Israël prône la non-violence... pour les Palestiniens

Photos : http://www.palestinechronicle.com/

Quand on parle de non-violence ou qu’on la préconise, défend-on ce concept parce qu’on croit que cela a été un moyen plus efficace par le passé d’obtenir la liberté, ou est-ce simplement parce qu’on pense que c’est un moyen de lutte plus digne ?

Dans l’histoire récente, de nombreux partisans de la non-violence sont devenus des figures emblématiques des temps modernes. De Gandhi à M.L King : des chansons ont été écrites en leur honneur, on trouve le récit de leurs vies partout dans les livres d’histoires de nos enfants où il sont présentés comme des exemples à suivre.

Il y a des jours fériés en leur honneur dans le monde entier, des rues et des boulevards qui portent leur nom. Comment se fait-il que l’"establishment" se donne autant de mal pour placer ces gens-là sur un piédestal ?

Où sont les jours fériés qui célèbrent la vie et les sacrifices consentis par Malcolm X, où sont les récits de la vie de Crazy Horse ou de Geronimo ? Serait-il possible que ces personnages restent dans l’ombre des pacifistes parce que leurs idéaux ont un tout petit peu trop secoué l’ordre établi ? Quand l’"establishment" célèbre les personnes pour leur action non-violente, serait-il possible que ce soit une forme de reconnaissance pour avoir créé juste ce qu’il faut de désordre, mais pas trop de désordre quand même ?

Pendant des dizaines d’années, la lutte des Palestiniens pour la liberté s’est traduite en grande partie par des actions non-violentes. Outre des poches de résistance armée occasionnelles, les Palestiniens des territoires occupés ont utilisé les moyens de lutte tels que la grève générale, les manifestations, ou d’autres actions similaires pour exprimer leurs exigences et leurs désirs d’être enfin libres. Et pourtant, c’était l’époque où les Palestiniens voyaient la grande majorité de leur territoire englouti dans ce qui est aujourd’hui l’Etat d’Israël. La terre leur était confisquée sans indemnisations pour les propriétaires, les prisons étaient pleines à craquer de détenus qui ne sont jamais passés en jugement, les maisons étaient démolies par centaines, des champs entiers d’oliviers et d’arbres fruitiers étaient saccagés et brûlés. Et tout cela avait eu lieu dans une société "sans-Intifada".

Donc, on peut affirmer sans se tromper que les Palestiniens ont fait plus que s’essayer à la résistance civile non-violente.

Il semble qu’actuellement chez de nombreux membres de l’"establishment", la tendance soit de chanter les louanges de ces réfugiés brisés et opprimés qui, malgré plus de 60 ans d’assujettissement, en appellent à la résistance non-violente ou passive. Si l’intention est louable, on peut se poser la question du moment qui a été choisi.

Récemment, le Programme des Nations Unies pour le Développement (le PNUD) publiait un rapport sous le titre : "ONU : 70% des jeunes Palestiniens s’opposent à la violence pour résoudre le conflit avec Israël".

Ce rapport communiquait les résultats d’un sondage effectué dans les territoires occupés auprès de 1200 jeunes gens de Gaza et de Cisjordanie.

L’enquête révèle que près de 70% des jeunes adultes des territoires occupés pensent que l’utilisation de la violence n’est "pas utile" pour résoudre le conflit israélo-palestinien. Le rapport indique que seuls 8% d’entre eux ont répondu que la violence était un moyen nécessaire, et il indique également que 80% des jeunes Palestiniens souffrent de dépression, parmi lesquels 55% de dépression grave.

Ces derniers mois, les Palestiniens ont subi des épreuves terribles, dont certaines aussi atroces que celles qu’ils ont vécues lors des premières années de domination israélienne. Le bain de sang récent à Gaza a coûté la vie à plus de 1400 personnes, en a blessé des milliers d’autres et privé des millions de personnes de tout sentiment de sécurité et d’espoir d’un monde meilleur. Les associations de défense des droits de l’homme du monde entier ont qualifié le génocide à Gaza de crimes de guerre, Certains chefs d’état se sont engagés à déposer une plainte auprès de la Cour Pénale Internationale et à faire juger les dirigeants israéliens pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. La liquidation de Gaza était au centre des programmes électoraux en Israël. Des bombes à sous-munitions, des bombes au phosphore blanc et dieu sait quel autre type d’armes illégales ont été larguées sur une population civile affamée et assiégée où les équipes médicales se demandaient quelle arme chimique exactement pouvait bien ne laisser que des restes de squelette humain après son passage.

Les ambulance, cibles de l’armée israélienne
Les ambulances, cibles de l’armée israélienne


Et c’est en plein au cours de la période de chagrin et de colère qui s’en est suivie, que la Belgique n’a rien trouvé de mieux que de proposer pour le Prix Nobel un médecin gazaoui accablé de douleur, père de trois filles adorables, en reconnaissance des efforts qu’il a accomplis en faveur de la paix entre Palestiniens et Israéliens. Ce médecin de 55 ans, Ezzeldeen Abu al-Aish, a perdu ses trois filles de façon horrible après qu’une bombe a été larguée par l’armée israélienne sur sa maison où tous ceux qui s’y trouvaient sont morts écrasés. C’est au moment même où le docteur Abu al-Aish parlait à la télévision israélienne des souffrances de la population de Gaza qu’il a appris que la bombe était tombée sur sa maison avec toute sa famille à l’intérieur. Il avait réussi à faire taire son immense chagrin juste le temps de dire qu’il espérait que ses trois filles seraient les dernières victimes de l’attaque israélienne.

Si on ne peut nier que cet homme mérite les honneurs suprêmes pour son engagement envers la population de Gaza, et pour les épreuves personnelles qu’il a subies, cette distinction était si incongrue, qui arrivait juste à ce moment-là , après un siège des plus effroyables, après la mort sordide de ses filles, mais plus encore, après que le père a réagi à cette situation en lançant un message poignant de "réconciliation".

Et dans tout ce gâchis, où est l’appel qui demande à Israël d’opter pour la non-violence ? Les médias et la communauté internationale réclameraient-ils qu’Israël opte pour l’action non-violente, s’ils avaient connu les horreurs qui ont été commises à Gaza ?

Et une fois de plus, se pose la question des intentions de l’"establishment".

On est en droit de se demander : et si Abu al-Aish avait réagi de la même façon que tous ces parents en plein deuil qui ont juré de "ne jamais partir", de "reconstruire" et de "résister jusqu’à la victoire finale ou la mort", aurait-il toujours droit à la reconnaissance pour ses efforts en faveur de la paix entre Palestiniens et Israéliens ?

Et pourquoi au juste le PNUD trouve-t-il approprié d’attirer l’attention, à une telle période, sur un sondage qui indique que les jeunes en Palestine trouvent que la violence est "inutile" ? Et pourquoi le monde célèbre-t-il un homme qui appelle à la réconciliation, terme qui implique, en quelque sorte, un conflit entre des gens placés sur le même pied d’égalité, alors que ses filles reposent dans des tombeaux qu’on vient à peine de refermer ?

Certains diront peut-être que la résistance non-violente en de telles circonstances, c’est l’incarnation d’une lutte noble.

D’autres diraient que c’est une capitulation.

Ramzy Baroud
http://www.ramzybaroud.net/

écrivain et rédacteur en chef de PalestineChronicle.com. Ses oeuvres ont été publiées par de nombreux périodiques du monde entier. Son dernier livre s’intitule : ""The Second Palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle" (la seconde Intifada : chronique de la lutte d’un peuple) et son prochain livre à venir est : "Mon père était un combattant de la liberté" : Gaza, ce qu’on n’a pas dit".

Source : "Non-Violence in Palestine : Timing and Intentions" par Ramzy Baroud
http://www.palestinechronicle.com/view_article_details.php?id=15024

Traduction : des bassines et du zèle pour le Grand Soir http://www.legrandsoir.info
http://blog.emceebeulogue.fr/

VOIR AUSSI

"Il n’y a pas de checkpoints au paradis", autre article traduit de Ramzy Baroud ("Le vieil homme digne de Gaza")
http://blog.emceebeulogue.fr/post/2008/04/12/Le-vieil-homme-digne-de-Gaza

COMMENTAIRES  

03/05/2009 03:04 par JC

C’est ce que je pense, ce conflit se résoudra dans la violence. Les israéliens volent la terre, assassinent les habitants, torturent tout un peuple "exprès" pour attiser la haine des peuples arabes, ce qui résultera par une attaque des peuples arabes mal armés mais en colère contre cet horrible état.

Ensuite, quand ces peuples bougeront pour venger l’humiliation du peuple palestinien, qu’ils bougeront pour venger la destruction volontaire par les sionistes de la mosquée sacrée d’Al Aqsa, celle qui est à coté du dôme doré, alors les israéliens seront contents d’eux car ils auront rempli leur mission.

Ils siffleront les américains, les français, les anglais, et l’Europe et leur diront "Attaque !", et ils l’auront enfin leur "clash des civilisations" qu’ils espèrent tant, au point d’en parler tous les jours dans tous les médias, et de le provoquer eux même.

Puis quand le monde sera épuisé, que le moyen orient sera dévasté, voire peut être vitrifié par les têtes nucléaires israéliennes à certains endroits, alors ils pourront enfin avoir leur "Grand Israel" qui empiète sur tous les pays du coin et qui dirigera le monde pendant quelques années sous le règne du faux Messie, avant de se faire balayer par l’armée du Mahdi et le vrai Messie.

Conclusion : Tant que les israéliens ne gouteront pas à leur propre médecine, ils ne se calmeront jamais. Il y a des gens comme ça, tant que vous leur mettez pas une raclée ultra violente ils continuent de vous emmerder et de vous provoquer, puis le jour où ils baignent dans leur sang avec la moitié des os brisés, ils se disent finalement qu’ils feraient mieux de se faire tout petits à l’avenir.

03/05/2009 04:19 par legrandsoir

Une alternative à ce scénario d’Armageddon régional : si tous ceux qui se proclament amis des palestiniens (et ils sont nombreux) appliquaient le boycott des produits israeliens...

03/05/2009 21:54 par JC

On peut boycotter ce qu’on veut de toute façon Israel est financé par les USA et surtout par les banquiers internationaux qui eux impriment l’argent à volonté et donc en donnent à volonté à "leur frankenstein" sous formes diverses.

Ok pour ne pas acheter les codes barres commençant par 729, mais si les produits qu’on achete au supermarché sont fabriqués en France mais composés de matières importées d’Israel, vous ne verrez pas le 729 sur le code barre.

Et je pense que la majorité de leur exportations sont en B to B donc au final le boycott n’est pas très efficace à moins d’être suivi par les entreprises, ce qui n’est pas le cas.

C’est pas comme si Israel était un petit pays qu’on pourrait étouffer financièrement via une initiative citoyenne de boycot, c’est un pays soutenu par l’ensemble de la franc-maçonnerie, qui dirige notre pays, l’europe et les usa je vous le rappelle, ainsi que par les banquiers qui font la pluie et le beau temps de notre économie.

03/05/2009 21:59 par BT

J’apporte une petite précision JC, d’après un hadith du prophète mohamed ( que la paix et la bénédiction soit sur lui) l’antéchrist(massih adajal) ne restera que 40 jours : 1 jour comme 1 an, un autre jour comme 1 mois, l’autre jour comme 1 semaine et les autres jours comme les jours ordinaires.

Donc le faux messie ne regnera pas sur terre quelque année mais une seule et unique année et quelque jour, jusqu’à ce que le prophète Jésus lui transperce le coeur d’une lance.

Mais incha allah je ne serais pas la car le prophète Mohamed (paix et bénédiction soit sur lui) nous a prévenu que ca sera la plus terrible épreuve qu’aura à subir l’humanité et donc les musulmans.

Merci en tout cas pour cet article. Les israéliens et donc les américains ne résonnent qu’en terme de rapport de force or nous sommes faibles et eux fort donc nous implorons allah de nous donner la victoire et il va nous la donner face à l’injustice, aux persécutions, aux génocides, aux crimes de guerre, aux expropriations, aux racismes qui sévit actuellement chez nos frères en Palestine.

Mais une joie emplit mon coeur car je sais qu’il y aura toujours une résistance armée celle-la comme le HAMAS ou le hezbollah, pour combattre les criminels et les assassins. En opposition à la "résistance non-violente" pendant que nos femmes, nos enfants, nos frères et nos soeurs se font massacrer dans l’indifférence internationale. Est-ce qu’une résistance non-violente est viable dans ces conditions ?

Mais comme le dit si bien Ramzy, la résistance non violente est le signe de l’abandon, de la soumission face à la puissance sioniste qui sévit actuellement en Palestine.

05/05/2009 09:50 par emcee

En France, on est comme ça : les actions qui semblent de petite envergure sont rejetées ("oui, non, ça va pas marcher,t’façon") au profit de la noble grève générale qui ... ne vient jamais.

Ainsi en va-t-il du boycott. Alors que dans le monde, la campagne BDS (boycott, désinvestissement et sanctions) est en train de gagner du terrain et a fait, entre autres, perdre à Véolia un contrat juteux (1,9 milliards de dollars quand même) en Suède, nous, en France, on se regarde le nombril en disant "moi, franchement, le boycott, j’y crois pas".

Aujourd’hui, alors que les corps des morts de Gaza sont à peine refroidis, que les blessés croupissent encore dans des hôpitaux sans matériel, le ministre des affaires étrangères israélien d’extrême droite, nommé à ce poste ultra-sensible par le chef de gouvernement dudit pays, fait la tournée des popotes en Europe.

D’ores et déjà , il a été bien accueilli, on n’en doute point, en Italie, où il a parlé de ... l’Iran.

D’ailleurs, il avait prévenu : ceux qui seront désagréables seront exclus du processus de paix. Mazette ! Une menace super-sérieuse, ça ! (au passage, on se demande bien pourquoi Israël est en tête de gondole à la table des "négociations de paix". Je n’ai pas souvenir que l’Allemagne y ait été conviée après la Seconde Guerre Mondiale)

Gageons que notre ministre des affaires étrangères, voire notre bon président, se saura pas être en reste. Peut-être même l’émissaire israélien aura-t-il droit à l’accolade en bonne et due forme sur le perron du ministère, ou de l’Elysée, comme Livni, qui avait été embrassée spontanément par le même ministre en plein pendant le carnage à Gaza.

Bien, nous, qu’allons nous faire ? on peut soit s’en remettre à Allah, ou à un autre tout aussi efficace, soit crisper un peu plus notre main sur la souris de l’ordinateur en signe d’extrême indignation. Soit les deux.

Et puis, ce sera bien suffisant, parce que "le reste ne marche pas".

Décourageons donc toutes ces actions non violentes inutiles, c’est encore ce que nous savons faire de mieux.

Ca et les palabres.

05/05/2009 10:20 par Viktor

@emcee

Tu connais la réaction que l’on prête souvent aux français ?

"Ouais, booooon, d’accord, ça marche. Mais en théorie, ça donne quoi ?"

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