L’endettement de la Grèce au profit des industries militaires.

Qui eût pu penser qu’une des principales causes de l’endettement de la Grèce soit directement liée aux achats d’armes en provenance des industries militaires Étasuniennes, Allemandes et Françaises ? Dans un article, traduit de l’anglais à l’espagnol, l’auteur pose la question suivante : « quel est le pays de la Communauté européenne, actuellement en faillite, qui est le 4ième importateur d’armes au monde ? ».

Il y a dans cette affirmation de quoi surprendre bien du monde, d’autant plus que la Grèce n’est pas particulièrement impliquée dans les guerres qui sévissent dans le monde et sa sécurité n’est pas davantage menacée par ses voisins. Alors pourquoi ces achats d’armes à un moment où la crise économique menace ses politiques sociales en santé et en éducation et que l’emploi est en crise ? Déjà , nous savons que les budgets consentis à ces secteurs sont loin de ceux consentis par l’ensemble des pays de l’Union Européenne. La Grèce, avec un PIB per capitica, semblable à celui de l’Espagne, n’est pas un pays pauvre, mais sa richesse est distribuée inégalement, ne consacrant que 4% de son budget annuel à l’éducation.

De 2005 à 2008, la Grèce a doublé la valeur de ses emprunts pour payer des armes dont elle n’avait pas besoin. Selon une recherche conjointe de juges grecs et allemands, les vendeurs d’armes ont utilisés la corruption pour s’assurer la collaboration d’importants hommes politiques, de fonctionnaires et de chefs militaires. L’argent emprunté pour acheter ces armes vient des mêmes pays d’où proviennent les armes, soit les États-Unis, la France et l’Allemagne. De 2005 à 2008, les prêts consentis à la Grèce pour l’ensemble de ses obligations ont atteints la somme astronomique de 160 000 millions de dollars. Pour un pays de 11 millions d’habitants c’est peu dire.

Avec cet argent la Grèce a amplement de quoi payer la facture de 3000 millions de dollars en hélicoptères de combat français, 2000 millions de dollars en avions de combat étasuniens, plus ou moins le même montant pour les avions Mirage français et presque le triple en sous-marins allemands.

Ce ne sera qu’à partir de 2009 que la Grèce commencera à avoir des difficultés de paiement pour couvrir ses achats d’armes et ce sera à ce moment que l’Union Européenne se montrera préoccupée. D’ailleurs, c’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le débat récent entre l’Allemagne et la Banque Centrale Européenne portant sur la meilleure manière d’aider la Grèce à honorer ses paiements sur la dette qui l’accable. Dans ces discussions on parle beaucoup plus de coupures dans les programmes sociaux que de ceux sur les armements. Pour 2011, le débat se poursuit et tout semble indiquer qu’une coupure de 6 500 millions euros sera votée dans le budget de crise, amputant d’autant le budget des divers programmes sociaux. La question des dépenses militaires ne semble pas faire partie du débat si ce n’est l’obligation de la Grèce d’honorer le paiement de sa dette en armement.

Comment, dans pareil contexte, ne pas voir un parallèle avec ce qui s’était passé en Argentine à la fin des années 1990 et 2000 ! Y a-t-il derrière un tel procédé une stratégie de l’endettement visant à prendre le contrôle de pays et même de peuples entiers ? Cette stratégie, bien assaisonnée par la corruption des principales têtes dirigeantes, ne permet-elle pas, tout à la fois, la prise de contrôle d’un État et les ressources nécessaires destinées à leurs propres industries ?

De quoi nous faire réfléchir et faire réfléchir le peuple canadien dont le gouvernement ne cesse d’augmenter ses dépenses militaires alors qu’il n’est menacé par aucun pays. Ne doit-il pas réviser, dès maintenant, sa politique d’armements et de dépenses militaires et se concentrer sur les politiques de développement économique et social ? Il n’appartient pas aux canadiens de financer les industries militaires étasuniennes pas plus que les guerres menées dans le cadre d’intérêts qui nous sont étrangers. Le peuple canadien n’a pas d’ambition impériale et il faut souhaiter que ses dirigeants en sont conscients.

Oscar Fortin

Québec, le 28 juin 2011

http://www.rebelion.org/noticia.php?id=131283

http://www.spectrezine.org/

http://www.economieetsociete.com/Un-documentaire-sur-la-crise-economique-argentine-de-1998-2002_a434.html

COMMENTAIRES  

30/06/2011 22:39 par Dominique Guillet

En lien sur le blog de Kokopelli :

- 30 juin 2011 : Les fournitures militaires vendues, par la France, à la Grèce archi-endettée comprennent-elles des bombinettes nucléaires ? C’est une question que l’on peut se poser à la lecture de ce court article, mais ô combien évocateur, paru chez le Grand Soir : L’endettement de la Grèce au profit des industries militaires.

01/07/2011 02:23 par Yann

"et sa sécurité n’est pas davantage menacée par ses voisins"
Ah bon ? Et les tensions croissantes avec la Turquie alors ?

01/07/2011 15:59 par kraramulac

"...La solution existe mais elle demande un peu de courage.
L’Église Grecque est immensément riche comme autrefois la française (qui était propriétaire d’un tiers du pays, rien de moins avant la révolution de 1789, causé justement par l’endettement de l’Etat français...).
Six-cent Milliards d’euros !!!
Oui 600 milliards c’est l’estimation que fait le FMI qui ajoute que les actifs de l’Etat Grec sont de plus de 140 milliards. Bref l’argent est là , alors prenez-le !
Vos curés vous baisent foutre dieu !
Prenez le pognon là ou il est avant la chute du dollar.
C’est mieux que de prendre des coups de triques dans des manifestations syndicales.
..."

- >http://debord-encore.blogspot.com/2011/06/la-contre-revolution-en-grece.html]http://debord-encore.blogspot.com/2011/06/la-contre-revolution-en-grece.html

05/07/2011 21:43 par kephil

D’après mes informations voici les chiffres des dépenses en armement pour la Grèce :
« 1988 : 1 355 millions d’euros : 5,1 % du PNB 1992 : 2 452 millions d’euros : 4,3 % du PNB 1995 : 3 438 millions d’euros : 4,3 % du PNB 2000 : 5 921 millions d’euros : 4,9 % du PNB 2003 : 6 309 millions d’euros : 4,1 % du PNB 2009 : 6 milliards d’euros : 3,1 % du PNB »
Il me semble qu’entre 2003 et 2009 il y a plutôt une diminution des dépenses militaires en moyenne.
Serait-il possible d’apporter plus d’éléments en réponse à cela dans l’article ?
Merci d’avance

04/10/2011 18:51 par Dominique

kephil, les chiffres que tu cites sont les dépenses militaires totales, pas les achats d’armes. Voir par exemple http://fr.wikipedia.org/wiki/Forces_arm%C3%A9es_grecques , article qui confirme que la Grèce est bien le 4ème acheteur d’armes au monde. Cet article confirme aussi que la raison qui pousse la Grèce à s’armer autant est la concurrence avec la Turquie.

Pour en savoir plus, une petite recherche m’a amener sur cet article : http://www.marianne2.fr/La-Grece-est-endettee-mais-surarmee-Cherchez-l-erreur_a207086.html
On y apprend bien des choses :

"Entre mars 2005 et septembre 2008, les engagements des banques d’Europe occidentale en Grèce ont doublé. Ils sont passés de 80 à 160 milliards de dollars US. Parmi les établissements financiers les plus généreux, on retrouve des banques françaises, elles sont détentrices de prés d’un tiers de la dette publique grecque. N’oublions pas leurs consoeurs allemandes, elles s’adjugent 15% des créances prises sur l’Etat grec."

"en 2009, la Grèce a occupé le quatrième rang mondial des importateurs d’armes. Pour y parvenir, le gouvernement en place mit littéralement le paquet : 1,269 milliard de dollars US fut consacré à cet objectif.

Ce chiffre en tête, on ne s’étonnera pas du rapport existant, en Grèce, entre PIB et budget de la défense : ce dernier en représente 4,3%. A titre de comparaison, la France, laquelle dispose pourtant d’une force de frappe et se trouve engagée dans deux conflits (Afghanistan, Libye), ne consacre que 2,2% à ce même budget.

Mais ceci n’est rien.

Car en se livrant à une rétrospective, on constate que depuis dix ans la Grèce occupe, vaille que vaille, cette quatrième place mondiale des importateurs d’armes. Cette position continuelle au sein du Top 10 des acheteurs a nécessité des investissements, non seulement massifs, mais colossaux : 11, 209 milliards de dollars US ont été engloutis pour y parvenir !"

"Hasard ou coïncidence : en pleine crise des « subprimes » l’Etat grec regorge de liquidités … pour acheter des armes

Entre décembre 2005 et mars 2007, d’une part, entre juin 2007 et le second semestre de l’année 2008, d’autre part, des liquidités en grand nombre ont pris le chemin de la Grèce. Lors de la première séquence, le volume des prêts consenti par les banques à l’Etat grec a augmenté de 50%, passant d’un peu moins de 80 milliards à 120 milliards de dollars. Lors de la seconde séquence, ce volume a connu une seconde nette augmentation - 33% - passant de 120 à 160 milliards de dollars.

Ce qu’il y a d’intéressant avec cette seconde séquence, c’est qu’elle coïncide avec deux choses.

D’abord, elle coïncide avec la crise des « subprimes ». Ainsi, au moment où les démon de la crise et autre spectre de l’Apocalypse financier hantent l’Europe, provoquant une recapitalisation massive du secteur banquier privé par les Etats, « on » sait trouver - au sein de ce secteur banquier - des liquidités pour les faire converger vers la Grèce.

Ensuite, elle intervient à un moment très dense pour le business de l’armement en Grèce. Comme le signale, en effet, un rapport de l’OTAN, entre 2005 et 2009, la Grèce a vu ses dépenses d’armement grimper d’un tiers, passant de 5,4 à 7,3 milliards de dollars. Il faut dire que cette période est une période-clef : la Grèce y est particulièrement active en matière de pourparlers, négociation de contrats, achats fermes ou … dettes enfin honorées.

Mais le plus intéressant, c’est cette autre coïncidence : les banques les plus généreuses appartiennent toutes à ces (mêmes) pays dont les entreprises d’armement réalisent un si bon business au pays des Hellènes.

Alors … que penser de cette superposition d’évènements ?

On peut en tirer quatre enseignements :

1. l’Etat grec, déjà endetté, a pourtant reçu de nouveaux concours financiers le dotant d’un pouvoir d’achat totalement artificiel.

2. une partie non négligeable de ce pouvoir d’achat artificiel a été consacré à des acquisitions massives d’armement.

3. l’origine de ce pouvoir d’achat artificiel tient à des concours financiers de banques de même nationalité que les entreprises fournisseuses d’armement.

4. ces concours financiers n’ont pu être réalisés qu’en utilisant les sommes données par les Etats afin de recapitaliser les banques menacées de déconfiture par la crise des « subprimes »"

Hallucinant ! surtout en considérant le point 4. !

Et ce n’est pas fini.

"... On peut citer des achats emblématiques : avions de combat made in USA pour plus de deux milliards de dollars US, bis repetita avec des Mirages 2000 made in France pour 1,6 milliards d’euros, et, last but not least, acquisition de six sous-marins made in Germany pour, excusez du peu, 5 milliards d’euros."

Je passe sur l’affaire de pots de vin de Siemens qui porte sur environ 1 milliard d’euros entre 1990 et récemment, c’est à dire en plein dans la période qui nous intéresse.

Quand à la France, elle a recouru au chantage : ".N. Sarkozy et F. Fillon se seraient adressés en ces termes à G. Papandreou : « Nous allons lever des sommes pour vous aider, mais vous devez continuer à payer les contrats d’armements qu’on a avec vous, signés par le gouvernement Caramanlis. »"

"Le cynisme de l’Oncle Sam : encourager le surarmement turc pour pousser les Grecs à la dépense"

"Les choses ont, néanmoins, fini par bouger … mais côté turc seulement. Ceux-ci ont fait, en 2010, des propositions de limitations budgétaires à la Grèce soient - 20%. Sans succès, alors qu’en 2009 la Turquie n’occupait plus que le dixième rang des importateurs mondiaux d’armement après avoir occupé constamment la sixième place de 1998 à 2008.

Ce refus grec trouve son explication dans un réflexe quasi-conditionné de course aux armements, réflexe savamment entretenu par les USA, notamment pour ce qui a trait au domaine aérien.

En la matière, les Turcs ont toujours bénéficié des meilleurs « produits » made in USA. Avant le programme de restriction budgétaire turc, cela se traduisait sous forme de pléthore. Depuis, cela se traduit sous forme de qualité puisque la Turquie participe au programme de cofinancement du F.35 avion de supériorité aérienne de conception principalement américaine. Or, dés que la Turquie jouit d’un avantage technologique, la Grèce, aussitôt, agit pour obtenir le même, à l’identique ou de même niveau. C’est la raison pour laquelle, et pendant des années, les mêmes avions de combat US - F.16 notamment - ont porté les cocardes grecques et turques, c’est la raison pour laquelle la Grèce s’interroge actuellement quant à la modernisation de tout ou partie de son aviation de combat. Ce qui explique que le Rafale français soit sur les rangs. Ce qui explique que des propositions américaines soient en discussion … .

Voilà donc un de ces paradoxes au parfum d’ironie : deux pays, deux voisins, pourtant membres de la même alliance militaire (OTAN), laquelle est largement tributaire des options et volonté américaines, se retrouvent en situation de guerre froide, et ceci, sans que cette appartenance commune à l’OTAN ne permette, ni détente et apaisement, ni règlement diplomatique définitif.

Que l’on ne dise pas que cette situation n’est pas voulue … ."

"- 2000 à 2009 soit la période 1 : la Grèce honore ses contrats et paye ses fournisseurs et envisage le maintien de sa politique de dotation en matériel militaire ;
- après 2009 soit la période 2 : la Grèce connait des incidents de paiement et décide d’infléchir sa politique de dotation en matériel militaire, ou en rediscutant les termes des marchés, ou en y renonçant purement et simplement.

La période 2 est extrêmement intéressante car elle voit la concordance de deux épisodes. Il s’agit, en l’occurrence, de la virulence de plus en plus grande des critiques allemandes vis-à -vis de la Grèce, laquelle virulence, et cela ne peut découler que d’un pur hasard, apparaît et monte en puissance à partir du moment où des groupes allemands - de l’industrie navale militaire - font face à des impayés grecs voire à des contestations relatives aux performances et qualités des matériels livrés … .

Bref, tant que les déficits publics grecs permettent de commander et payer du matériel allemand, M. Baroso et Mme Merkel les considère comme vertueux. Mais … dés que ses déficits ne le permettent plus, ils deviennent scandaleux. Et, à peu de chose prés, les pensées de MM. Sarkozy et Fillon et ceux de Mme Lagarde s’inscrivent dans le même ordre d’idée sauf qu’ils concernent des contrats français. "

Hallucinant ? Non, simplement de la real politique.

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