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Au Conseil de Sécurité de l’ONU, la Russie déclare : "La résolution française est une trahison du peuple syrien."

Moscou et Beijing ont bloqué une résolution du Conseil de Sécurité de l'ONU autorisant la Cour Pénale Internationale à enquêter sur les crimes qu'aurait commis le gouvernement syrien. Le délégué de la Russie à l'ONU, Vitaly Churkin, explique cette décision.

M. le Président,

Nous comprenons les raisons pour lesquelles de nombreuses délégations ont soutenu ou co-sponsorisé le projet de résolution d’aujourd’hui visant à saisir la CPI des crimes commis en Syrie. Nous partageons l’émotion causée par la crise en Syrie qui dure depuis trop longtemps. C’est très dur d’assister aux destructions et à la mort et la souffrance du peuple syrien.

Il est plus difficile de comprendre ce qui a pu motiver la France à présenter cette résolution, sachant d’avance quel serait son sort. On entend beaucoup de gens se plaindre du manque d’unité entre les 5 membres permanents (P5) du Conseil de Sécurité concernant la Syrie. Il est vrai que lorsque nous sommes unis nous parvenons à prendre de bonnes décisions. L’une d’entre elle est sans nul doute la Résolution 2118 concernant la destruction du stock d’armes chimiques syriennes, un programme qui est en train de se conclure avec succès. Un autre marqueur important a été la Résolution 2139 sur les questions humanitaires. L’unité du P5 est importante. Et c’est sans doute pour cette raison que la France a insisté pour que le P5 s’implique dans la solution politique du conflit, tout en échouant à proposer la moindre idée la favorisant.

Alors pourquoi mettre en danger l’unité du P5 à ce stade ? Est-ce que c’est seulement une tentative de plus pour créer un prétexte pour intervenir en Syrie par les armes ?

Tout le monde a vu que le responsable de la diplomatie française avait profité de son récent voyage à Washington pour critiquer publiquement les Etats-Unis pour avoir refusé de bombarder la Syrie en automne dernier.

Il faut insister sur le fait que cette attaque contre l’unité du P5 se produit à un moment crucial du processus de recherche d’une solution politique à la crise syrienne.

Le hiatus involontaire causé par la démission de Lakhdar Brahimi devrait être l’occasion d’analyser collectivement et honnêtement la situation en profondeur pour mettre fin au cercle vicieux de la violence. Le "testament politique" laissé par Lakhdar Brahimi au Conseil de Sécurité le 13 mai est une bonne base de réflexion.

Voilà exactement le but que poursuit le projet de résolution de la Russie : engendrer un processus de "trêves locales". Le projet ne convient pas à nos collègues occidentaux au motif que les accords déjà conclus ne respecteraient pas les normes. Je me permets de citer ici un proverbe russe : Une mauvaise paix vaut mieux qu’une bonne querelle.

Et que proposent nos collègues occidentaux à la place ? La promesse, que seuls peuvent croire les naïfs, qu’ils vont fournir de nouveaux types d’armes aux "bons" groupes d’opposition seulement ? Leur liste de "bons rebelles" inclut le "Front Islamique", qui a ouvertement reconnu avoir commis toute une série d’actes terroristes barbares, dont un dernièrement à Alep qui a coûté la vie à des dizaines de civils. Je note que nos collègues occidentaux ont exigé que l’acheminement de l’aide humanitaire se fasse par les frontières contrôlées par le Front Islamique, et qu’ils bloquent depuis longtemps la condamnation par le Conseil de Sécurité de nombreux actes terroristes commis en Syrie.

C’est le fait de vouloir à tout prix provoquer un changement de régime en Syrie qui rend la crise interminable et qui fait capoter les négociations de Genève. Il est symptomatique que Ahmad Jarba, le leader de la Coalition Nationale, n’ait pas fait l’effort de venir à Genève et ait préféré parcourir le monde à la recherche d’armes. Et Ahmad Al-Khateeb, son prédécesseur, a été démis de ses fonctions pour avoir essayé de négocier avec Damas dans le but d’arrêter le bain de sang.

Dans ce contexte, on n’est pas surpris qu’il n’y ait pas une seule ligne sur la solution politique et le processus de négociations entre les Syriens dans le communiqué du dernier meeting du 15 mai du soi-disant “Londres 11”. Et la “troika” occidentale a pris grand soin de dissuader le Secrétaire Général et son Envoyé Spécial d’appeler à un nouveau cycle de négociations à Genève.

De quelle justice parle-t-on quand le but avéré est de provoquer l’escalade du conflit ? Le projet de résolution rejeté aujourd’hui n’est qu’une tentative de se servir de la CPI pour attiser les passions politiques et poser les bases d’une possible intervention extérieure.

Il faut noter que le soi-disant "Rapport Caesar" (*) utilisé pour faire monter la pression avant d’introduire ce projet est basé sur des informations non confirmées provenant de sources non vérifiées et qu’il ne peut donc absolument pas servir de base à des décisions sérieuses.

On ne peut pas ignorer le fait que la dernière fois que le Conseil de Sécurité de l’ONU a référé un cas devant la CPI - le dossier libyen par sa Résolution 1970 - cela n’a pas aidé à résoudre la crise, au contraire cela l’a envenimée. Et, depuis la fin des hostilités, la CPI ne se montre pas à la hauteur - c’est le moins qu’on puisse dire. La CPI ne contribue pas au retour à la normale ni à la justice en Libye, elle fuit les questions les plus brûlantes. Elle n’a pas soulevé la question des civils tués par les bombardements de l’OTAN. Et nos collègues des pays membres de l’OTAN ont pareillement refusé avec arrogance de traiter ce problème. Ils ont même refusé de s’excuser. Et ils n’ont que le mot "honte" à la bouche ! Ils prétendent combattre l’impunité, mais eux-mêmes s’octroient le droit de faire tout ce qu’ils veulent.

Les Etats-Unis suggèrent souvent que tel ou tel soit déféré devant la CPI mais ils refusent de ratifier le Statut de Rome. Et ils exigent, dans leur projet d’aujourd’hui, que les Etats-Unis et leurs citoyens soient exemptés de poursuites devant la CPI.

La Grande Bretagne fait partie de la CPI mais, pour une obscure raison, elle ne montre aucun enthousiasme à ce qu’une enquête soit conduite sur les crimes commis par les Anglais pendant la guerre d’Irak.

Si les Etats-Unis et l’Angleterre communiquaient leurs dossiers sur l’Irak à la CPI, le monde croirait qu’ils sont réellement contre l’impunité.

M. le Président, nous partons du principe que le Communiqué de Genève du 30 juin 2012 est toujours au centre des efforts pour résoudre la crise syrienne. Ce Communiqué considère que les principes de la responsabilité et de la réconciliation nationale sont étroitement liés, laissant le rôle principal dans le processus aux Syriens eux-mêmes,

Nous sommes convaincus que la justice aura finalement gain de cause en Syrie. Ceux qui se sont rendus coupables de graves crimes seront punis. Mais pour que cela arrive, il faut d’abord et avant tout restaurer la paix. La Russie va continuer à faire tout ce qu’elle peut pour arrêter le bain de sang au plus vite. Nous appelons nos collègues occidentaux à renoncer à leurs vains efforts pour sans cesse envenimer la crise syrienne. Nous invitons tous ceux qui ont vraiment à coeur les intérêts du peuple syrien à collaborer avec nous pour aboutir à une solution politique de la crise syrienne.

Déclarer, comme le Représentant Permanent de la France vient de le faire aujourd’hui, que le processus politique n’existe plus est tout simplement irresponsable. C’est vraiment une trahison du peuple syrien.

Note :

* Un accablant rapport sur la torture dans les prisons d’Assad : http://www.courrierinternational.com/article/2014/01/21/un-accablant-rapport-sur-la-torture-dans-les-prisons-d-assad

Traduction : Dominique Muselet

»» http://rt.com/politics/official-word/160860-syria-russia-veto-churkin/
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