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Colombie : l’art de la paix.

Malgré les échos d’avancées positives dans les négociations à la Havane, les adversaires d’une solution pacifiée au conflit se dévoilent dans une Colombie encore sous tension.

Dans son bureau à Bogota, les yeux encore rivés sur son ordinateur portable, Ariel Avila Martinez se veut précis : « Il y a 5 raisons principales pour négocier avec la guérilla » (1). Coordinateur de l’observatoire du conflit Nuevo Arco Iris (créé en 1994), mon interlocuteur m’expose son analyse : « d’abord elles peuvent aider à arrêter le narco-trafic car elles possèdent la base sociale pour le faire, même si ce ne sont pas les FARC qui contrôlent les routes du trafic de drogue, celles-ci sont contrôlées par les cartels, mais la guérilla est présente dans les régions de production. Ensuite, sur le plan humanitaire, la paix avec les FARC peut surtout aider à déminer plus de 400 communes et que cesse le recrutement de mineurs. Troisièmement les FARC ont, à partir des années 80, élaboré toute la structure de l’enlèvement, même si aujourd’hui, comme promis, elles ne le font plus, elles en ont créé les bases et peuvent donc aider à le démonter. La quatrième raison, très importante, c’est qu’une fin négociée du conflit peut retirer la légitimité, très ancrée dans ce pays, de soulèvements armés justifiés politiquement. Cela ne veut pas dire que la violence va cesser après le conflit, mais la justification politique n’y survivra pas. La dernière raison c’est que la guérilla se trouve dans des zones très riches en matières premières mais totalement exclues du reste du pays ; nous devons intégrer l’ensemble des populations rurales de ces territoires au circuit national et pour cela il faut négocier avec les FARC » (2).

Depuis le mois de novembre 2012 la Havane s’est faite plateforme neutre pour les négociations entre la guérilla et Bogota. C’est le troisième processus de paix entamé entre le groupe insurgé et le régime colombien après celui de 1984 dans la Uribe avec Belisario Betancur et les discussions dans le Caguan en 1999 avec Andrés Pastrana. Pour le moment il semblerait que de nombreux acteurs politiques aient parié sur une réussite de ces négociations. « Si se puede » (Oui, on peut) titre l’hebdomadaire Semana dans son numéro du 21 janvier 2013 en référence à celles-ci, tout en relevant que le ministre de l’agriculture, Juan Camilo Restrepo, notait « un ton moins rhétorique, plus pragmatique et plus concret de la part des FARC » (3) sur la question agraire. « Cette fois la différence avec les autres processus, c’est que les FARC arrivent à la table des pourparlers en perdant. Non pas vaincues, mais perdantes » continue Ariel Avila. « L’état colombien, malgré un regain d’offensive militaire, n’a pas réussi à les vaincre. C’est un match nul (...) Les FARC ont abandonné l’idée d’atteindre le pouvoir et le gouvernement celle de les mater militairement. Ensuite, l’arrivée au pouvoir de force de gauche dans les pays voisins, comme Chavez au Venezuela, Correa en Equateur ou Morales en Bolivie, rend obsolète le refrain de l’exclusion politique de la gauche la relayant exclusivement à la voie armée. La situation reste très compliquée en Colombie, les assassinats continuent mais la situation n’est plus celle d’il y a 20 ans. Il en résulte un isolement sur le plan international. Enfin il faut prendre en compte que dans les zones où se développent le conflit les gens en ont marre de la guerre, ils n’en veulent plus. Tout cela va amener aux négociations » (4).

Selon les analyses de Nuevo Arco Iris, il existe une volonté réelle de la guérilla d’arriver à un accord, de trouver une issue au conflit. Le 19 novembre 2012 l’état major du groupe armé avait annoncé une trêve unilatérale jusqu’au 20 janvier afin de respecter les fêtes de fin d’année et faire preuve de bonne foi. « La Corporation Arco Iris relève que depuis le 20 novembre les FARC ont été impliquées dans 41 actions desquelles seulement 9 sont clairement une initiative de la guérilla. Les autres sont des rencontres fortuites avec la Force Publique, ou des actions défensives. Ce qui signifie que l’interruption des hostilités a été respectée à plus de 80% » écrit León Valencia, directeur de l’observatoire (5). « Plus encore, les blocs dont on disait qu’ils étaient les plus opposés aux négociations sont ceux qui ont respecté le plus cette trêve » affirme Ariel Avila, « plus important encore, c’est que les FARC ont accepté un modèle de négociation qui, à l’époque de Marulanda, on aurait pas vu ; à savoir des pré-rencontres secrètes, aller à la Havane, y envoyer un membre du secrétariat, etc. Elles ont cédé beaucoup sur ça » (6). Selon Antonio Caballero, journaliste et écrivain, les FARC « sont devenues plus réalistes : elles ne demandent plus la révolution, mais à peine quelques réformes (...) les deux parties ont tant changé que l’on a pu dire, en exagérant à peine, que les exigences des FARC sont les promesses du gouvernement actuel : réparation des victimes, restitution des terres ». (7)

Face à un tel bilan de la situation on pourrait aisément croire que la paix ne saurait tarder. Ce serait oublier que la paix des FARC ne peux s’accompagner que de « justice sociale » comme elles ne cessent de le répéter, et que cela implique obligatoirement un changement structurel dans la façon de gouverner. « L’appareil d’état dialogue désormais avec les "terroristes" à la Havane ! Et avec l’approbation de la communauté internationale, même des Etats Unis » ironise Jaime Caycedo, secrétaire générale du Parti Communiste Colombien. « Le gouvernement dit "on ne doit pas toucher au modèle économique" , oui mais le modèle économique est lié à la guerre, à la violence (...) à quel point la bourgeoisie va céder ? Cela dépendra beaucoup de la conscience au sein de l’opinion populaire et des mobilisations qu’elle sera capable de produire pour appuyer ce processus ». (8)

Pour Ariel Avila la question qui se pose est la même : « Le problème n’est pas l’unité au sein des FARC, pour nous le problème concerne l’unité de la classe dominante. Si tu lis les interventions de José Félix Lafourie (président de la Fédération nationale d’éleveurs) tu verras qu’il affirme que : "nous, nous ne voulons pas la paix, nous ne donnerons pas un seul centimètre de terre et s’il le faut on s’armera !" c’est plus ou moins ce qu’il fini par dire. C’est la même chose pour les cultivateurs d’huile de palme, pour ceux du pétrole, ceux de la mine, etc. Ce qui nous préoccupe c’est la capacité qu’aura le gouvernement à unifier des positions autour de la paix » (9). Bien décidé à reprendre les rennes du pouvoir, le clan d’Alvaro Uribe (ancien président de la république, hostile au processus de paix) met en place ses pions pour briguer à nouveau la présidence de la nation en 2014. Au début du mois de janvier 2013 s’est tenue une assemblée des partisans de l’ancien mandataire afin de déterminer la plateforme électorale qui sera présentée au pays. Celle-ci est on ne peut plus claire : « 1. Nous refusons que le président Santos approuve le cessez-le-feu unilatéral des FARC et minimise les assassinats perpétrés ces derniers mois. De la même manière nous appuyons la position du président de Fedegan, José Félix Lafourie, dans le sens où les FARC n’ont pas abandonné leur prétention de prendre le pouvoir par les armes et de combiner toutes les formes de lutte » (10). Une victoire de cette autre force politique de droite entrainerait immédiatement la fin du dialogue de paix.

Interviewé par un journaliste de VOZ, le commandant en chef des FARC Timoleón Jimenez déclare, comme un avertissement à ceux qui misent sur l’échec des négociations : « La guerre ne peut pas être le destin de cette nation » (11).

Loïc Ramirez

(1) Entretien avec Ariel Avila Martinez, vendredi 25 janvier 2013, Bogota

(2) Ibid

(3) Semana, n°1603, 21-28 janvier 2013, page 30

(4) Entretien avec Ariel Avila Martinez, vendredi 25 janvier 2013, Bogota

(5) Semana, n°1603, 21-28 janvier 2013, page 49

(6) Entretien avec Ariel Avila Martinez, vendredi 25 janvier 2013, Bogota

(7) Semana, n°1604, 28 janvier-4 février 2013, page 82

(8) Entretien avec Jaime Caycedo, vendredi 25 janvier 2013

(9) Entretien avec Ariel Avila Martinez, vendredi 25 janvier 2013, Bogota

(10) Semana, n°1604, 28 janvier-4 février 2013, page 32

(11) http://carloslozanoguillen.blogspot.fr/2013/01/por-primera-vez-timochenko-maximo-jefe.html


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Personnellement, je n’ai jamais très bien compris ce qu’est le féminisme. Je sais par contre que les gens me qualifient de féministe chaque fois que j’exprime une idée qui me différencie d’un paillasson ou d’une prostituée.

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