Derrière l’enjeu malien : la France coloniale cherche à punir l’Algérie

«  La France historique salue l’Algérie indépendante » Valéry Giscard d’Estaing.

« Une page est tournée, l’Algérie est d’abord fille de son histoire, qu’elle ait surmonté l’épreuve coloniale et même défié l’éclipse, atteste, s’il en était besoin de cette volonté inextinguible de vivre sans laquelle les peuples sont menacés parfois de disparition » Houari Boumediene.

Deux mois après le putsch militaire au Mali de mars 2012, les rebelles touaregs s’emparent du nord de ce pays, une région plus vaste que la France, et déclarent l’indépendance de l’Azawade*. Le Mali est coupé en deux. La junte militaire, qui n’est pas inféodée à la France, tente de négocier. Mais avec qui ?

Les rebelles appartiennent à des groupes aux liens complexes et nébuleux. Ils combattent côte à côte mais pour des objectifs différents. Ces groupes sont au nombre de quatre (1), et leur financement dépend en partie des rançons versées par les européens pour la libération des personnes prises en otage. La Suisse finance également ces mouvements : « le département fédéral des affaires étrangères suisse a participé à l’organisation et au financement d’une réunion politique des rebelles touaregs indépendants du MNLA les 25, 26 et 27 juillet 2012 à Ouagadougou ». (2)

La France se mobilise pour une intervention militaire

Sous le prétexte fallacieux du rétablissement de l’ordre constitutionnel au Mali, n’étant en réalité que l’ordre colonial établi pour préserver ses intérêts, la France pousse à une intervention militaire. L’Algérie, qui partage une frontière de près de 1.500 km avec le Mali, s’y oppose et par la voix de son Premier ministre se dit « favorable au dialogue » (3) afin de régler la crise.

De toute évidence, une intervention étrangère militaire au Mali affectera et déstabilisera tous les pays de la région du Sahel. Et notamment l’Algérie dont les frontières sont si grandes que l’Etat ne peut contrer les infiltrations des groupes terroristes d’Al Qaida et l’afflux des populations à la recherche d’un refuge sur son territoire.

Cette intervention contraindrait l’Algérie à envisager l’option militaire pour protéger ses frontières et les populations algériennes dans la région de Kidal (Mali). L’armée algérienne aura en face les rebelles d’Ansar Eddine, Al Qaida au Maghreb islamique et du Mouvement pour l’unicité et le djihad. L’Algérie privilégie le dialogue pour résoudre cette crise avec le groupe Ansar Eddine espérant éviter l’intervention militaire. L’Occident semble douter des visées algériennes, et soupçonne les dirigeants de vouloir faire passer sous contrôle algérien la région de Kidal, une région convoitée pour ses gisements d’uranium et d’or.

Pourquoi cet Occident, qui ailleurs cherche à démembrer les États, n’encourage-t-il pas les Touaregs à constituer un « État dépendant » au nord du Mali dans une région riche ?

L’intégrité territoriale du Mali ou le démembrement de l’Algérie ?

La France est impliquée de manière directe dans la question malienne, notamment depuis les années 1990.

Cette crise n’est qu’une étape pour atteindre in fine l’Algérie, dont le sud est cerné par l’armée française qui opère en Libye, en Côte d’Ivoire, au Niger, en Mauritanie, au Tchad et au Mali.

Sarkozy, faisant abstraction des accords de paix signés à Tamanrasset le 6 janvier 1991 sous l’égide de l’Algérie entre le gouvernement malien et le MNLA, a affirmé, une semaine après la déclaration de l’indépendance de l’Azawade, vouloir « travailler avec les Touaregs pour voir comment ils peuvent avoir un minimum d’autonomie » (4). Il ignore l’autonomie accordée aux populations des trois régions du nord du Mali « qui géreront leurs affaires régionales et locales par le bais de leurs représentants dans des assemblées élues, selon un statut particulier consacré par la loi » (5). La France torpille ainsi cet accord qui ne fait qu’éloigner totalement le projet de création de l’Organisation Commune des Régions Sahariennes(6) « cette chose étrange qui s’appelait OCRS, une machinerie juridique à travers laquelle la France avait espéré maintenir une souveraineté sur le Sahara ». (7)

L’entremise française dans l’armement des terroristes du Sahel a été soulevée par le Le temps d’Algérie, du 11 septembre 2011. « Les services de renseignements français qui organisent le trafic des missiles libyens ; un lot de 20.000 Sam 7 russes ou stringer américains sont passés aux mains d’Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI) » (9).

La France cherche par les armes à réaliser un rêve colonial

Les prédateurs occidentaux, notamment la France, trouvent dans la crise malienne une occasion pour mettre l’Algérie dans sa ligne de mire.

Dans cette région l’Algérie est incontestablement le pays le plus puissant et le plus important en termes économique, militaire et/ou géographique. L’Algérie, depuis la colonisation, avait toujours revendiqué son indépendance et sa souveraineté. La révolution algérienne de 1957 a fait avorter le projet de création d’un Etat indépendant touareg contrôlé par la puissance coloniale. L’Algérie refuse de recevoir sur son territoire des bases françaises dont la mission principale consiste en une surveillance et des pressions sur l’Etat algérien.

Depuis les années 60, la France a toujours voulu installer une base militaire à Mopti, chose que les autorités maliennes ont refusé depuis le président Modibo Keïta, dont De Gaule disait « qu’il est le seul chef devant lequel il n’était pas obligé de baisser la tête pour lui parler »(10). L’affaiblissement de ce pays est envisagé par Paris en permettant à la MNLA de conquérir le nord du Mali, en venant de la Libye. La France, dont les mirages survolaient la Libye, qui dispose de bases militaires au Tchad et contrôle le Niger, aurait pu facilement intercepter les colonnes des rebelles puissamment armés grâce aux arsenaux libyens se dirigeant de la Libye vers le Mali, si elle tenait vraiment à l’intégrité de ce pays.

Selon le docteur Assadek Aboubacrine, universitaire malien, la France aurait passé un deal avec le MNLA : « La France s’engage à soutenir financièrement, diplomatiquement et stratégiquement les séparatistes jusqu’au bout, c’est-à -dire jusqu’à ce qu’ils atteignent leurs objectifs. En contrepartie, les séparatistes s’engagent à éradiquer l’AQMI du Nord du Mali et aussi à confier aux sociétés françaises l’exploitation du pétrole du Nord » (11).

Pour que les projets des États-Unis et des Européens se réalisent dans cette région, il faut impérativement déstabiliser l’Algérie, en permettant aux Touaregs de s’équiper en armement, à partir des stocks libyens, et en les laissant transiter librement par le Niger, sous contrôle de la France, pour rejoindre le Nord du Mali, proche de la ville algérienne de Tamanrasset. Quatre objectifs sont fixés dont l’aboutissement serait d’amputer le pays de sa partie saharienne :

1- Affaiblir le mali et l’amener à recevoir sur son sol des militaires français à Mopti ;

2- Confier l’exploitation des gisements d’or, du pétrole et autres minerais à la France ;

3- Briser les relations algèro-maliennes ;

4- Contrôler la région saharo-sahélienne géostratégique et riche en minerais stratégiques.

Pourquoi la France cherche-t-elle à affaiblir l’Algérie ?

Quiconque suit les relations entre l’Algérie et la France comprendra que ce n’est pas le Mali qui suscite l’attention de la puissance française, mais bien l’Algérie.
La classe politique française n’a jamais pardonné l’indépendance de l’Algérie ayant ouvert la voie à la décolonisation en Afrique. Depuis juillet 1962, La France entretient des relations avec l’Algérie qui s’inscrivent dans le prolongement de la pensée coloniale. L’Algérie historique doit être punie pour les raisons suivantes :

1- Lors des négociations, l’Algérie n’a pas voulu d’une indépendance avec une souveraineté réduite et une intégrité territoriale amputée du Sahara.

2- Elle n’a pas accordé à la France ce que certains pays africains avaient concédé au titre du pacte colonial de 1961. Ces derniers facilitaient « au profit des forces armées françaises, le stockage des matières premières et produits stratégiques **, lorsque les intérêts de la Défense l’exigent, elles limitent ou interdisent leur exportation à destination d’autres pays » (12)

3- L’Algérie n’a pas voulu faire partie de la zone monétaire CEFA (13). Les pays africains qui appartiennent à cette zone, dirigée par la France, placent 65 % de leurs recettes d’exportation sur un compte du trésor français. Ainsi, la Banque de France dispose d’importantes réserves en devises pour faire face à ses dépenses courantes au moment où des millions d’Africains ne perçoivent pas leurs salaires par manque de liquidités.

De Gaulle avait raison quand il déclarait que « la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts ».

Laid Seraghni

http://cameroonvoice.com/news/news.rcv?id=9406

Références :

* Azawade : trois régions du Mali Gao, Tombouctou et Kidal population arabo-berbère.
** Les matières premières et les produits stratégiques sont classés en deux catégories :
· La première catégorie : les hydrocarbures liquides ou gazeux.
· La deuxième catégorie : l’uranium, le thorium, le béryllium, leurs minerais et composés.

(1) Les groupes armés au sahel.
· Le Mouvement national de libération de l’Azawade (MNLA) d’obédience laïque est le plus important, il se bat pour l’indépendance de l’Azawade depuis 1990
· Les groupes islamistes composés essentiellement des touaregs revenants de Libye. Leur retour est encouragé par l’OTAN qui a fermé les yeux sur le transit par le Niger, sous contrôle de la France, d’une partie de l’arsenal libyen.
· Le groupe islamiste salafistes Ansar eddine (l’armée de la religion). Il se bat pour l’application de la charia, loi islamique, sur tout le territoire malien. Il aurait reçu un renfort des combattants de l’Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI) dont la base est le Nord du Mali.
· Le groupe pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’ouest (MUJAO), dissident de l’AQMI.

(2) Courrier international du 8 décembre 2012.

(3) LeFigaro.fr du 6 avril 2012.

(4) Le Monde du 13 avril 2012.

(5) Alter Info du 8 décembre 2012

(6) Cette organisation consistait à rassembler les régions sahariennes d’Algérie, du mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad. L’Algérie a empêché la réalisation de ce projet et le contrôle de la bande saharo-sahélienne riche en minerais stratégiques pour l’Occident.

(7) Terrain n° 28 mars 1997. Miroir du colonialisme « Charles de Foucault face aux touaregs. Rencontre et malentendu »

(8) Le Grand Soir du 1er mai 2012.

(9) Le temps d’Algérie du 11 septembre 2011

(10) Site Modibo Keita

(11) Mediapart du 18 avril 2012.

(12) AFRICA HUMAIN VOICE-Fédération africaine.

(13) Franc des colonies françaises d’Afrique crée le 26 décembre 1945 par la France, devenu depuis 1958 franc de la communauté française d’Afrique.

COMMENTAIRES  

13/01/2013 13:12 par Quidam

Mouais... mais il y a un petit hic dans cette analyse, pourquoi alors les autorités algériennes ont-elles donné leur bénédiction à l’intervension militaire française en déclarant officiellement considérer l’intervention militaire française au Mali comme une décision souveraine des autorités maliennes ?

« Il faut surtout bien noter que c’est une décision souveraine du Mali qui a demandé l’aide des puissances amies pour renforcer ses capacités nationales de lutte contre le terrorisme. »

Amar Belani, Porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères

13/01/2013 15:44 par Vagabond

L’association de malfaiteurs à la tête de l’Algérie a déjà ses petites affaires avec les américains. Une base secrète US existerait même dans le sud.

Pour protéger leurs intérêts, les têtes de l’hydre sont capables du pire.

Pour les personnes de bonne volonté en Algérie, il est diffcile de construire quoi que ce soit dans un environnement pareil, infesté par les escrocs chacals du régime, les crocodiles français et les vautours US. Sans oublier le satrape du Qatar, un bouledogue aux crocs bien longs (j’espère que ces braves bêtes me pardonneront de les associer à ces sinistres indivdus).

13/01/2013 16:30 par Anonyme

Pourrait-on avoir l’avis des maliens sur cette intervention ?
Qu’en pensent les militants du MNLA ? Qu’en pensent les maliens de Bamako ? Et ceux de France qui ont de la famille au pays ?

15/01/2013 22:38 par Jean Grimal

Je ne suis pas un admirateur du gouvernement algérien actuel, je trouvais Houarri Boumledienne bien plus sympathique.
Toutefois, je note que, malgré ses liens avec l’impérialisme US, l’Algérie est le seul pays du Maghreb que les impérialistes n’ont pas totalement reconquis, par les armes ou la propagande, grâce à l’opération codée "printemps arabe".
Je ne suis pas sûr non plus que l’Algérie soit la cible unique, le gouvernement de Bamako, et notamment les militaires progressistes comme le capitaine Sanogo ne plaisent guère, ni à l’impérialisme français, ni à celui des USA qui finance la nébuleuse AQMI et peut-être bien Ansar Dine.
Cette réserve mise à part, je trouve l’article fort intéressant et j’ai presque comme une respiration accrue : enfin un texte qui nous donne des raisons cachées, sans se baser sur le"francocentrisme", c’est parce que hollande veut se refaire une image.
Dans ce cadre, je termine par deux questions :
1 Qu’est devenu le MNLA ? Que dit-il aujourd’hui ?
2 Que disent les progressistes maliens, Sanogo, Aminata Traoré par exemple ?

15/01/2013 22:56 par Anonyme

Et ceux qui ont été expulsés manu militari dans des avions d’Air France ?

16/01/2013 07:56 par gérard

Mais pourquoi le gouvernement Algérien a-t-il fermé sa frontière avec le Mali et permis le survol de son Pays par les avions de chasse Français ?
C’est un gage de "bonne volonté" quand même, non ?

27/01/2013 18:00 par dougloudou

Ha la france qui"libère". cette france qui joue au pyroman et au pompier à la fois.moi je crois fermement que la france a un devoir de conscience vis à vis du MNLA. c’est elle qui a entretenu cette rebellion.les autres qui sont arrivés après sont des outsiders qui n’ arrangent pas cette france guerrière.Il faut crier au terrorisme pour avoir l’approbation des autres pays européens.Je ne comprends pas la france qui : parle, chante et respire DEMOCRATIE est toujours l’amie des rebelles.( cote d’ivoire, lybie ,syrie etmali.) je suis contre la réaction de la france au mali.Aujourd’hui encore, les militaires africains vont servir de bouclier humain à la france pour ses interets.ces négres ont oublié l’esclavage,la clonisation,le travail forcé ,l’aparteid et les deux guerres mondiales. Qu’avons nous eu : des morts, l’humuliation, le traitement inhumain.A chaque président français sa guerre à l’AFRIQUE.Si la france est ainsi généreuse, pourquoi ne va t’elle pas tirer l’eau du sous sol pour donner à boire aux agneaux de DIEU dans cette zone.africains attention, les YALTISTES ET LES ESCLAVAGISTES sont de retour.france neocolonialiste qelle dégout ?.

07/03/2015 19:27 par Awthem

Si l’ esclavage n’existait pas les nègres eux même l’aurait inventé. Le gouvernement malien à réduit à l’esclavage le peuple Touareg qu’il accusé d’envahisseur arabe (tout le monde sait que les touaregs ne sont pas arabes, encore moins envahisseurs puisqu’ils sont des autochtones d’Afrique). Les touaregs personne n’en veut (rejetés par les nègres, par les arabes et par la france coloniale amie des arabes. Les touaregs sont a peut près dans la même situation que les kabyles autochtones rejetés également par les colons arabes, les français, les nègres et les pays musulmans. Touaregs et Kabyles sont d’origine berbère, mais souvent considérés comme originaires d’ Europe par les différents envahisseurs qu’ils ont connus (pour faire court, les peuples berbères ne sont pas acceptés chez eux et nul part ailleurs). La france coloniale utilisent les berbères, le arabes et les noires à sa guise (tantôt pour les opposés entre eux tantôt pour les mettre dans le même sac). Pour ce qui est de l’Algérie, la france à toujours soutenu ce gouvernement arabe contre les kabyles, pour éviter l’effondrement totale de l’Algérie, néanmoins, cette même france soutient tous ce qui peut affaiblir l’Algérie (notamment les pays voisins de l’Algérie). La France utilise souvent des termes fallacieux pour nuire aux pays Africains et "Arabes" tel que le terme "EQUILIBRE", de façon à ce que ces pays soit légèrement forts pour se bouffer entre eux mais, suffisamment faibles pour ne pas nuire aux différents intérêts coloniaux accrus et illégaux (la france doit avoir le jackpot dans toutes les situations). Dans le cas contraire elle agite le spectre du terrorisme ou les interventions militaires directes sous couvert de printemps Arabe.
La france pays des droits coloniaux, n’a jamais soutenu le printemps berbère , bien au contraire, le printemps arabe semble plus juteux.
La france fidèle aux monarques arabes, a trop peur pour son gendarme en Afrique (maroc), il faut absolument affaiblir l’Algérie, c’est un jeu mal saint, qui peux se retourner contre les colons européens.

(Commentaires désactivés)