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Brésil : le fascisme au pouvoir

Le Brésil a franchi un pas de plus dans l’escalade vers la droite extrême. Michel Temer a d’abord usurpé le pouvoir en devenant président de la République par intérim suite à la destitution de Dilma Rousseff pour « corruption » puis a fait en sorte que le candidat favori dans les sondages, Luiz Inácio Ferreira da Silva dit Lula, ne puisse pas présenter sa candidature pour les mêmes raisons et condamné à 10 ans de prison sans aucune preuve. C’est la méthode en vogue depuis quelques années en Amérique Latine pour museler toute opposition et nous l’avons importer récemment en France.

Mais l’élection de Jair Bolsonaro à la présidence avec environ 56% des suffrages marque une nouvelle étape dans cette escalade. Ouvertement raciste, homophobe, misogyne, anti-communiste primaire, contre l’avortement, il prône la suprématie des blancs alors que pays est peuplé essentiellement de noirs et de mulâtres, populiste il provoque le rejet des partis politiques en diffusant de fausses informations, nostalgique de la dictature militaire, ce capitaine de réserve soutenu par les évangélistes très influents qui représentent 33% de la population, a annoncé qu’il allait libérer le pays de la vermine communiste, de libérer le commerce des armes, alors que la violence est quotidienne et mortelle dans les grandes villes comme Rio ou Sao Paulo.

Il a refusé le débat télévisé avec son concurrent, Fernando Haddad, le suppléant de Lula, et son vice-président est le sinistre général Antonio Hamilton Mourão qui ne rêve que d’un retour à la dictature. En matière d’économie, il a contracté un Chicago boy en la personne de Paulo Guedes, ce qui nous ramène aux plus belles heures du pinochétisme.

Quand la démocratie amène au pouvoir un dictateur, on peut légitimement se demander si on peut être démocrate avec ceux qui ne le sont pas.

Le Brésil risque fort de se réveiller avec la gueule de bois !

Christian RODRIGUEZ

COMMENTAIRES  

29/10/2018 10:53 par Georges SPORRI

Certains commentateurs affirment qu’il n’y a pas eu une seule minute de démocratie pour les masses pauvres qui ont toujours été harcelées très durement par l’armée et la police sous divers prétextes. Ce qui est nouveau avec cet épisode électoral c’est la fusion extrême droite - droite sous la houlette des bigots qui ont peur la sécularisation. Le Brésil est complexe avec ses gouvernements et ses lois régionales et au parlement Bolsonaro est loin de disposer d’une majorité réelle, et sans la droite traditionnelle il ne pourrait quasiment rien faire de significatif ...
Alors il faut espérer que les gauchistes, les progressistes et les "condamnés à mort" choisissent comme tactique la fuite car il n’y a aucune perspective ... 3 millions au Venezuela, 1 million en Guyane Française, 500 000 au Surinam et 700 000 au Guyana ! Le capitalisme mondial traverse une de ces phases fabuleuses où les déplacements massifs de populations et les génocides sont inévitables !

29/10/2018 11:12 par Dominique

Hitler aussi était arrivé au pouvoir grace au jeu de la démocratie et c’est pour cela qu’il y a un droit de veto au conseil de sécurité des Nations Unies. Celui-ci a été institué au lendemain de la seconde guerre mondiale pour qu’au cas où l’assemblée générale prenne démocratiquement des décisions d’ordre totalitaire ou terroriste, quelqu’un au conseil de sécurité puisse s’y opposer. Une certaine gauche semble l’avoir oublié comme elle semble avoir oublié que l’action morale dans laquelle elle se cantonne ne remplacera jamais l’action politique mais au contraire pave un boulevard pour l’extrême-droite qui en profite pour occuper le terrain.

Cette gauche-là s’émeut de l’élection d’un raciste fasciste au Brésil et elle avait rit au nez de Lula quand il avait souhaité organiser une nouvelle internationale, invoquant des motifs d’ordre moral et préférant ainsi se complaire dans ses divisions. Elle porte donc sur ses épaules une lourde part de responsabilité dans la fascisation générale de notre société, ici comme au Brésil et ailleurs.

29/10/2018 11:30 par szwed

Comment un pays peuplé majoritairement de noirs, de métis, de noirs et d’amérindiens a pu voter pour un raciste qui plus est fasciste ?

29/10/2018 11:37 par Dalipas

*** et nous l’avons importé

29/10/2018 13:24 par Jérôme Dufaur

"C’est la méthode en vogue depuis quelques années en Amérique Latine pour museler toute opposition et nous l’avons importer récemment en France." : très bien dit. Et très bien documenté par Maurice Lemoine dans son "Les Enfants cachés du général Pinochet."
Très bien dit et il faudra ajouter : tout cela avec la complicité consciente ou inconsciente (voire consciente ET inconsciente, vous avez dit "double pensée" ?) des médias à la masse et d’une justice indépendante et impartiale ("lol" comme on dit de nos jours).

29/10/2018 14:53 par Renard

@zwed

De ce que j’ai compris ce n’est pas tant son côté raciste qu’il a mis en avant mais plutôt son côté anti-gang et anti-mafia ce qui a fait sa popularité dans les favelas, la question serait pourquoi la gauche lui a t-elle laissé l’exclusivité de cette rhétorique ?
Autre point non négligeable, Bolsonaro s’est rallié le soutien de nombreux footballeurs : Ronaldinho, Neymar, Lucas Moura, Felipe Melo.. au pays du ballon rond ça ne compte pas pour rien pour se faire une popularité parmi les pauvres..

29/10/2018 15:35 par Palamède Singouin

@ Dominique

...il y a un droit de veto au conseil de sécurité des Nations Unies. Celui-ci a été institué au lendemain de la seconde guerre mondiale pour qu’au cas où l’assemblée générale prenne démocratiquement des décisions d’ordre totalitaire ou terroriste, quelqu’un au conseil de sécurité puisse s’y opposer.

Euh... le veto n’a pas plutôt été institué pour assurer l’hégémonie des vainqueurs de la guerre sur le reste de la planète ?
Et croyez vous sincèrement qu’ étasuniens, british, russes, chinois et français disposent de plus de sagesse que tout le reste de la planète ? Il n’est qu’à voir le total des dévastations qu’on peut leur attribuer en exclusivité au niveau planétaire. Edifiant !

29/10/2018 18:09 par Georges SPORRI

@Renard / Les 3 plus grosses stupidités stratégiques du PT = ne pas attaquer férocement la religion + guerre à outrance dans les favelas contre la pègre et le narco trafic + investissements dans des infrastructures sportives ...

29/10/2018 18:32 par T 34

Il semble qu’il ne soit plus possible d’arriver au pouvoir pacifiquement dans certains pays d’Amérique Latine. Les brésiliens n’ont plus qu’a démarrer une guérilla.

29/10/2018 20:40 par Palamède Singouin

@ Georges Sporry

ne pas attaquer férocement la religion + guerre à outrance dans les favelas contre la pègre et le narco trafic + investissements dans des infrastructures sportives ...

Depuis l’antiquité romaine on sait qu’attaquer "férocement" une religion conduit à multiplier les fanatiques....
La guerre à outrance contre la pègre....vous voyez ça comment...comme aux Philippines ?
Investir dans les infrastructures sportives...Pour produire plus de Neymar, de Ronaldinho, Rivaldo et autres supporters de Bolsonaro abrutis par le crétinisme évangélique ????

29/10/2018 22:03 par Georges SPORRI

@ Palamède / Ne pas s’attaquer férocement à la religion au Brésil est une grosse erreur et il ne faut pas avoir peur des fanatiques / Faire une guerre outrancière à la pègre et au narco trafic est une imbécillité qui coûte cher et ne sert à rien / Investir dans les J.O et le sport est une option abjecte lorsqu’on a pas assez d’hôpitaux et d’écoles / Le PT a commis ces 3 inepties stratégiques et le paye aujourd’hui . Est ce que maintenant c’est clair ? Je redis aussi qu’il n’y a pas eu une seule minute de démocratie pour les plus pauvres ce qui explique qu’ils n’ont pas peur du fascisme puisqu’ils ne connaissent que ça - Donc, pas d’espoir et pas d’avenir, tous ceux qui sont à gauche du PT ou qui font partie des condamnés à mort doivent se barrer, se casser, prendre la place des vénézuéliens qui se sont exilés pour d’autres raison, s’installer en Guyane française pour secouer l’occident ...etc.

30/10/2018 09:48 par Toff de Aix

Se barrer au Venezuela ? Bolsonaro à promis qu’il irait libérer ses frères venezueliens de la peste rouge.. On verra s’il tient parole.

En attendant, s’il y en a qui se frottent les mains, c’est les financiers : la bourse brésilienne à bondi à l’annonce des résultats. Je serais curieux de savoir comment notre "progressiste" à l’elysée l’explique, lui qui a fait son gêné aux entournures lors de l’élection de ce fasciste, et qui donne des leçons de morale à la terre entière, tout en détruisant consciencieusement les conquis sociaux de notre pays.

Ah si, je sais : la différence entre Bolsonaro et lui, c’est que lui il ne menace pas de mort les rouges, il les fait juste tabasser par ses barbouzes et perquisitionner par sa justice aux ordres.

30/10/2018 13:20 par Palamède Singouin

@Georges SPORRI

OK, j’avais lu un peu trop rapidement votre post...
Concernant l’attaque féroce contre les religions, je reste très, très sceptique. L’Amérique latine est profondément marquée par un christianisme multiforme. Personne en Amérique latine ne s’est attaqué frontalement à la religion pas plus Castro que Chavez (qui était très croyant). Et la révolution française, comme la russe ou la chinoise n’ont jamais réussi (et pas vraiment essayer) à faire disparaître le fait religieux.
Je vous dis ça en tant que sceptique ou agnostique suivant l’humeur.....

30/10/2018 18:48 par Georges SPORRI

@Palamède / Attaquer férocement la religion = divorce facilité, avortement remboursé, tolérance avec les homosexuels, liberté de blasphémer, ... et surtout sécularisation + diffusion des philosophies athées ... Par contre : pas de sermons athées ou de catéchisme laïque, respect des croyants et de la liberté de culte, mais réduction de la religion à "une affaire privée" ... Un des points faibles de Maduro est de ne pas affronter le "catholicisme", c’est sûrement une question de rapport de force et de priorité ???

02/11/2018 10:31 par Assimbonanga

A qui devons-nous ce photo-montage du christ de Rio ? Excellent !
L’axe du mal s’étend. USA, Israël et désormais Brésil. Des gens capables de tirer sur une foule, du moment qu’elle est constituée de pauvres. Trump piaffe d’impatience d’imiter son pote Nettanyaou. Il a évoqué la possibilité de faire tirer sur les migrants du Mexique.
France Inter, radio d’état française n’arrive toujours à imaginer qu’un financement extérieur ait pu alimenter l’élection de Bolsonaro. France Inter passe sous silence la puissance de la secte évangélique.
France Inter est tellement naïve.

02/11/2018 10:40 par Assimbonanga

Ne pas négliger la théologie de la libération, catholicisme de gauche, qui a participé à l’avènement du socialisme bolivarien. Rien n’est tout à fait tout noir ou tout blanc.
Mais les Évangélistes me semblent être les réactionnaires de cette histoire, une reconquête par la droite, venue des States.

27/11/2018 19:51 par Zumbi

Beaucoup de simplifications dans tous ces propos.

Depuis le début Lula a gouverné avec une bonne partie de la droite traditionnelle, corrompue et magouillarde, et Dilma à sa suite. Ce sont d’ailleurs ces gens-là qui ont rompu l’alliance avec lui à partir du moment où les cours des matières premières se sont effondrés, et que les secteurs de la grande bourgeoisie brésilienne qui avaient soutenu le compromis avec le PT ont décidé que la récréation était finie : les marges se réduisent, on ne partage plus. Des militants historiques, fondateurs du PT, avaient été virés dés l’époque de Lula pour avoir refusé de voter une réforme des retraites défavorable aux travailleurs, Le PT a perdu continuellement des soutiens sur sa gauche et dans les milieux populaires, aussi lorsque Temer (dont on tend à oublier aujourd’hui qu’il était le vice-président de Dilma) a organisé le "coup d’État parlementaire" dans le cadre des institutions que Lula avait décidé de ne pas changer, il a été très difficile de mobiliser dans la rue.

Incidemment on peut aussi rappeler que les évangéliques de l’Église Universelle faisaient partie du gouvernement Lula avant de se vendre (c’est très littéralement comme ça qu’on fait des majorités parlementaires dans mon pays) à Temer, puis à Bolsonaro.

Des proches compagnons de Lula et dirigeants du Mouvement des Sans Terre le disaient depuis un moment, Frei Betto par exemple est très explicite : si le PT ne fait pas un bilan autocritique et ne reprend pas le chemin de l’implantation dans les favelas, les mouvements urbains, s’il ne fait pas le ménage dans ses rangs, ça ne servira à rien de dénoncer la main de Washington. Les impérialistes sont toujours impérialistes, le problème est ce que nous faisons, ou ne faisons pas, contre eux.

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