Mais si vous le lisez attentivement ce livre, en particulier le dernier chapitre, et jusqu’à la dernière phrase, vous découvrirez l’intention (rappelée clairement dans son interview -repassée le 30 décembre- faite par D. Mermet en septembre) de Schlomo Sand dans son ouvrage : il s’agit de sauver l’Etat d’Israël.
Le peuple juif n’existe pas mais Israël oui, et "on ne revient pas en arrière" (conférence à Marseille, librairie Païdos, novembre 2008).
"Pour sauver l’Etat d’Israël (pas la Palestine ) du sombre abîme qui se creuse en son sein et améliorer ses rapports extrêmements fragiles avec son entourage arabe (pas avec l’Egypte ces jours ci en tout cas) un changement fondamental de la politique identitaire juive et une transformation de tout le tissu des relations (c’est joli,le tissu des relations) avec le secteur palestino-israélien (le secteur , c’est joli, aussi) sont nécessaires " p. 430.
On change à l’intérieur de l’Etat juif : pour en faire un état un peu moins raciste à l’égard d’une partie -croissante, démographiquement- de ses habitants.
Lisez la suite : la "solution idéale" = "un état démocratique binational de la Méditerranée au Jourdain...etc." ? "Il ne serait pas particulièrement raisonnable d’attendre du peuple judéo-israélien (...) qu’il accepte de devenir du jour au lendemain une minorité dans son pays".
Et "cependant s’il serait aberrant sur le plan politique de demander aux Israéliens juifs de liquider leur Etat, il faut en revance exiger qu’ils cessent de le considérer comme leur propriété indivise et d’en faire un Etat ségrégationniste discriminant une grande partie de ses citoyens , regardés comme des étrangers indésirables". En effet...
Voilà , le "raisonnable" et l’"aberrant"... La politique, sioniste, progressiste. Pensez à Gaza en ce moment, pour le raisonnable et l’aberrant.
Lisez aussi la suite, p. 431, sur les offres généreuses envers les enfants palestino-israéliens , " dans le cadre de la poursuite (!) de leur intégration au sein des cadres institutionnels de la culture israélienne hégémonique (le moins qu’on puisse dire, en effet)(de) se doubler de la conservation et du dévelopement de leur culture.
De leur côté, tous les enfants judéos-israéliens doivent savoir qu’ils habitent un Etat dans lequel vit une importante population "autre"."
"Autre" on ne dit même pas arabe... Un peu de rhétorique pseudo-psychanalytique, ça vient toujours bien pour éviter de dire les choses simplement : en effet, pour éviter que ça se gâte, il faudrait faire un peu de place à ces "autres" qui sont encore là . Pour le moment. Et qui se font trop nombreux ?
C’est la position progressiste par rapport à celle de T. Livni et confrères : les "autres" vous n’avez rien à faire ici.
Mais, soit dit en passant, S. Sand songe-t-il, il ne n’écrit pas en tout cas, que les enfants judéos-israéliens pourraient aussi aller s’enrichir de la culture arabo-palestinienne non "hégémonique" à l’intérieur de l’Etat d’Israël ?
Et tout cela ne se passe qu’à l’intérieur de l’Etat d’Israël, si l’on peut dire puisque cet Etat a pris soin depuis 60 ans de ne pas se donner de constitution, donc, pas non plus de frontières fixes. Il est toujours en expansion.
De ce qui se passe ches les "voisins arabes", chez les frères des "autres", juste aux portes, c’est-à -dire en Palestine, pas un mot.
Par ailleurs, quand Schlom Sand, p. 432, parle du droit au retour et d’en "abroger" la loi, c’est le droit au retour des "juifs" (qui n’existent pourtant pas comme peuple, on vient de le lire tout au long du livre) : à aucun moment il n’est question de la Résolution 174 de l’ONU sur le droit au retour des Palestiniens de la Nakba de 1948.
Interrogé à ce sujet, fondamental, à la conférence qu’il a tenue à Marseille, Schlomo Sand s’est mis dans une colère surprenante pour les auditeurs (et lecteurs) qui n’avaient peut-être pas été attentifs au détail des termes dans ce qu’ils venaient d’entendre. Comme il l’écrit dans son livre, c’est "aberrant" et impossible "politiquement" : et ce ne serait pas raisonnable... Mais interrogé sur le vif, l’auteur n’a pas eu non plus, ce soir là en tout cas, une attitude très raisonnable et a donné un aperçu de l’arrogance, et de la violence de ce qui peut se passer sur le terrain, en Palestine , OCCUPEE depuis 60 ans.
Lisez la dernière phrase du livre : elle dit tout son objectif :
"Si le passé de la nation (la nation parce qu’on n’a pas de constitution) relève essentiellement du mythe onirique (c’est habilement dit) pourquoi ne pas commencer à repenser son avenir, juste avant que le rêve (sioniste) ne se transforme en cauchemar ?".
Du cauchemar des Palestiniens, depuis 60 ans, on n’en parle pas.
S. Sand a écrit un livre "raisonnable" pour les citoyens juifs d’Israël, et leurs souteneurs hors d’Israël...
Au fait, vous avez entendu ou lu des déclarations de S. Sand sur l’agression (de ceux qui sont encore dans "le mythe onirique" ?) actuelle à Gaza ?
Tu parles d’un rêve...
Lisez ce livre, oui (empruntez-le à la bibliothèque), il nous donne une image très nette du dernier tournant - urgent maintenant ?- de sionistes tendance progressiste pour tenter de sauver ce qui ne doit pas l’être : un Etat terroriste et d’apartheid.
m-a patrizio
(ce qui est entre parenthèses dans les citations du livre de S. Sand est un commentaire de ma part)