Mais qu’est-ce qu’il dit ?
J’ai connu Nico Hirt beaucoup plus inspiré.
Et, finalement, je ne suis pas bien sûr d’avoir tout compris, tellement il y a de raccourcis et de généralisations dans son texte.
D’abord, en cours de lecture, je lis : "Hélas ! La crise arrive" : oui, c’est ça, elle nous est tombée dessus comme une fatalité dont personne ne serait responsable et il nous faut faire face à ce coup du sort en nous protégeant la tête et en acceptant les adaptations "nécessaires".
Ensuite, son texte n’envisage l’"homme" que par rapport au travail. La citation est explicite : « il ne s’agit pas de former un bon tourneur ou un bon ouvrier du textile, mais d’apprendre à l’homme à connaître le travail. »
Avec la notion de travail, on se cantonne au concept "travail/chômage" et, donc, "bon travailleu/ fainéant".
Un leitmotiv des classes possédantes et du patronat, si mes sources sont exactes.
Là, on part sur les mêmes bases, à savoir que c’est le travail qui détermine la vie de l’individu, quel qu’il soit.
Belle avancée.
Car, tout en parlant de "démocratisation" (ça mange pas de pain), il ne fait que préconiser la création d’une nouvelle société inégalitaire basée sur les besoins du capital.
Il n’y aucune remise en cause du travail en soi, ni de la redistribution des richesses, ni de la répartition des tâches, ni des privatisations des services publics, ni de la précarité organisée, et aucune mention de la volonté politique de ne cesser de réduire les budgets de l’Éducation, à la fois en matière de fonctionnement et de qualification des maîtres, progressivement précarisés, surchargés de tâches annexes, et, donc, démotivés. Et tout cela en vue de sa privatisation finale.
Aucune réflexion, non plus, sur la question du chômage, qui est, pourtant à la base des inégalités produites par le capital pour maintenir les salaires bas, et qui est, bien plus que le travail, la perspective à la sortie du cycle scolaire.
La transformation de la société ne se fera certainement pas avec les vœux pieux de M. Hirt.
Ainsi, il préconise : "Une école qui allierait, dans une démarche unique, formation générale et technologique, enseignement théorique et enseignement du travail."
Encore un qui veut mettre toute la responsabilité de l’éducation et de la formation entre les mains de l’école et en débarrasser le patronat, cela, avec des enseignants, formés ou pas formés, peu importe, avec des effectifs pléthoriques, peu le chaut, des horaires élastiques, ce n’est pas son problème, et faire ingurgiter à l’élève lambda tout un "fatras", comme il dit, de notions qu’il n’assimilera sans doute pas, sauf à être sur le pont 24/24, 7/7.
Parce que, avec tout ce qu’il propose, cela se traduira obligatoirement par : une pincée de formation générale, une once de formation technologique, un soupçon d’enseignement théorique et une larme (et ce n’est pas un hasard) d’enseignement du travail.
Bel effort. Et si les élèves ne sortent pas remontés comme des horloges, prêts à en découdre avec le "travail", la faute à qui ?
Ensuite, il nous dit :" Pourquoi polytechnique ? Parce que le développement des technologies détermine grandement l’évolution de nos sociétés … "
Mais de quelles technologies nous parle-t-il, à une époque où la majorité des emplois sont limités aux services, où les usines ferment pour s’installer ailleurs et où les "inventions" me semblent minimes, destinées uniquement à faire vendre un produit relooké, "attractif" pour le gogo, mais à durée très limitée, et entre les mains d’une minorité d’entreprises internationales, qui en confieront le montage à une palanquée d’esclaves qui travaillent à mains nues 12h/j, 7j/s ?
Et qui paierait pour la formation de vendeurs de téléphones portables ou de machines à laver, quand on peut employer des serfs interchangeables sans aucune compétence tirés du vivier que le capital s’est constitué ?
Et en quoi celui qui aura été formé en machines à laver sera-t-il compétent pour vendre du téléphone ?
Hirt ne le dit pas. Hirt suppose que l’école est capable de répondre à tout cela sans qu’il ait besoin d’entrer dans les détails.
D’autre part, il devrait savoir que les pédagos, qui, de tous temps, ont sorti de leurs cartons un programme "révolutionnaire ", ont vu leur projet vidé de sa substance et transformé en peau de chagrin, mais opportunément accompagné de réductions budgétaires supplémentaires.
Parce qu’il n’y a aucune illusion à se faire, la pompeuse "formation générale et technologique" sera réduite, forcément, à : quelques heures de français et de maths de base et une larmichette d’anglais pour faire croire aux parents que leurs rejetons apprennent des "langues étrangères" qui leur serviront pour leur "carrière".
En "technologie", quelques plages horaires seront aménagées pour l’informatique, avec des ordinateurs généreusement offerts par Big Bill, qui en attend un retour au centuple bien mérité après cet effort louable pour les petits écoliers français – qui, cependant, ne pourront pas travailler chez eux s’ils n’ont pas leur matos perso (tout se passe actuellement par mail, par dossiers communs via internet, etc, sans parler de l’outil de travail qu’il représente et qui laisse, donc, sur la touche ceux qui n’ont pas d’ordi, et, comme c’est bête, ce sont les élèves les moins fortunés, envoyés par défaut dans les filières "technologiques", qui en ont le plus besoin).
Et, enfin, il prévoit un "enseignement théorique", c.à.d. qu’on leur apprendra que les patrons veulent des gens sérieux et travailleurs et que c’est comme ça qu’ils trouveront du boulot à la fin de leurs études.
Quant à l’"enseignement du travail", ils apprendront que le "travail, c’est la santé et le chômage, c’est l’oisiveté".
Et vous savez quoi ? Surprise ! C’est exactement ce qui se passe actuellement !
Hirt invente le fil à couper le beurre en quatre.
Une formation succincte, mal digérée, dans quelques domaines définis par des "programmes" sans cohérence, et à la sortie ? Chômage assuré.
Et qui c’est qui entre dans les grandes écoles, encore et toujours, et qui décidera des nouveaux programmes scolaires ?
Merci les pédagos !
Je suis surpris que ceux qui ont des prétentions en matière d’éducation sur ce site n’aient pas dénoncé l’imposture.
Ni sursauté à la citation d’ Anatole Lounatcharski.
Mais, enfin, Hirt a cité Marx, cela devrait le rendre crédible.