboda, professeur de relations internationales à l’université de Moscou, dans Russia Today ce 22 janvier 2014. Il s’agit d’une interview à lire dans son intégralité, dont nous extrayons une partie qui donne un bon résumé de l’identification, de la forme d’activisme et des actions de la partie la plus offensive de la contestation, véritable meneuse de jeu de la crise.
« Mais je pense que les observateurs devraient s’intéresser davantage à deux des drapeaux qui flottent sur les manifestations. L’un d’eux est le salut bleu et jaune à trois doigts du parti libéral néo-nazi “Svoboda” dirigé par Oleg Tyagnibok. Et il s’agit d’un homme qui est considéré comme un des trois grands leaders d’opposition et qui est monté sur la scène de la place Maidan à Kiev avec les leaders politiques européens et étasuniens pour réclamer la révolution. L’autre est le drapeau rouge et noir de ce qu’on appelle maintenant le “Secteur de Droite” qui est une coalition informelle de groupes de droite ultra-nationalistes qu’on peut qualifier à la fois d’aryens et antisémites. Et qui incluent “Marteau blanc”, “les patriotes d’Ukraine”, “UNA-UNSO” et plusieurs autres groupes ultra-nationalistes et de nombreux hooligans du football qui sont arrivés dans la rue par le biais des médias sociaux. Ces gens-là n’ont pas seulement attaqué la police, et il n’y a pas que le Congrès Juif qui s’en inquiète, mais comme le Nation Magazine étasunien l’a rapporté ce matin, il y a eu de multiples attaques contre des manifestants de la gauche sur la place de l’Indépendance elle-même. Des féministes, des manifestants pour les droits des gays, des militants syndicaux et des socialistes ont tous été attaqués par ces ultra-nationalistes qui en ce moment représentent la majorité des militants non seulement sur la place Maidan mais dans la rue Grushchevskovo. »
• De Mark Almond, professeur d’histoire à l’université d’Oxford, dont les propos sont rapportés par Russia Today le 22 janvier 2014. Almond étend ses remarques à une appréciation de la “politique” suivie par l’opposition modérée et, d’une façon générale, par “l’Ouest” (le bloc BAO pour nous). Pour Almond, il y a une certaine complicité entre l’opposition dite “modérée” et son aile ultra-nationaliste, néo-nazie, etc. (Svoboda et “Secteur de la droite”), selon l’idée que la “révolution orange” de 2004-2005 ayant finalement échoué, la voie d’une prise de pouvoir par la violence (on dit aussi, dans le langage d’avant : “révolution”) est la tactique à suivre. L’“Ouest“ suit en aveugle, sans précisément réaliser les risques de la chose : bref, tout le monde “joue avec le feu”, mais nul ne sen étonnera puisqu’il s’agit d’incendiaires...
« "Ils veulent marginaliser Yanukovich et ses supporters du parti des Régions. Ils ont donc besoin d’une révolution non-constitutionnelle. N’oubliez pas qu’une des chaînes de télévision de l’opposition s’appelle maintenant la "chaîne révolutionnaire" a dit Almond à RT. [...]Vitaly Klitchko a un double langage : quand il parle en Anglais ou en Allemand pour les médias, il parle de manifestations pacifiques et de nouvelles élections ; mais à ses supporters il dit que Yanukovich est comme Ceausescu et comme Kadhafi. Quand on dit que le président de l’Ukraine est comme Kadhafi cela veut dire que c’est un dictateur qu’il faut lyncher comme Kadhafi l’a été fin 2011" précise Almond.
»"Donc le danger existe que l’extrême droite, très présente, composée de nationalistes extrémistes et même d’éléments quasiment nazis, serve les objectifs politiques des leaders apparemment modérés. Cela signifie qu’ils veulent renverser l’état existant, ils n’ont pas confiance dans les élections parce qu’ils craignent que, même s’ils les gagnent, Yanukovich ne bénéficie encore d’un soutien suffisant pour que son mouvement politique survive et revienne an pouvoir comme cela a été le cas après la révolution orange", ajoute-t-il. Et donc, "les soi-disant libéraux et modérés jouent avec le feu" conclut Almond en précisant que les groupes extrémistes qui affrontent actuellement la police pourraient bien se retourner contre eux aussi. "C’est une situation très instable, et je pense que Vitaly Klitchko, Yatsenyuk, Parshenko - ces leaders que l’Occident courtise - jouent avec le feu tout comme l’Occident," affirme Almond. »
• L’intérêt de Volodymyr Ishchenko, troisième intervenant cité, est qu’il publie un texte dans l’icône du libéralisme internationaliste qu’est le Guardian, ce 22 janvier 2014. (Ishchenko est un sociologue ukrainien, conférencier à l’université de Kyiv-Mohyla, directeur du Centre de Recherches Sociales à Kiev, éditeur de la revue Commons : Journal for Social Criticism.) Manifestement, ce texte n’a pas été écrit dans l’urgence des événements de ces deux derniers jours : il reprend des éléments de textes du même Ishchenko parus dans d’autres publications (voir le 7 janvier 2014 sur le site Criticatac.ro et le 10 janvier 2014 sur le site Eurozine) ; il est même repris d’une publication du même jour, le 22 janvier 2014, sur Best Education News. En d’autres mots, nous voulons dire que ce texte, publié là où il l’est, reflète un malaise grandissant dans le chef des élites-Système, notamment au Guardian dont la russophobie confine à une pathologie structurelle, qui soutient par conséquent la “révolution ukrainienne” et qui commence à se demander avec quelque préoccupation si cette “révolution”-là n’a pas d’étranges couleurs, qui nous rappellent quelque chose. L’extrême-droite fasciste et nationale-socialiste en Ukraine et dans d’autres pays européen du même type équivalent après tout, en circonstances, orientations et interférences, aux islamistes en Syrie ; certes, une fois qu’on a le modèle syrien, après un galop d’essai avec la Libye, pourquoi ne pas s’y tenir... D’où l’appel à Ishchenko, dont le texte ne dissimule pas la pénétration radicale du mouvement vertueux rêvé par nos belles âmes des extrémistes de droite ukrainiens... (Cela, tout en étant dénonciateur du pouvoir ukrainien actuel, – l’honneur démocrate et libéral est sauf.)
« Les militants du Secteur de Droite ne viennent pas de surgir du néant même si de nombreux médias et de manifestants libéraux préfèrent ignorer leur existence. Ils sont très actifs depuis le début, et, ce qui les intéresse, ce n’est pas tant de s’associer à l’Europe que la "révolution nationale". Ils ont infiltré très efficacement les gardes volontaires et les camps de tentes.
»Le 1er décembre ils étaient la principale force derrière la violente attaque qui a eu lieu près de l’administration présidentielle contrairement à la version populaire qui accusait des provocateurs du gouvernement. Dimanche dernier quand Vitali Klitschko qui selon les sondages sera probablement le prochain président d’Ukraine, a essayé de freiner les attaques contre la police, il a été hué. De nombreux manifestants qui n’avaient jamais imaginé qu’ils pourraient lancer des pierres et des cocktails Molotov contre la police, ont participé aux violences de l’extrême-droite, parce qu’ils en avaient assez de venir tous les dimanches écouter les mêmes discours des leaders de l’opposition sans rien voir changer.
»Mais ceux qui s’enthousiasment à l’idée illusoire d’une révolte nationale oublient que tout ceci est un pas supplémentaire vers la normalisation de l’extrême droite. Le Secteur de Droite a déjà popularisé avec succès ses slogans ("Gloire à l’Ukraine ! Gloire à nos héros !", "Gloire à la nation ! Mort à nos ennemis !", Ukraine par dessus tout !"). Il ne faut pas oublier que ces gens, qui professent parfois des opinions ouvertement nazies, s’empresseront de passer des lois bien plus répressives contre d’autres ennemis définis, ceux-là, par des critères raciaux.
»Plusieurs milliers de gens participent aux violents affrontements mais au-delà des deux places du centre et des quartiers environnants la vie continue comme d’habitude à Kiev... »
... Comment poursuivre dans le même sens, en commentateur zélé ? Sinon, pour ajouter un peu de sel sur la queue, par le rappel que l’époustouflant sénateur John McCain, républicain absolument démocrate (dans le sens idéologique, sinon métaphysique-américaniste, hein), droitdel’hommiste et dénonciateur à ne pas croire de tous les fascismes du monde, exaltait la “révolution ukrainienne” ave à ses côtés, comme une ombre bienfaisante du passé, Oleh Tyahnybok, leader du parti Svoboda, qui éructe régulièrement contre les juifs et chérit la svastika figurant en emblème sur son drapeau (voyez Channel 4, le 16 décembre 2013, sur McCain à Kiev dans cette aimable compagnie). Il n’est même pas assuré que l’AIPAC ait fait quelque remarque à ce propos au sénateur, retour de Kiev, parce que l’AIPAC, finalement, ne s’intéresse qu’à une chose, qui est la comptabilité des $millions pour assurer la continuité de la corruption selon certaines consignes automatiques, sans s’occuper du reste. Ce qui nous intéresse dans cette sorte de remarques, et pour en revenir au désastre ukrainien en cours, ce n’est ni le “danger du fascisme”, ni les étendards chargés de svastikas diverses et autres, qui ne sont en fait qu’une expression de plus du désordre totalitaire, informe et déstructurant-dissolvant qui s’étend sur le monde, que l’extraordinaire résilience de la fermeture à double tour de l’esprit chez le sapiens-BAO d’une façon générale.
L’Ukraine est donc engagée dans un processus syrien, dont il n’est assuré en rien qu’il porte ombrage d’abord à la Russie. (Notre remarque du 18 décembre 2013 est plus que jamais valable, notamment en ayant à l’esprit l’engagement polonais derrière l’extrême-droite ukrainienne antirusse par rapport aux normes de vertu de l’OTAN et l’UE, qui ressurgiront à un moment ou l’autre avec leurs exigences : « ...l’Ukraine, dont la déstabilisation affecterait beaucoup plus, à notre sens, l’UE elle-même voire l’OTAN que la Russie, qu’elle unirait dans la lutte contre un danger pressant. ») Le moment est particulièrement intéressant, alors que les anathèmes contre le pouvoir ukrainien se multiplient (notre président-poire, de son scooter de notaire en bamboche, s’est dit “extrêmement préoccupé”) et ne peuvent que se multiplier puisque la langue de bois-narrative est leur seule façon d’être, et qu’il importe qu’ils assument les consignes à cet égard ; alors que de tels anathèmes les conduisent de plus en plus aux côtés des hyper-nationalistes, néo-nazis et casseurs-fascistes des stades, – que du beau monde, – qui mènent la danse à Kiev.
[...]
Pour lire la suite :
http://www.dedefensa.org/article-l_ukraine-syrie_notre_dernier_frankenstein_en_date_23_01_2014.html
Traduction des parties en Anglais : Dominique Muselet