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Colloque international à Paris les 28 et 29 mars 2014

« Genres, cultures, sociétés – questions autour de la transidentité »

Prologue au Colloque international à Paris les 28 et 29 mars 2014

Le transsexualisme, terme utilisé couramment par la médecine depuis 60 ans, interroge le concept d’identité. Phénomène énigmatique pour la personne qui porte cette question, il l’est autant pour la société qui le reçoit, interrogeant de façon fondamentale ce qui est appelé communément l’identité sexuelle, bouleversant les limites antérieurement admises de l’être humain quant à une appartenance à un sexe. Classiquement la transsexualité désigne pour les personnes concernées la conviction d’appartenir à un genre, féminin ou masculin, qui ne correspond pas au sexe anatomique et par conséquent à l’attribution de genre faite à la naissance. Cela entraîne la nécessité d’aboutir à un changement, matérialisé par une transformation hormonochirurgicale, et de façon régulière par un changement d’état-civil. Cette transformation hormono-chirurgicale dépend de chaque cas particulier et pour cette raison nous demandons que le changement légal d’identité de genre soit autorisé sans que les personnes aient l’obligation d’être soumises à ces traitements.

Le phénomène nommé transsexualisme par la médecine questionne de façon profonde l’identité sociale. Les personnes transsexuelles souffrent de cette imposition d’un modèle binaire rigide, et de ce fait ce sont les normes socialement établies d’attribuer un genre à partir des organes génitaux qui sont en question. L’évolution sociétale actuelle pousse heureusement, mais non sans lutte, à faire sortir la problématique du champ psychiatrique ou psychopathologique. Le terme de transidentité en témoigne. De même la transsexualité est sortie officiellement des maladies mentales dans certains pays : en Argentine en 2012, en France en 2010 de manière ambigüe cependant. A Cuba, depuis 2005, se développe comme politique une stratégie de prise en charge pluridisciplinaire pour les personnes transsexuelles, incluant la gratuité totale des soins et des opérations. Le Cenesex met en avant l’orientation de ne pas considérer la transsexualité comme une maladie. Pour mémoire l’homosexualité est sortie de la classification des maladies mentales le 12 juin 1981 en France, et cela sera fait au niveau mondial le 17 mai 1990.

Nous examinerons lors de ce colloque les situations concernant la transidentité tant à Cuba, qu’en France, en passant également par l’Argentine et le Brésil. Les questions traitées verront la participation de psychologues, d’avocats, de médecins, des membres du réseau professionnel Respectrans à Paris, de représentants d’associations de personnes transsexuelles, d’acteurs de la société civile, d’artistes.

Différents points de vue seront exprimés et il sera particulièrement important de saisir les transformations en cours à Cuba, présentées par l’équipe du Cenesex de La Havane. L’intégration sociale des personnes transidentaires est en effet au centre de la stratégie mise en place par le Cenesex. Le but est ainsi de changer le regard des autres, de prendre en compte prioritairement le transfert social.

Cela nous permettra de mettre en tension cette stratégie avec la situation en France et d’avancer sur les contradictions actuelles que nous connaissons car si la transsexualité est officiellement sortie de la liste des maladies mentales cela n’est pas allé de pair avec une sortie du champ psychiatrique dans la pratique. La transidentité n’est pas une maladie et la psychiatrisation des transsexuels est paradigmatique de la psychiatrisation des différences entre les êtres humains.

Cela sera à conjuguer avec les débats actuels sur les changements d’identité civile sans transformation chirurgicale radicale.

Une phrase éclaire le problème « Si nous avions été capables d’assouplir les concepts (...) probablement que les personnes transsexuelles ne réclameraient pas avec autant d’urgence, les bénéfices de la chirurgie et d’autres traitements qui aident à refaçonner leurs corps, pour être finalement reconnu à l’intérieur d’un des deux extrêmes : homme ou femme » (1)

Cela nous oriente vers une remise en question importante dans l’abord de la question transidentitaire et cela peut produire plusieurs conséquences. La transidentité enseigne sur l’humanité et les rapports sociaux, les fondements culturels, historiques et sociaux de la civilisation. Cela concerne en effet de façon paradigmatique le premier groupe social à la naissance d’un être humain, la famille et les groupes élargis dans la société. La mise en question du patriarcat et la montée des ségrégations concernant les différences, de race, de couleur de peau, de genre, questions anthropologiques, ne sont pas étrangères à la transidentité et ses phénomènes existentiels concrets, ne serait-ce que par l’existence de la transphobie dans cette dialectique. C’est dans cette optique que nous travaillerons dans l’orientation d’une transidentité universelle, celle qui traverse le différentiel et les différentes identités humaines.

Docteur Hervé Hubert
Psychiatre, Psychanalyste
Chef de service du CPMS Elan Retrouvé
Président APPS / TRIP
Paris

MSc Mariela Castro
Directrice du Cenesex
Centre National d’Education Sexuelle
La Havane

(1) Mariela Castro Espín, La transexualidad en Cuba, in prologo, Cenesex, La Havane, 2008

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