RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
11 

Comment le néopuritanisme a dépolitisé la jeunesse arabe

Il y a une image que j’aime particulièrement pour désigner la culture arabe, c’est celle de la porte dérobée : une certaine idée de l’espace privé, qui souvent échappe à l’Occidental, habitué depuis plusieurs décennies à ce que les affaires de mœurs fassent l’objet de quelque bruyant militantisme, en un spectacle politico-médiatique à mon sens aussi inutile qu’embarrassant pour la collectivité. Un mode de communication subtil et pudique, basé sur la suggestion et l’émission de signes, à la différence de l’échange direct qu’on connaît chez nous, plus franc et pragmatique. Et les spécificités culturelles et langagières de ces sociétés du non-dit ne peuvent être négligées si l’on entend aborder sereinement l’idée d’un progrès arabe en faveur des libertés individuelles à l’ère de la globalisation.

Si le monde arabe permettait il y a cinquante ans un véritable dialogue intellectuel sur la scène publique — autant qu’au sein des foyers —, par la voix de ses écrivains, chercheurs, historiens, hommes et femmes de convictions, notamment autour de la nécessité décoloniale, il semble aujourd’hui souffrir d’une inquiétante uniformisation de la pensée, qu’on tente d’orienter toujours plus vers un néopuritanisme tribal, importé en partie des monarchies du golfe Persique.

Lorsqu’on échange avec des citadins du Maghreb et d’Égypte ayant vécu leur jeunesse dans les années 1970, 1980 ou 1990, ceux-ci cachent difficilement leur nostalgie quant à la vitalité de la scène culturelle d’alors, où les artistes faisaient rayonner les villes et naître des vocations, où les librairies étaient fréquentées et les places de cinéma accessibles ; et où la télévision diffusait encore, au lieu de mélos affligeants, des documentaires intéressants.

Ce néopuritanisme ostensible qui a cours dans le monde arabe, produit de l’idéologie frériste – basée en substance sur la crainte de Dieu et la soumission de la femme – ayant su se servir des réseaux numériques pour se répandre auprès d’une jeunesse en perte de repères, peut aussi s’expliquer par un vaste mouvement de réaction communautaire vis-à-vis d’un Occident perçu comme traître et décadent, où un progressisme corrompu a résolument franchi les limites de la raison et du bon sens. Mais entre l’ultralibéralisme fou et la bigoterie agressive, au-delà de la symétrie grossière des extrêmes, une voie raisonnable est possible : la voie fédératrice sur laquelle se sont engagés les leaders historiques d’un socialisme arabe, ouvert et intelligent.

Soumis à un conformisme virulent sans autre issue que le départ vers l’étranger, à la marginalisation et une répression silencieuse, les jeunes Arabes politisés se font de plus en plus rares – sinon discrets – dans des sociétés où le pluralisme, la défense de la laïcité et de l’égalité sont considérés comme des menaces libertaires pour une autorité peu sûre d’elle-même, et que ses propagandistes ne manquent jamais d’imputer à des « agents occidentaux » fantômes en mal de grabuge.

Sans possibilité de se former, de s’épanouir intellectuellement, personnellement, sans offre culturelle digne de ce nom, les jeunes doivent – au-delà du discours mortellement consensuel d’universitaires craintifs et de médias d’État –, se contenter d’écrans abrutissants, d’un système éducatif foncièrement inégalitaire qui par les lois sacrées du capital favorisent les étudiants du privé, ou au mieux des tribunes des stades de foot pour laisser aller leur ferveur anarchiste en un exutoire autorisé, quand ils ne sont pas à subir la tyrannie d’un tribalisme familial nécessairement intrusif et désindividualisant.

Quelques voix courageuses et singulières continuent, malgré tout, de s’autoriser une existence militante, ou de prôner au moins l’échange et la réflexion plutôt que la raideur idéologique et l’allégeance aux bien-pensants ; quelques associations résistent ici et là à l’abandon généralisé de la jeunesse, quand les rares subventions dont elles bénéficient ne finissent pas dans les poches des « responsables » locaux...

Désengager la jeunesse, c’est lui refuser le droit à l’émancipation et alimenter toujours plus les tensions sociales et les frustrations individuelles, en un climat de suspicion délétère, propice à ce que le pouvoir redoute précisément plus que tout : l’expression d’une révolte populaire. Aussi, quel mauvais calcul de sa part ! Pour qui connaît le monde arabe, ses manières et sa tradition du marchandage, nul doute que la solution devrait passer par la négociation plutôt que par la fièvre du dégagisme... Aux peuples de faire pression s’ils ne veulent pas renouer complètement avec les dogmes imbéciles du totalitarisme.

Au fait, qu’en est-il de la « normalisation » des rapports avec Benyamin Netanyahou et « la seule démocratie du Moyen-Orient » ? Où en est-on de la « solidarité » des dirigeants des pays arabes avec leurs « frères » palestiniens sous les bombes depuis six mois (ou 75 ans, c’est selon) ? Les prières ne seraient-elles donc pas suffisantes ?

URL de cet article 39517
  

Karl Marx, le retour - Pièce historique en un acte
Howard ZINN
Moins de cinq cents personnes contrôlent deux mille milliards de dollars en actifs commerciaux. Ces gens sont-ils plus nobles ? Travaillent-ils plus durement ? N’ai-je pas dit, voilà cent cinquante ans, que le capitalisme allait augmenter la richesse dans des proportions énormes mais que cette richesse serait concentrée dans des mains de moins en moins nombreuses ? « Gigantesque fusion de la Chemical Bank et de la Chase Manhattan Bank. Douze mille travailleurs vont perdre leur emploi… Actions en (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

« L’ennemi n’est pas celui qui te fait face, l’épée à la main, ça c’est l’adversaire. L’ennemi c’est celui qui est derrière toi, un couteau dans le dos ».

Thomas Sankara

Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.