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A propos du putsch égyptien : le naufrage des gauches du monde arabe se confirme

Ahmed Henni

Ahmed Henni* estime, dans cet article**, que l’armée égyptienne a patiemment préparé l’opinion, un an durant, au renversement d’un président légitime, Mohamed Morsi, et a même fourni la logistique des manifestations du 30 juin 2013. L’attitude des élites de gauche en Egypte, écrit-il, a été la même que celle des élites de gauche algériennes qui ont légitimé le coup d’Etat de janvier 1992. Le refus des résultats du suffrage universel, écrit-il, « montre qu’une grande partie des gauches du monde arabe ne considère pas l’ensemble de la population comme des citoyens mais, pour une bonne part d’entre eux, comme des ‘’égarés’’ trompés par les islamistes ».

Après qu’en 1992 une partie de la gauche algérienne a lancé un appel irrésistible à la direction militaire pour arrêter le processus électoral et mettre en prison les gagnants, voilà qu’en juin 2013 une partie de la gauche égyptienne s’associe aux auteurs d’un appel similaire à la direction de l’armée égyptienne pour destituer un président élu.

En janvier 1992, en Algérie et devant la perspective d’une victoire électorale des islamistes, une partie des progressistes laïques créent, à l’initiative en arrière-plan de la direction militaire du renseignement, un « Comité national de sauvegarde de l’Algérie » (CNSA), qui regroupe la direction de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), la centrale syndicale sous influence communiste, le Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS – communiste), la direction de l’Union des entrepreneurs publics (chefs d’entreprises souvent issus du PAGS), et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) – un jeune parti laïque, balayé au premier tour de ces premières élections législatives pluralistes qu’ait connues ce pays (200 267 voix, soit 2,9% des votants), qui avait déjà appelé à « empêcher le second tour par tous les moyens » et, si besoin est, à « bloquer les carrefours et les aéroports ».

Ce CNSA s’autoproclame porte-parole de la « société civile » et appelle l’appareil militaire à intervenir pour empêcher une victoire des islamistes au second tour. Trois jours avant le scrutin, le 11 janvier 1992, la direction de l’armée, répondant à cet « appel irrésistible » du peuple, opère un putsch, contraint le président de la République à la démission et annule les élections.

Certes, comparaison n’est pas raison, mais on peut, sans aucun doute, supposer que les appareils militaires égyptiens du renseignement – les fameuses mukhabarât omniprésentes en Égypte - ont, au préalable, préparé le terrain « civil » du dernier putsch. On sait que, depuis un an, un véritable esprit d’obstruction s’est emparé des appareils d’État et des sociétés publiques, toutes sous influence. Les coupures d’électricité, par exemple, ont été systématiques, répétitives et régulières, suscitant et exaspérant la colère des habitants. Ces coupures et les pénuries de gaz et d’essence ont mystérieusement cessé dès la destitution de Mohammed Morsi. En point d’orgue, les appareils militaires ont, sinon fomenté, du moins encouragé et soutenu l’initiative des rassemblements de juin 2013 au Caire demandant la destitution du président islamiste élu, Mohammed Morsi.

Pour ce qui a été visible sur les chaînes de TV, ce sont des hélicoptères militaires qui ont jeté des drapeaux aux manifestants. Mais d’où viennent les milliers de portraits impeccables du général Sissi apparus comme par miracle juste après la lecture de son communiqué ? Pour ce qui n’est pas visible, les témoignages historiques en Égypte ou dans d’autres pays soumis à l’omniprésence des appareils de renseignements nous apprennent que ces appareils savent aussi bien rameuter et mobiliser les gens que fournir le matériel aux manifestants (drapeaux, photos, banderoles, slogans), l’eau et la nourriture, etc. Sans oublier une radio-télévision et une agence de presse officielles sous contrôle. Cela fait plus de cinquante ans - depuis Nasser - que ces appareils manipulent l’information. Qui peut dire combien de comptes Facebook ou Twitter sont tenus par des agents des mukhabarât ?

L’œuvre souterraine des services de renseignements militaires

Dans ces pays du « socialisme arabe », le renseignement militaire s’est, à l’instar du KGB soviétique, toujours donné un droit de regard sur la vie politique. Il est, dans ces pays, « le premier parti politique », a dit l’historien algérien Mohammed Harbi. C’est au nom de ce « socialisme arabe » que la majorité des progressistes de ces pays (Algérie, Libye, Égypte, Yémen du Sud, Syrie, Irak) ont, sans exception, pris le pouvoir ou y ont participé à la suite de putschs militaires, donnant aux appareils armés et à leurs bras sécuritaires une légitimité révolutionnaire désignée « progressiste et de gauche », aujourd’hui « laïque » – une image que ces appareils veillent à entretenir pour s’attirer les faveurs des gauches et des droites occidentales.

Or, la plupart des révolutions qui ont eu lieu dans les pays où le droit des gens n’existait pas se sont heurtées à la puissance de ces appareils militaires et ont conservé intactes leurs centrales de renseignement héritées des dictatures (Iran, pays ex-communistes, etc.). Toutes ces révolutions ont échoué en matière de libertés. Le seul changement radical a eu lieu en Allemagne de l’Est lorsqu’un pouvoir construit sur le droit des gens en Allemagne fédérale, après la défaite de 1945, a annexé la RDA et dissous purement et simplement la célèbre Stasi. Aucun changement de cette nature n’a pu se produire dans les pays du « printemps arabe ». En Turquie, il a fallu dix ans au gouvernement AKP pour s’estimer assez bien établi en vue de toucher aux directions des armées et des appareils sécuritaires.

Au Maroc et en Tunisie, les gauches n’ont gouverné que par la faveur du Prince : Hassan II a nommé un gouvernement Abderrahmane Youssefi, socialiste (1998-2000), et Bourguiba a laissé Ahmed Ben Salah (1961-1970) mener une expérience de « socialisme destourien ».

Or, aujourd’hui, à part une fraction tunisienne, représentée par Moncef Marzouki et un de ses principaux conseillers, qui a fait son aggiornamento et a sauté le pas, en considérant tous les Tunisiens, sans exception, comme des citoyens politiquement et électoralement égaux, les gauches arabes n’ont, au cours de leur histoire, jamais fait du droit des gens un préalable. N’étant arrivées au pouvoir que dans les fourgons des militaires, elles continuent de répudier la lutte primordiale pour la citoyenneté et lancent, ici et là, des appels irrésistibles du peuple au putsch pour maintenir des dictatures dites « laïques », ou renverser des pouvoirs élus par des peuples qui « votent mal ». Par exemple, l’un des plus célèbres hommes de gauche égyptiens, Samir Amin, nie que la source exclusive de légitimité du pouvoir soit « dans les urnes... », arguant qu’ « il y a une autre légitimité, supérieure : celle de la poursuite des luttes pour le progrès social et la démocratisation authentique des sociétés » (site "Mémoire des luttes", 11 juillet 2012). Or, il est clair que cette seconde légitimité ne peut gagner que si les appareils militaires ne sont pas contre elle et qu’ils procèdent au renversement par la force du pouvoir en place. Sinon, on ne voit pas comment elle triompherait, sauf par une lutte armée guevariste qui, encore une fois, donnerait le pouvoir aux détenteurs des fusils.

Peut-on revendiquer le suffrage universel et rejeter la sanction des urnes ?

Bien que le suffrage universel soit l’un des grands acquis du mouvement social historique, le refus de ses résultats montre qu’une grande partie des gauches du monde arabe ne considère pas l’ensemble de la population comme des citoyens mais, pour une bonne part d’entre eux, des « égarés » trompés par les islamistes. Mais à qui la faute si, au lieu d’aller au devant de ces populations mener un travail populaire et convaincre d’aller vers la gauche, on laisse les islamistes seuls s’en occuper et leur venir en aide pour écrire une demande, se faire délivrer un papier, obtenir une aide, un soin, etc. Cette partie de la gauche a abandonné le militantisme auprès du peuple, pourvoyeur de voix, pour enfourcher la facilité médiatique du discours méprisant sinon haineux vis-à-vis de mouvements qu’on est incapable de battre politiquement. Dans le meilleur des cas, elle est en faveur d’un suffrage censitaire ou, comme le préconisait en 1992 l’universitaire algérien M’Hamed Boukhobza, les électeurs non instruits ne devraient pas avoir le droit de vote. Le rapport remis aux autorités par cet intellectuel soulignait « les risques du suffrage universel dans un pays sous-développé, car il favorise l’émergence d’un populisme potentiellement nihiliste, alimenté par l’existence structurelle d’une population nombreuse et exclue du progrès économique et social » (journal "La Nation", n°158, 1996). En réalité, l’attitude, irréductible, d’une partie des communistes du monde arabe – notamment, vis-à-vis des islamistes, même ceux qui sont constitutionnalistes – ne s’appuie sur aucune analyse marxiste ou matérialiste du mouvement historique ou populaire. Elle est davantage animée par une haine viscérale, semblable à celle, aveugle, des anticléricaux primaires dont la pensée se réduisait à « bouffer du curé ». Il faut dire que les islamistes ont toujours été des concurrents politiques mortels des communistes et que, sur le long terme, ils les ont éliminés du paysage politique électoral.

L’appel aux appareils militaires égyptiens, auquel a souscrit la majorité des courants de gauche, pour destituer un président élu au suffrage universel montre que les gauches du monde arabe, au lieu de réclamer la dissolution immédiate des « Stasi arabes », ou, pour le moins, leur encadrement par un texte législatif, continuent, au nom d’une hypothétique justice matérialiste utilitariste, de reléguer le droit des gens aux calendes grecques. Il est temps qu’elles fassent leur aggiornamento et érigent le droit des gens et la citoyenneté au rang de préalable politique. Autrement, et à l’instar des communistes occidentaux, leur dissolution historique ne fait aucun doute.

Ahmed Henni

(*) Ahmed Henni est professeur d’économie à l’Université d’Artois, en France. Il a publié Le Capitalisme de rente : de la société du travail industriel à la société des rentiers (L’Harmattan, 2012).

(**) Les intertitres sont de la rédaction de Maghreb Emergent.

 http://www.maghrebemergent.com/contributions/opinions/item/26823-a-propos-du-putsch-egyptien-le-naufrage-des-gauches-du-

COMMENTAIRES  

26/07/2013 14:00 par Hédi

Article caricatural et insultant sur les gauches arabes.
En Tunisie, les islamistes ont été défendus par les avocats de gauche : Feu Chokri Belaid, Radhia Nasraoui épouse de Hamma Hammami etc...
A l’université, les filles voilées empêchées de suivre leurs cours et leurs examens ne trouvaient de soutien que chez les militants de l’UGET (syndicat étudiant composé par les jeunes étudiants de gauche). Certains ont payé un prix lourd.
C’est vous qui méprisez le peuple, vous parlez de la révolution du 30 juin en Egyte comme si les millions qui sont descendues dans la rue (le plus vaste mouvement populaire de l’histoire du monde arabe) étaient des brebis guidées par les militaires.

Mais Le passage le plus surréaliste de votre article est sans conteste celui-ci

"Or, aujourd’hui, à part une fraction tunisienne, représentée par Moncef Marzouki et un de ses principaux conseillers, qui a fait son aggiornamento et a sauté le pas, en considérant tous les Tunisiens, sans exception, comme des citoyens politiquement et électoralement égaux, les gauches arabes n’ont, au cours de leur histoire, jamais fait du droit des gens un préalable."

Un passage qui illustre ou votre mauvaise foi, ou votre ignorance. Moncef Marzouki n’a JAMAIS et ne sera jamais de gauche. Il ne s’en est jamais réclamé (sauf sur les médias occidentaux pour se donner bonne étiquette). Il passe l’essentiel de son temps à diaboliser tout mouvement social, insulte les syndicalistes, diabolise "l’extrême gauche" avec des arguments proches des islamistes. Il a donné la tribune à un prédicateur salafiste à la télévision publique qui expliquait que ceux qui observent la grève générale décrétée par l’UGTT étaient des ennemis de Dieu. A l’inverse, il ne cesse de réclamer la clémence pour les hommes d’affaire liés à Ben Ali. Il a même osé faire du chantage à Bassma Khalfaoui veuve du martyr Chokri Belaid, lui proposant une protection contre une visite médiatique dans laquelle il pourrait s’afficher. Ériger ce sale traître en exemple pour les gauches arabes, est à vomir.

La gauche arabe a fait énormément d’erreurs. Mais c’est elle qui se bat. Avant les islamistes. La gauche existe en Tunisie à travers les syndicats et le parti communiste un demi siècle avant les islamistes. C’est le pouvoir destourien qui a instrumentalisé les islamistes contre la gauche dans les années 80, et non l’inverse.
Vous faites une falsification des faits et de l’histoire scandaleuse

26/07/2013 15:24 par Tourel

Cher Monsieur,
Primo : La gauche ne refuse pas le verdict du suffrage universel quand il est exprimé dans la transparence et non dans les magouilles et la tricherie.
Secundo : en démocratie, le premier devoir d’un élu est de respecter les institutions démocratiques et la séparation des pouvoirs, ce que Morsi n’a pas voulu faire. C’est la raison de la perte de sa légitimité.
Dernier point : quand un chef d’Etat élu se transforme en chef de Djihad dans un autre pays, en l’occurence la Syrie, non seulement il outrepasse ses compétences constitutionnelles, mais il vole au secours d’une opposition non élue contre un pouvoir élu. Il ne peut pas prétendre après avoir piétiné l’Etat de droit dans son pays, se plaindre d’être à son tour victime d’un coup d’Etat. Même le dictateur Moubarak a été déposé par l’armée. A l’époque personne n’avait crié au coup d’Etat militaire, ni la gauche, ni les islamistes ete encore moins l’Occident.

27/07/2013 11:17 par manant

On se demande sur quelle planète vit ce Henni ! J’abonde dans le sens de l’intervention de Hédi. Marzouki, ou "Toc Toc" comme on l’appelle (ou Tartour en arabe, c’est-à-dire "guignol") n’a pas été amené à la présidence par le suffrage universel (il a été élu à l’assemble nationale par quelques 3000 voix), mais il a été désigné à ce poste par le mouvement islamiste Ennahdha qui s’est emparé de la réalité du pouvoir bien que ayant obtenu moins de 50% des suffrages pour un mandat d’un an qui s’est achevé le 23 octobre 2012.
Voila pour la "démocratie". Le plus honteux dans cet article est l’ignorance de l’importance du mouvement travailliste tunisien (l’UGTT), modèle unique dans le monde arabe, musulman et africain. Il est la colonne vertébrale de la Tunisie que, après les Français (assassinat de son leader Frahat Hached en 1954 par les services secrets), ni Bourguiba, ni Ben Ali, ni aujourd’hui Marzouki et consort ne sont arrivés à briser. Sa capacité de mobiliser à l’échelle de pays n’a pas d’égale. Beaucoup de prétendus gauchistes arabes ignorent tout bonnement les réalités du terrain et se réfugient dans des discours théoriques ronflants qui plaisent aux oreilles. Rien n’a été plus fatal à la gauche en général que le tour de passe consistant à substituer à la praxis (le vécu réel des forces productives) une théorie lisse et commode à la portée de n’importe quel âne !

27/07/2013 17:21 par faner

le présupposé incantatoire au sujet du suffrage universel,
trés respecatble au demeurant , est proprement
dérisoire quand on sait (mais veut-on le savoir ou préfère -t-on l’ignorance ?)
que les élections ont été truquées , qu’effectivement la gauche n’a pas pu présenter de candidat
mais là il faudrait une analyse sérieuse et approfondie de l’Egypte. BREF,
quel était ce "suffrage universel " mascarade de la mascarade entre
le premier ministre du dictateur et le leader des frères musulmans ?!

27/07/2013 22:37 par Dominique

Morsi a fait une erreur monumentale pour un frère musulman, il a nommé Abdel Fattah al-Sissi, lequel est un grand admirateur de Nasser, comme ministre de la défense.

La suite nous la connaissons, 33 millions de personnes dans les rues, cela fait du monde. Les égyptiens n’ont pas été dupes, ils se sont débarrassés d’une dictature néo-libérale, ce n’était pas pour la remplacer par une dictature néo-libérale, islamiste et pro-sioniste.

Dans une démocratie directe, le peuple peut non seulement élire ses représentants, mais également les limoger à n’importe quel moment. Cela n’existe même pas en Suisse. Cela existait en Libye et existe à Cuba. En s’alliant avec la rue, l’armée égyptienne a donné au monde une grande leçon de démocratie directe.

Que cela ne plaise pas à Monsieur Ahmed Henni est son affaire. Pour mémoire, en 1988, les birmans ont évacué pas moins de 8 dictateurs en quelques mois. Dans quelques temps, on saura si Sissi est à évacuer ou pas. S’il s’agit d’un nouveau Nasser, il ne sera pas évacué par les masses égyptiennes. Ce sera ça, la vraie réponse.

Quand à la gauche africaine que cet article insulte, son auteur devrait aller faire une tour sur ce méga site interactif et convivial en couleurs. Notamment son attaque de la jamahiriya libyenne est tellement mesquine que je préfère mettre cela sur le compte de l’ignorance que m’énerver.

27/07/2013 23:19 par mohamed

C’est curieux de trouver sur ce site anti-impérialiste prestigieux l’équation le coup d’état de Nasser pour instaurer la république = le putsch de Pinochet ou celui des colonels en Grèce ou celui qui destitue Soekarno. Les militaires, tous pareils, Chavez comme Somoza ? Il n’y a plus de sens social, d’analyse de classe, d’examen des positions politiques ? Il n’y aurait plus de perspective historique et toutes les armées se valent, celles de Cuba et celle de Turquie ? 22 millions de signatures sur 80 millions d’habitants c’est de la merde, 30 millions de manifestants c’est du pipi de chat ? En tous cas pour les passages qui concernent l’Algérie, les allégations de ce papier sont hallucinantes de distorsion des faits et des réalités.

C’est triste pour LGS de donner caution auprès des opinions anti-impérialistes européennes à cette forme de logique aristotélicienne A = A ; l’armée = l’armée.

Ah cette belle armée cubaine en Angola qui serait identique à l’armée US en Irak !

27/07/2013 23:58 par Dwaabala

Indépendamment de ce que rappellent les commentaires sur les élections qui ont porté le Frères musulmans au pouvoir, la question pourrait être : la période que traverse actuellement l’Egypte est-elle ou non révolutionnaire ?
Si la révolution s’est terminée avec l’élection de Morsi, comme l’implique le raisonnement de l’auteur, c’est qu’on a pris le parti d’une certaine lecture des évènements qui devraient s’arrêter là.
Comme ce n’est manifestement pas le cas, il faut admettre qu’une révolution se caractérise en particulier par le fait qu’elle sait fouler au pied la légalité, et les jérémiades sur ses péripéties ne révèlent qu’un manque de connaissances historiques, au mieux ; sinon un parti-pris peu reluisant qui se dissimule sous la défense de la "démocratie" en général, dont on ne sait que trop ce qu’elle signifie.

28/07/2013 13:54 par manant

S’agissant du rôle des armées dans le tiers-monde, il faut relever le fait que c’est l’institution la plus moderne et la plus développée des sociétés civiles. Le phénomène a commencé avec la modernisation de l’armée russe par Pierre le Grand et cette armée a toujours joué le rôle de môle de la société russe jusqu’à nos jours. Il est plus facile de moderniser des corps d’armée qu’une société dans son ensemble (il y a moins d’un siècle le servage sévissait en Russie et la majorité des sociétés arabes actuelles étaient organisées sur le mode tribal et obéissaient à la charia). C’est dire que l’examen du rôle des armées doit être situé dans la perspective spatio-temporelle avant de l’examiner à la lumière de la lutte des classes (dans les pays où cette lutte existe ; ce qui suppose une différenciation sociale avancée). C’est la raison pour laquelle, en dépit de leurs insuffisances et leurs sept plaies d’Égypte les institutions armées jouent un rôle décisif aujourd’hui, en Syrie, Algérie et Égypte, pour préserver ce qui a pu être acquis au cours des luttes pour l’indépendance, au lieu de revenir au statu-quo anté où les forces islamistes réactionnaires et les puissances coloniales rêvent de les voir retourner.

28/07/2013 15:46 par mohamed

vous légitimez les meurtres des leaders de l’opposition tunisienne ?
des dizaines de journalistes algériens et des élites ? et du peuple ?
les appels de morsi au djihad contre le peuple syrien dont les buts démocratiques revendiqués dans les manifs de "l’opposition" les allaouites au tombeau les chrétiens à beyrouth. génocide et purifiation ethnique destinés à s’étendre par la suite.
au nom de la "démocratie" de la civilisation le fameux fardeau de l’homme blanc quoi ! vous etes un bon supplétif du néo colonialisme.
on connait.

28/07/2013 19:40 par Marianne

Excellent texte d’Amhed Henni, pour qui connait un tout petit peu la situation égyptienne.

Les intellectuels urbains qui ont refusé le verdict des urnes en Egypte et ont entrainé les jeunes urbains, se sont mis dans les mains des militaires. Ils ont fait preuve, je le crains, au mieux d’une naïveté tragique.

Morsi avait réussi à mettre les vieux généraux sur la touche (alors même qu’on l’accusait d’être vendu à eux). Ces intellectuels urbains leur ont servi le prétexte pour reprendre le pouvoir et les conséquences en sont sanglantes.

Cette opposition urbaine nous est proche à nous occidentaux et donc nous est plus sympathique que le très religieux paysan du Delta ou de Haute Egypte. Pourtant la démocratie c’est de respecter les voix de tous les Egyptiens.

Comment Morsi aurait-il pu redresser le pays en moins d’un an, avec l’armée dont les généraux tiennent beaucoup d’entreprises (représentant 20 à 40% du PIB) contre lui ?

Bien sûr Morsi a fait des erreurs et n’a pas su rassurer les milieux éduqués et occidentalisés et les coptes.

Mais El Baradeï et ceux qui l’on suivi me parait avoir politiquement très mal joué en préférant contester le Président élu plutôt que de bâtir son propre programme de réformes et d’attendre l’alternance démocratique.
Cette opposition à Morsi ne me parait pas avoir été capable de proposer un programme économique alternatif à celui des Frères.

Mais maintenant, l’armée et ses services secrets tirent à balles réelles sur les manifestants (qui exercent leur droit d’expression favorable à Morsi) faisant en peu de jours probablement cent morts et des centaines de blessés.

Si cette armée était prête à rendre le pouvoir, elle ne tuerait pas et n’emprisonnerait pas massivement ces gens qui représentent une partie significative des Egyptiens.

Morsi personne ne sait comment il se porte, et de nombreux responsables des Frères Musulmans sont emprisonnés comme au temps de Moubarak. Les Frères Musulmans représentent pourtant réellement une fraction importante des Egyptiens.

Je suis triste pour les Egyptiens, car je crains que l’armée ne rende jamais réellement le pouvoir politique. Des années noires de répression et de révoltes sont peut-être à venir.

28/07/2013 23:36 par Eric

Bonjour

d’accord avec ce qui a été dit précédemment hormis la dernière intervention, Morsi n’a jamais respecté ses engagements et pire il a fait germer les prémisses d’une guerre civile avec ses appels au Jihad contre la république syrienne ; ses propos incendiaires en compagnie d’un autre fanatique le cheick Quardaoui contre les Chiites a débouché sur le lynchage de 4 Egyptiens tout chiites à Guizeh, tués et trainés dans la rue par une foule hystérique ce qui a été condamné par ttes les instances politiques et religieuses du pays dont la mosquée Al Azhar. Aussi les Coptes subissaient de plus en plus de discriminations.
Petit à petit, lui et son parti faisait main basse sur le pays. Aussi comme cela a été dit auparavant, toute armée n’est pas le mal absolu. Voir la tentative de coup d’état en 1992 dans un pays d’Amérique du sud, le Vénézuelaoù une poignée de jeunes officiers nationalistes essayèrent de prendre le pouvoir commandé par un homme : Chavez.
Et au départ ce sont des dizaines de milliers de gens qui sont descendus dans la rue pour dire "ça suffit, dégage Morsi !"

Eric Colonna

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