Ken Loach, “oui, il y a une réelle résistance à ce qui se passe, même si les médias n’en parlent pas”

Pas facile d’obtenir un moment pour poser une ou deux questions à Ken Loach qui est venu à Fribourg pour le Festival International de films de Fribourg en mars 2018. Du haut de ses 50 ans de carrière, le réalisateur britannique n’a rien perdu de sa vivacité.

Pourtant, c’est la personne la plus aimable qui soit. Thierry Jobin, le directeur du Festival International de Films de Fribourg, lui avait donné carte blanche cette année pour proposer cinq films, choisis par Loach pour leur simplicité et leur universalité, tels “Le voleur de bicyclettes” de Vittorio de Sica ou “La Bataille d’Alger” de Gillo Pontecorvo.

propos recueillis par Andrea Duffour (*)

AD : Ken Loach, un jour vous avez dit : “If you are not angry, what kind of person are you ?” – si vous n’êtes pas en colère, quel type de personne êtes-vous ? Cette phrase me rappelle le Che : “Si tu trembles à la moindre injustice, tu es mon camarade.” Pouvons-nous parler un peu de cette colère ?

K.L. Vaste question. C’est sûr, si tu es un être humain et tu vois l’injustice, comment ne pas être révolté. Et si tu ne la vois pas, tu as un problème de vue. Certes, il y a différentes raisons qui nous déterminent à faire des films, mais la colère en fait décidément partie. Je suppose que ça commence par regarder autour de soi. La “working class”, par exemple. Pas dans le sens de “gens pauvres”, mais dans le sens de toutes ces personnes qui vendent leur force de travail pour subvenir à leur besoins pour payer leur logement, leur nourriture, etc…, donc la plupart d’entre nous – qualifiés ou semi-qualifiés, qui vendons notre force de travail en gagnant un salaire décent ou juste un salaire de survie. Chez nous, en Grande Bretagne, depuis l’arrivée de Mme Thatcher – donc depuis 40 ans – ces attaques contre la classe ouvrière ont engendré de plus en plus de sans-abris et de personnes exploitées, et ceci jusqu’à aujourd’hui et dans toute l’Europe. Des personnes sans sécurité d’emploi, sans heures garanties, dont on peut arrêter le travail comme on tourne un robinet. C’est ce niveau d’insécurité qui me met en colère. L’autre aspect, c’est la base de notre société, basée sur le conflit entre ceux qui possèdent et contrôlent – ce petit groupe très puissant – et ceux qui vendent leur force de travail, à savoir l’immense majorité qui doit juste s’organiser pour se maintenir. Le grand défi historique c’est de savoir comment remplacer cette élite qui contrôle et fait fortune. Je dois dire qu’une grande partie de cette fortune se trouve dans votre pays…

… Dans nos banques qui ont refusé de transférer vers Cuba les dons de la solidarité après l’ouragan et boycottent un concert de Salsa parce que Cuba est un pays sur la liste rouge des USA…

Tout vient de ce conflit de classes : les guerres, les oppressions, l’exploitation, la violence. Tout vient de cette défense des privilèges, une bataille pour des marchés, une domination du monde. Symbolique est notre guerre illégale en Irak ou la guerre par procuration que nous menons avec Israel qui opprime la Palestine depuis 70 ans. C’est toujours ce conflit de classes à la base, cette vérité non-dite que j’essaye de montrer dans mes films, les frais de ces conflits que subissent les gens ordinaires, la réalité de la pauvreté, l’oppression, du fascisme. Mais, c’est une vaste question, on ne sait pas par où commencer.

Le film, un moyen pour changer le monde ?

Le cinéma peut aider, mais sans des mouvements politiques, rien ne va changer. Avec l’âge, tu perds la patience, tu ne veux pas t’exprimer en énigmes, il faut parler clair, tu veux nommer les choses par leur nom, tu montres les choses comme elles sont. Si le monde est morne, les films peuvent aussi être mornes. Tu dois rester authentique, ne pas faire des films tape-à-l’œil, techniquement ceci se traduit par des choses très simples. Par exemple avec ta caméra, tu ne t’accroches pas à l’extérieur d’une voiture ou d’un balcon, mais tu filmes comme si tu étais à coté et avec la perception de l’oeil humain. N’oublie jamais que les personnes devant la caméra sont bien plus importantes que celles derrière. Ne pas faire des films pour l’argent, mais des films pour partager ses joies et ses larmes.

Quel est le message que vous souhaiteriez donner aux jeunes d’aujourd’hui ?

Nous devons stopper ceux qui détruisent notre planète, cette frénésie de privatisations. Et surtout, ne jamais nous laisser diviser mais montrer notre solidarité les uns envers les autres. A la fin, les gens se révoltent, ils résistent, c’est notre espoir et l’espoir est dans la solidarité. Oui, il y a une réelle résistance à ce qui se passe, même si les médias n’en parlent pas.

(*) professeure de cinéma, présidente de l’Association Suisse-Cuba, section Fribourg

COMMENTAIRES  

29/03/2018 02:40 par Louise de Bretagne

L’homme supérieur ne demande rien qu’à lui-même ; l’homme vulgaire et sans mérite demande tout aux autres. Sous un bon gouvernement, la pauvreté est une honte ; sous un mauvais gouvernement, la richesse est aussi une honte. (Confucius)

Pour détruire ce système capitaliste il faut lutter contre l’oligarchie parasite et vaincre leurs chiens de garde, puisque avec des décrets et des lois scélérates ils ont désarmés le peuple, les gens doivent se réveiller, alors il faut carrément laisser la diplomatie, les manifestations encadrées et contrôlées et tous ces palabres inutiles de côté, sortir des syndicats et des partis politiques qui ne sont là que pour maintenir et nourrir la division et la haine entre les gens et les ethnies.

Ces schnocks parasites savent très bien quel est le pouvoir des peuples qui s’unissent, c’est pour cela qu’ils utilisent les moyens sournois comme le chômage, la sécurité, la privatisation de "la chose publique" les fausses promesses sur le progrès de ceci et de ça et bien d’autres arnaques et menteries, plus les attentats (programmés qui par hasard) tombent à pic quand ils ont besoin d’en user pour maintenir les gens dans la crainte par cette tyrannie psychologique …

« La Révolution » ce sera le seul moyen d’abattre efficacement les monarchies de France et d’Europe etc. Enfin il existe mille façon de s’armer, il faut que les gens fabriquent leurs armes, qu’ils quittent leur petit confort égoïste prennent la musette à l’épaule avec le ravitaillement et sortent se battre à la façon "Guérilla urbaine d’usure" ou comme les Guérilléros dans les montagnes.
Si l’humanité n’arrive pas à comprendre qu’elle coure à sa perte en idolâtrant l’argent et les biens matériels, c’est qu’elle a oubliée la genèse et l’histoire du veau d’or..!

Exemple ; Depuis leur arrivée sur le continent Nord-Américains les yankees (ces rebus de la vielle Europe) ont bâtis leur empire sur des mensonges infligés à tout et tous le monde ainsi qu’à eux-mêmes, c’est pour cela qu’ayant toujours construit sur du sable ils s’effondrent inexorablement et tentent de le cacher en s’accrochant aux autres pays qui eux aussi risque de s’effondrer dans le précipice s’ils ne comprennent pas que l’oncle Sam se sait perdu et qu’il veut entraîner ses alliés dans sa chute ..!

"L’homme est l’espèce la plus insensée de ce monde, il vénère un Dieu invisible, il massacre une nature visible sans savoir que cette nature qu’il massacre est ce Dieu invisible qu’il vénère..!" (Hubert Reeves)

29/03/2018 14:49 par Max Stirner

" Savoir ce que l’on sait
Et savoir ce que l’on ne sait pas,
Voilà la véritable intelligence. "
Proverbe Taoïste

29/03/2018 23:09 par cinephile

quelqu’un a la liste des 5 films proposés par Loach ?

30/03/2018 09:08 par andrea duffour

voici la liste des 5 films proposés par Ken Loach lors de sa carte blanche au Fiff 2018, :

La battaglia di Alger (TheBattle of Algiers), de Gillo Pontecorvo, Algérie, Italie,1966
La Jaula de Oro (The Golden Dream), de Diego Quemada-Diez, Espagne, Mexico, 2013
Ladri di biciclette (Cicycle Theives), de Vittorio De Sica, Italie, 1948
Lasky jedné plavovlasky (The Loves of a Blonde, Les Amours d’une Blonde) de Milos Forman, Czechoslovakia, 1932
Trains étroitement surveillés (Ostre Sledované Vlaky)

31/03/2018 16:52 par cinephile

@andrea duffour

merci :)

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