Des signaux étasuniens de changement alors que le moment de vérité pour la Syrie se rapproche (Hürriyet)

Cihan Çelik

Réalisant que le statu quo dans la violente guerre civile touchant la Syrie n’apportera rien d’autre que des conséquences plus catastrophiques au Moyen-Orient, deux alliés réticents, les Etats-Unis et la Russie, ont pris la tête d’efforts diplomatiques visant à trouver une solution négociée au conflit qui date maintenant de plus de deux ans.

L’accord américano-russe, qui a suscité des réactions mitigées des deux parties directes et indirectes au conflit, ne serait pas inévitable si les enjeux n’étaient pas si élevés compte tenu de leurs intérêts dans la région. L’accord intervient alors que la possibilité croissante que le conflit syrien pourrait déborder après les raids aériens israéliens sur le pays, la menace croissante posée par les groupes liés à Al-Qaeda, ainsi que les allégations croissantes quand à une utilisation d’armes chimiques aussi bien par le régime que les rebelles de l’opposition.

Ce sont les facteurs qui ont provoqué le consensus américano-russe, avec des concessions évidemment consenties par Washington et Moscou. Du moins pour l’instant, les symptômes signalent que les États-Unis pourraient pencher vers la position russe. Ayant paru longtemps fidèles à leur appel à que le président syrien Bachar al-Assad démissionne, les États-Unis insistent toujours pour ne donner aucun rôle au leader assiégé pendant la période de transition dans son pays après les réunions à Moscou. Cela étant, la rhétorique du secrétaire d’Etat américain John Kerry, qui s’est engagé dans des visites diplomatiques frénétiques depuis son arrivée au pouvoir, et les réactions immédiates à la fois du régime et des forces de l’opposition, ont donné les premiers signes d’un changement dans la position américaine.

Le haut diplomate américain ne prévoit aucune fonction pour Bachar al-Assad pendant la transition. Il a appelé ouvertement le président à renoncer à tous ses pouvoirs, mais il a aussi dit que ce serait le peuple syrien qui déciderait de son avenir après la période de transition. Dans sa note individuelle, John Kerry dit qu’il ne pouvait pas imaginer que Bachar al-Assad gouverne, mais contrairement à son prédécesseur - Hillary Clinton - il n’a pas totalement exclu un scénario dans lequel Bachar al-Assad resterait à la barre, mais partagerait certains de ses pouvoirs avec l’opposition.

Le changement dans la position étasunienne est en fait la seule solution viable - et presque réciproquement gagnante - à la crise syrienne, avec toutes les parties faisant des compromis sur leur position initiale. Il s’agit - cela peut être surprenant pour certains, mais il est temps de se réveiller – essentiellement de ce que l’on appelle de la diplomatie. Après plus de deux ans, il est devenu évident que Bachar al-Assad ne renoncera pas à son siège en tout cas dans un avenir proche.

Il est aussi limpide que l’opposition divisée n’a - pour le moins - pas le pouvoir ou la capacité de forcer un changement de régime dans le pays, sans une intervention étrangère similaire à celle en Libye.

Une intervention militaire en Syrie est demeurée jusqu’à présent sur la table, et elle ne sera pas plus plausible dans les prochains jours, surtout après la réaffirmation du président américain Barack Obama qu’il n’y aurait pas de bottes étasuniennes sur le sol syrien, il y a deux semaines de cela. En l’absence de soutien militaire - que ce soit en termes d’aide ou d’agression - de l’Occident, l’opposition syrienne a de plus en plus perdu du terrain dans le pays, avec un affaiblissement de la présence de son groupe armé, l’Armée syrienne libre, face au groupe al-Nusra proche d’al-Qaeda sur le champ de bataille.

Avec l’accord américano-russe, l’opposition a aussi réalisé que cela pourrait mener à un point où les dissidents devraient faire marche arrière quand à leur revendication de base de voir Bachar al-Assad quitter. Ainsi, ils ont été prompts à critiquer l’accord. Sur le côté opposé, le régime s’est félicité de l’accord, dans un autre signe que les roues de la diplomatie peuvent enfin tourner dans le pays.

Une solution presque gagnante pour les deux parties dans la crise syrienne pourrait considérablement gêner le camp régional radicalement anti-Bachar al-Assad, dont la Turquie, qui reste fermement favorable à évincer le président syrien. La question syrienne aura une importance capitale lors de la visite du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan aux Etats-Unis, et sa rencontre avec Barack Obama verra son ultime confrontation en essayant de convaincre le président américain d’une solution rapide et claire.

Malgré les premiers signes d’une solution à la crise syrienne après le rapprochement américano-russe sur la question, la situation reste toujours ténue, mais ce qui est clair aujourd’hui, c’est que le moment de vérité pour la Syrie est plus proche que jamais. Il est ironique, mais il est impossible de ne pas lier ce premier mouvement dans le long terme à un ennemi juré inattendu, Israël, qui, en fait, a fourni de l’eau au moulin de ces efforts internationaux hésitants.

Cihan Çelik,
Samedi 11 mai 2013.

Source : US signals shift as moment of truth for Syria nears

 http://www.hurriyetdailynews.com/us-signals-shift-as-moment-of-truth-for-syria-nears.aspx?pageID=449&nID=46651&N

COMMENTAIRES  

15/05/2013 16:06 par hassinus

Toute commande d’Israël est sacrée pour les USA et les pays occidentaux. Si vous croyez que l’Amérique pourrait reculer en ce qui concerne la commande à savoir faire faire subir par un moyen ou un autre le même sort que la Libye ou l’Irak, permettez- moi de vous dire que vous vous mettez le doigt dans l’œil. Bonnes espérances tout de même.

15/05/2013 22:11 par Dwaabala

Le moment de vérité pour la Syrie serait celui ou l’Etat syrien ("le régime") serait d’abord reconnu, et ceci en respect du Droit international, c’est-à-dire où l’impérialisme et son chef de file seraient contraints dans les faits de reconnaître leur défaite.
Ce n’est pas demain la veille : l’intervention d’Israël dans le conflit suffit pour l’admettre.
Même si ceux qui sèment la terreur ne paraissent pas capables de répondre aux attentes, il reste encore beaucoup de ficelles à tirer pour que rien ne se règle : imaginez-vous un instant une recul complet des impérialistes et l’abandon de la Syrie à son destin de Nation indépendante ?
Comme le disait quelque part un commentateur enthousiaste, Bachar el Assad et la Syrie deviendraient alors pour les Etats-Unis ce que furent respectivement Staline et Stalingrad pour l’impérialisme de l’Allemagne nazie.
Ce moment-là de vérité ne semble pas annoncé par "les signaux étasuniens".

16/05/2013 10:58 par Quidam

On peut bien sûr toujours supputer … mais pour l’instant la seule chose établie est que les Yankee & les Russes ont convenu de ceci :

"La Russie et les Etats-Unis vont encourager les autorités et les groupes d’opposition syriennes afin de s’assurer qu’ils ont trouvé une solution politique. Nous avons également convenu d’essayer d’organiser une conférence internationale le plus vite possible, peut être même avant la fin de mois de mai, conçue comme la suite de la conférence de Genève du juin de l’année dernière. Lors de la conférence, que nous proposons de convoquer, la Russie et les Etats-Unis estiment nécessaire de veiller à ce que les représentants du gouvernement et de l’opposition déterminent ensemble les voies de l’application complète du communiqué de Genève du 30 juin 2012.

La Russie et les États-Unis ont réaffirmé leur attachement à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Syrie. Nous reconnaissons que la mise en place de l’ensemble des dispositions énoncées dans le communiqué de Genève nécessite l’accord mutuel des parties syriennes, et nous nous engageons à utiliser toutes les possibilités dont disposent la Russie et les Etats-Unis afin de faire asseoir le gouvernement et l’opposition syriens à la table des négociations. À cette fin, nous allons travailler en partenariat avec d’autres États intéressés, qui doivent manifester leur engagement à encourager les Syriens eux-mêmes de trouver une solution politique dans le cadre des accords de Genève.

Tout en réaffirmant notre engagement à trouver une solution négociée, nous la considérons comme un moyen le plus important d’arrêter le carnage, de surmonter la crise humanitaire en Syrie, de coordonner les approches au problème de la sécurité des armes chimiques, à la prévention d’une déstabilisation régionale ultérieure. L’application complète du communiqué de Genève du 30 juin 2012 prévoit la création, par consentement mutuel du gouvernement et de l’opposition, d’un organe gestionnaire de transition, qui, en conformité avec le communiqué de Genève, appliquera toute plénitude du pouvoir exécutif pendant la période transitoire. Nous sommes convaincus que ce sera la meilleure façon de résoudre la crise syrienne."

Pour ce qui est de la reconnaissance de l’Etat syrien, c’est déjà le cas depuis 1946 si je ne m’abuse, sauf à vouloir tenter de réécrire l’histoire le problème n’est de toute évidence pas là, mais simplement que les Syriens ont le droit de vivre en paix, sans interférences étrangères, mais aussi avec une administration qui serve les intérêts du peuple syrien plutôt qu’une autocratie héréditaire antisociale d’un autre âge. La position russo-iranienne que semble rejoindre les USA, invitant le pouvoir politique actuel – issu d’un coup d’Etat militaire de 1970, faut-il le rappeler – et les forces politiques intérieures syriennes - que l’on qualifie improprement d’opposition car le pouvoir militaire ne possède pas et de très loin de majorité, le parti Baas étant devenu une marionnette – à s’assoir à une table afin de convenir d’une administration intérimaire qui assure la transition vers des institutions représentatives semble dès lors une évidence.

Depuis sa 1ère élection Barack Obama a de facto échoué sur tout, tant sur le plan national que diplomatique, il a consciencieusement piétiné toutes ses promesses électorales et fait strictement l’inverse des grandes envolées lyriques de ses beaux discours, il a trahi sa parole sur le conflit en Palestine occupée, sur la protection sociale aux Etats-Unis, sur ses bonnes intentions vis-à-vis de la finance prédatrice & la classe des super-riches qui ont généré la crise économique mondiale de 2008, & c. le seul point sur lequel il s’était engagé sur lequel il n’ait pas encore totalement échoué était de mettre fin aux guerres de son prédécesseur - & de ne pas en entreprendre d’autres, cela va sans dire – les USA se sont bien désengagés d’Irak, ils sont en passe de le faire en Afghanistan & n’ont pas entrepris directement de nouvelles guerres depuis laissant les caniches européens, turcs & arabes s’en charger à leur place, peut-être Barack Obama veut-il ne pas échouer sur ce dernier point & ne pas laisser une image trop désastreuse dans les livres d’histoire après tout, on lui a accordé un prix Nobel de la Paix à crédit, peut-être le voit-il comme sa seule planche de salut lui permettant de pouvoir continuer à se regarder dans une glace sans vomir dessus tous les matins en se rasant ?

16/05/2013 17:17 par Dwaabala

@ Quidam

Pour ce qui est de la reconnaissance de l’Etat syrien, c’est déjà le cas depuis 1946 si je ne m’abuse, sauf à vouloir tenter de réécrire l’histoire le problème n’est de toute évidence pas là,

Que penser de la reconnaissance de la souveraineté d’ un Etat dont le premier représentant est déclaré personna non grata et le départ exigé comme préalable à tout règlement ?
Bien sûr que cet Etat existe, il est même représenté à l’ONU et dans le même temps son existence est déniée. D’ailleurs, pour le impérialistes, il s’agit bien d’arriver à un changement de "régime", c’est-à-dire de quoi ? sinon d’Etat.

16/05/2013 18:10 par Quidam

Dwaabala

@ Quidam
Que penser de la reconnaissance de la souveraineté d’ un Etat dont le premier représentant est déclaré personna non grata et le départ exigé comme préalable à tout règlement ?

Relisez l’accord Russo-étasunien plus haut, il n’est pas question du préalable dont vous parlez & c’est bien pour cela qu’il y a pu - cette fois-ci - y avoir accord...
(Cet accord ayant d’ailleurs été salué tant par l’Iran que la Syrie elle-même en la personne de son ambassadeur officiel à l’ONU)

16/05/2013 20:56 par Dwaabala

@ Quidam
Le commentaire de Mandrin de l’article ci-dessus suffit :

@quidam vous fantasmé trop sur Assad...est ce que vous en rêvez la nuit par le truchement d’un organe transitoire ?...n’y voyez rien de fâcheux je ne fait que reprendre vos dires.

Assad déposé pour une histoire de transition politique reviendrais en sommer a un coup d’état avec la complicité de la Russie et de l’Iran, même Obama n’en croirais pas ses yeux, ou bien qu’aurais t ’il proposé en échange...des fringues de la bière ?

Je crains que la déception vous guette car il sera bien présent au élection présidentielle de 2014 et au programme, dégager les Israélien du Golan c’est l’occasion ou jamais.

16/05/2013 23:50 par Annette

En attendant n’en déplaise aux défaitistes aux dernières nouvelles cette réunion aura bien lieu à la mi juin si on en croit les Russes et les Américains.

18/05/2013 16:35 par Quidam

@ Dwaabala

A moins que ce soit une manière de botter en touche, vous me pardonnerez mais je n’ai pas compris votre réponse. On peut bien évidemment - comme certains - voir la situation telle que l’on voudrait qu’elle soit, mais si ça peut être intéressant dans la littérature fantastique ou au cinéma - ’The Man in the High Castle’ par exemple (excellent) - dans notre monde réel il me semble plus pertinent de voir les choses telles qu’elles sont... C’est la raison pour laquelle je me fonde uniquement sur des faits. Dans la triste réalité d’aujourd’hui l’URSS n’existe plus, la Russie est passée dans les années 80 d’un système communiste inauguré en 1917 à un système ultralibéral capitaliste de la pire espèce, la gauche panarabe prosoviétique syrienne a été chassée du pouvoir & éradiquée par un coup d’état militaire dans les années 70, puis le pouvoir accaparé par une autocratie ultra-réactionnaire al-Assad & fils. Que ça vous plaise ou non c’est un fait. S’agissant des pourparlers diplomatiques en cours, je me contente de citer les positions qui ont été officiellement prises par les acteurs régionaux & laisse le registre de la fiction & des fantasmes à ceux qui s’y complaisent.

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