CPE : Jeunesse Militante, par Antonio Molfese.







30 mars 2006


Le soleil se lève sur une nouvelle jeunesse. Ces jeunes qu’on disait angoissés, égoïstes et désenchantés, on les croyait même dépolitisés : comme s’ils n’avaient plus goût à la chose publique, ni au bien commun, repliés sur leur ego adolescent et leur rêves staracadémisés, transformés par la télévision en « cerveaux disponibles » à ingurgiter les pires sottises.

La jeunesse française est angoissée : c’est indéniable. Qui peut rester serein dans une société intoxiquée à la libéraline, à la régression sociale, à la mise en concurrence effrénée des individus ? Qui peut rester impassible quand le seul visage que la politique donne de l’avenir est une « modernité » vieille de plusieurs siècles, ce fameux libéralisme économique dont la théorie et les échecs sont plus vieux que le communisme, le socialisme et l’anarchisme ? Qui peut garder son calme dans un pays où le Pouvoir prend le masque sordide d’un Chirac, d’un Raffarien, d’un Galouzeau de Villepin, ou d’un Sarkopitre ? Qui peut supporter les agressions répétées et continues de radios et de télévisions serinant à longueur de journée le b-a-ba capitaliste, célébrant la hausse du CAC 40, la nécessité des plans de licenciement collectifs, l’archaïsme de l’Etat-Providence, les profits colossaux des multinationales et la « modernité » du Medef ? Qui peut regarder sans horreur la propagande vieillie de Christine Ockrent, d’Arlette Chabot, de Serge July, d’Alain Duhamel et de tous les chiens de garde de l’ordre établi, du chacun pour soi et du défaitisme politique ? Qui peut écouter sans vomir Sarkoguignol surfer sur les idées lepénistes, prôner la fin du CDI et moquer le « droit-de-l’hommisme » ?

Les jeunes sont égoïstes, c’est vrai : ils considèrent qu’ils méritent une vie au moins aussi belle que celle de leurs parents. Ils ont l’audace de croire que la société ne devrait pas être une jungle, que la politique ne doit pas s’exercer au profit de quelques uns, mais de tous. Ils ne voient pas pourquoi ils devraient subir une éducation au rabais, travailler dans la plus grande précarité, dépenser la moitié de leur salaire uniquement pour se loger, s’inquiéter pour leurs dépenses de santé, partir à la retraite à 70 ans. Ils ont le front de vouloir parler, la témérité de vouloir être écoutés, la folie de croire qu’ils ne se battent pas seulement pour eux-mêmes, mais pour la société tout entière.

Les jeunes sont désenchantés : c’est sûr. Désenchantés par un Pouvoir cynique qui les caresse d’une main pour leur imposer de l’autre un contrat d’esclavage en bonne et due forme, et les transformer en prolétaires, bien évidemment « modernes ». Qui ne serait pas désenchanté à force de s’entendre dire qu’il n’a pas d’espoir, qu’il devra se contenter d’une vie au rabais, instable et besogneuse ?

La jeunesse a donc raison d’être angoissée, égoïste et désenchantée. Elle a raison de vomir ce vieux monde terne et plat, cette société anxiogène et délabrée - ce bateau piloté par des fous, qui part à la dérive, en prenant l’eau de toutes parts. La jeunesse a raison de cracher sur la propagande qu’on veut lui faire avaler : elle a raison de refuser un discours qui lui dit en substance « Dans un monde qui bouge, il faut tout changer ». Avec la lucidité troublante qui la caractérise, la jeunesse a compris cette évidence que dans un monde qui bouge, il faut s’obstiner à tenir bon. Elle a raison de pouffer lorsque Galouzeau de Villepin veut lui faire croire que dans un monde en mouvement vers la précarité et l’inégalité, il faudrait encore savonner la planche et accélérer la chute, en instaurant le Contrat Pauvreté Exclusion.

La jeunesse a compris que le Capitaine Galouzeau de Villepin navigue à vue et qu’il n’a pas de plan, sinon la triste feuille de route jaunie que lui a donnée le Medef. Elle a compris que Galouzeau de Villepin dirige un vaisseau-fantôme, hanté par les spectres moribonds du travail sans règles, du patron-seigneur et du profit-roi.

La jeunesse redécouvre la politique dans l’action : elle s’organise démocratiquement, elle résiste, elle imagine, elle propose. Elle découvre les joies du militantisme, le bonheur de penser et de vivre ensemble, de refuser tous les fatalismes et les défaitismes, d’envisager pour elle-même et pour la société un autre avenir. En ce sens, quoi qu’il arrive, et même si le gouvernement s’obstine lamentablement à maintenir le CPE, elle a déjà gagné, en fixant le cap de l’antilibéralisme à notre pays déboussolé.

Antonio Molfese

A LIRE : Retrait du CPE/CNE = défense du CDI et reconquête d’un droit protecteur des salariés, par CGT - Inspecteurs du Travail.


Témoignages Contrat Nouvelle Embauche.


Galouzeau de Villepin, profession : Social Killer, par Antonio Molfese.

CPE : Dix arguments de M. de Villepin et dix réponses, par Gérard Filoche.

CPE : L’enfermement et les impasses de M. de Villepin face à la France entière, par Gérard Filoche.
















- Photo : LFS

COMMENTAIRES  

31/03/2006 19:27 par à -nos-amis

Je suis d’accord avec l’idée "d’apprentissage du militantisme" et de "cap donné contre le libéralisme", et si le mouvement anti-cpe devait déboucher sur une panique "du petit monde libéral" j’applaudirais des 4 mains. Mais je ne le crois pas. Nous connaitrons plutôt une avancée sûre du lihéralisme à travers les alibis du PS ou la modernité sarkozienne : les "Sauveurs" , parce qu’entre autre nous n’aurons pas laissé le capital prouver qu’il ne règle rien, à travers une loi centrale dans l’esprit mais presque anodine et reversible, et qui ne comporte pas que des mauvais aspects : celui de la prise de conscience du travail qui est une necessité aussi pour la construction du socialisme. Que ferez vous de ces jeunes que le mouvement, allié pour l’occasion aux libéraux centristes et aux forces de l’ordre, ne parvient pas à intégrer ? Que ferez vous des vieux et des malades, des enfants dans une société, la moderne, où personne ne se sacrifie ? Ce sont toujours les causes les plus évidentes pour lesquelles les mouvements sociaux se mobilisent, rarement les plus profondes, les plus essentielles et structurelles comme le TCE, un verrou initié par le capital et ses satellites.

Je pose 4 questions :

1°) Est-ce que la "banlieue" manifeste ?

2°) Ceux qui forment la contestation ont-ils un projet politique global ?

3°) MM les ultra-libéraux Bayrou, Strauss-Khan, Sarkozy, Hollande etc sont-ils favorables au CPE et pourquoi ?

4°) Peut-on fonder l’embryon révolutionnaire sur l’alliance objective des manifestants, des ultra-libéraux et de la police qui filtre les cortèges de la banlieue, et tandis que cette contestation ne suscitte aucune prise de conscience du sous prolétariat et des exclus des rues et quartiers ?

02/04/2006 11:21 par à -nos-amis

Pour parler franc la situation s’est dialectiquement renversée depuis l’intervenion de J Chirac et le racourcissement du CPE :
- Bayrou n’est rien (évidemment), Sarkozy s’est aligné sur le gouvernement (donc écope avec...), le PS (parti institutionnel) risque de passer pour irrespectueux des cadres démocratiques dans la perséverance de sa contestation du parlement, les syndicats font leur boulôt (on aurait aimé les voir contre le TCE), les jeunes inventent & diversifient l’esprit d’opposition, ainsi :
- le retrait du CPE ne pose plus de problème réel
- son maintien, par le fait qu’il ne revêt plus l’aspect central de l’esprit du capital risque, d’une part, d’innoculer avec assurance, presque en douceur, une dose de libéralisme supplémentaire et, n’étant probablement pas jugé suffisant par le patronnat, de ne plus prouver que les réformes libérales ne règlent rien ; tandis que, d’autre part, il va conduire les politiques de toutes les droites, par alibi du dynamisme, à rogner sur tous les autres fronts des droits sociaux et des acquis du travail.

Je suis drôlement soulagé de n’être plus en rupture avec la manifestation, car foin des Ségolène et autres Nicolas..

03/04/2006 16:13 par Anonyme

Je répondrais juste à ta première question :

OUI, LA BANLIEUE MANIFESTE.
OUI, NOUS SOMMES DES MILLIERS DANS LES CORTàˆGES

La banlieue ce n’est pas les casseurs. Arretez de reproduire ce stereotype raciste crée par les media.

Au sein de nos lycées, de nos universités ( 6 des 13 universités "parisiennes" sont en banlieue pour acceuillir les étudiants locaux...), nous nous engageons et luttons contre le CPE et l’odieuse assimiliation d’image à laquelle vous ou Azouz Begad vous livrez.

Abdel
Clichy

05/04/2006 10:26 par J-M.B (LCR, Grenoble)

A. Molfese à écrit : «  Avec la lucidité troublante qui la caractérise, la jeunesse a compris cette évidence que dans un monde qui bouge, il faut s’obstiner à tenir bon . »

Que la jeunesse comprenne les "évidences" n’est peut-être pas la forme suprême de la lucidité ?

Ce mouvement de masse,victorieux ou non ,laissera bien sûr des marques profondément positives sur la nouvelle génération.

C’est un bon point pour envisager avec elle un avenir débarrassé du faux choix entre une fausse gauche et vraie droite...

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