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Femmes au pouvoir

Remarque sur la traduction : il est d'usage, en français, de faire précéder le nom d'une femme de son prénom ; mais, s'agissant de femmes aussi puissantes et brutales que des hommes, il n'y a aucune raison de continuer à suivre cette règle d'une galanterie surannée.

On nous avait dit que les femmes au pouvoir changeraient le sort de l’Occident décadent. Maintenant, les femmes y sont, au pouvoir : von der Leyen en Europe en est un exemple, en même temps que Sanna Marin, leader de la Finlande, Truss en Angleterre, en Italie, Meloni est à un pas du pouvoir. S’il a été possible de tomber dans le piège astucieusement tendu par le pouvoir selon lequel une femme, c’est toujours mieux, c’est dû au nihilisme génétique qui hante l’Europe, et pas seulement elle : les êtres humains sans fondement métaphysique universel ne sont que des « types » à classifier dans la taxinomie du pouvoir. En ce moment, il semble que les femmes soient génétiquement supérieures, parce qu’utiles au pouvoir. Elles sont autre chose, par rapport aux hommes dont le seul mérite est de participer par imitation et copie au véritable être humain : les femmes ; tout le reste n’est que broutilles.

Sans un fondement universel commun, à décliner dans la forme de l’individu et à « lire » dans le cadre du matérialisme historique, les êtres humains sont la proie de l’idéologie du pouvoir qui déforme la vision de la réalité, scindant la réalité entre pensée et être.

Les femmes au pouvoir sont le spot publicitaire du pouvoir néolibéral qui, pour se célébrer en tant que progressiste et inclusif, doit « inclure » les meilleurs et rétablir sa justice cosmique et génétique. Dans le passé, des hommes querelleurs et violents ont gouverné ; maintenant, le système libéral rééquilibre l’histoire : il inclut les femmes, les met au service de l’humanité avec leurs sublimes qualités, qui les rendent naturellement supérieures.

La Gorgone du pouvoir.

Derrière le voile de l’inclusion se cache un pouvoir hiérarchique et profondément fasciste – j’utilise le terme dans un sens générique, le fascisme est une catégorie historique de l’autoritarisme hiérarchique et raciste. Le passé ne veut pas mourir, il s’est au contraire renforcé et revêt le drapeau arc-en-ciel ; comme il ne veut pas être reconnu, il doit nécessairement se travestir pour cacher la Gorgone qui se dissimule derrière les sourires de l’inclusion.

Les qualités de genre sont le nouveau visage du racisme libéral.

Ce sont les individus avec leur histoire qui les affinent et en font une praxis. L’égalité et la reconnaissance de la nature commune sont profondément combattues par le néolibéralisme, qui doit hiérarchiser selon l’occasion pour introduire des failles et des conflictualités horizontales. En ce moment, on utilise les femmes avec l’idéologie afférente pour naturaliser la hiérarchie entre êtres humains. Les divisions consolident le pouvoir, permettent une fêlure dans l’usage public de la raison, tout à l’avantage des dominateurs.

Dans son dernier discours, von der Leyen, habillée aux couleurs de l’Ukraine, a fait la preuve de sa « sensibilité politique ». S’habiller et se faire photographier avec une nuée de dames parées aux couleurs du drapeau ukrainien est inquiétant : la guerre a été transformée en match de football, en défilé de mode ou, si on veut, en club exclusif : pour entrer, il faut s’habiller de façon appropriée. Incarner un drapeau et et s’en revêtir est un acte de nationalisme et non certes d’imitation empathique. On sollicite le nationalisme et on renforce les dérives « nazies » déjà présentes dans cette zone ukrainienne. On ne laisse aucun espace à la médiation, on pousse au conflit. Au dialogue, dont le but est de sauver des vies humaines de toute nationalité, s’opposent le supporter de stade et un « Gloire à l’Ukraine » prononcé par von der Leyen, par lequel le pire nationalisme se sent légitimé. Gloire à l’Ukraine était le cri de Stepan Bandera.

Le but non dit de cette sensibilité de stade mortifère et fatale pour les Ukrainiens et pour les Russes est de menacer l’Est et de faire des affaires avec les Etats-Unis qui nous vendront généreusement du gaz au prix du marché qu’ils auront établi. Pareille monstruosité est rare, mais elle est parmi nous. L’Ukraine, avec sa faible démocratie, est maintenant sous l’œil de la Gorgone : c’est une colonie des EU, et, avec cette guerre, quelle qu’en soit l’issue, le peuple ukrainien sera perdant. L’agriculture ukrainienne est entre les mains des multinationales étasuniennes, pensez aux sociétés Archer Daniels Midland, Bunge et Cargill qui gèrent la production et la vente du blé ukrainien. Les multinationales fournissent aussi les semences, ce qui fait que l’agriculture ukrainienne est déjà colonisée, et pas seulement génétiquement. On s’emparera du reste après la guerre.

Les dames de la globalisation se pressent autour de l’Ukraine, elles sont l’image aimable d’un monde sans cœur et sans âme, elles parlent par slogans et éduquent au simplisme fasciste.

Dans son discours aux peuples, la Présidente de la Commission Européenne fait en outre l’éloge des céramistes italiens qui, pour survivre au désastre énergétique de la guerre, sont contraints à des rythmes de travail inédits : ils travaillent de nuit pour éviter la fermeture. L’impudence et l’insensibilité n’ont pas de limites : des personnes qui travaillent la nuit, modèles pour nous tous, selon la Présidente de la Commission Européenne, n’ont pas la force physique de mener une vie sociale et relationnelle normale. Elles vivent dans l’aliénation.

La dame fille de l’économisme ne s’intéresse qu’au résultat final. Elle semble nous dire que, si nous nous sacrifions pour le libéralisme, nous nous en sortirons. Dans le même temps, en Ukraine, on meurt, et la guerre est peut-être entrée dans une phase plus agressive à cause des armes qui arrivent à foison depuis l’Occident civilisé [1]. On demande aux peuples, au nom du libéralisme agressif, de vivre en se gelant, d’être prêts à s’immoler pour des objectifs mystérieux et fatals. Ils sont esclaves d’énormes engrenages représentés par les femmes : Truss est prête à lancer des bombes atomiques, la leader finlandaise à signer l’entrée dans l’OTAN sans ciller, Meloni, en un rien de temps, a changé d’idée sur tout : maintenant qu’elle sent l’odeur du pouvoir, elle est pour l’atlantisme et pour l’euro, donc elle est pour la continuité du désastre anthropologique.

Aucune femme ne viendra nous sauver [2], nous devons sortir du bavardage affilé et mortifère de l’idéologie, pour entrer dans l’optique d’une pensée complexe. Ce n’est pas le genre qui garantit une bonne finalité, mais la formation humaine et politique, et tout particulièrement la capacité à penser son temps historique et à participer à la vie des hommes et des femmes. Les personnages que le pouvoir porte aux nues, selon la formule du nouveau qui avance, sont des figures de l’abstraction et du privilège, éloignées à une distance sidérale de la vie des peuples. Le pouvoir, s’il n’est pas au service des communautés et des peuples, est toujours un mal, aussi l’urgence est-elle de comprendre qu’il n’existe pas un pouvoir bon au cas où ce sont des femmes qui le gèrent, de même qu’il n’existe pas de bons nazis. Le pouvoir doit être renversé, pour que l’humanité puisse fleurir.

Salvatore Bravo

Traduction par Rosa Llorens

Notes de la traductrice

[1] Un exemple lumineux de l’utilisation des femmes pour légitimer les politiques les plus agressives a été donné par Zapatero, Président du gouvernement espagnol de 2004 à 2012 : élu en bonne part pour mettre fin à l’intervention espagnole en Irak, il est, en échange, intervenu en Afghanistan, prenant soin de nommer au Ministère de la Défense une femme, qui plus est enceinte, pour que le bon peuple pense que les bombes lâchées sur les Afghans étaient des bombes maternelles.

[2] Il serait temps de renoncer à l’adage, aujourd’hui réactionnaire, d’Aragon : « Le femme est l’avenir de l’homme ».

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