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On doit à Sarkozy le retour de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN.

Nicolas Sarkozy ou « le gaullisme en miettes ».

Alors que se profile peu à peu la fin de son mandat, le président Nicolas Sarkozy est l’objet de toutes les polémiques, et pas uniquement à propos de ses politiques tout aussi spectaculaires que controversées, envers la population rom ou à propos du port de la burka, notamment.

Bien plus que cela, certains observateurs, tel le politologue et historien Emmanuel Todd, n’hésitent pas à considérer que les nombreux coups d’éclat sarkozystes, nuisibles à l’image de la France et à son rayonnement dans le monde, ont entraîné depuis le début de son quinquennat une réelle catastrophe sur le plan économique, qui se traduit par la destruction de plusieurs dizaines de milliers d’emploi français.

Mais, au-delà de ces constatations, c’est la remise en question de la tradition gaulliste elle-même qui fait débat, et ce y compris au sein du parti du président, l’Union pour un mouvement populaire (l’UMP).

Ainsi, dès le commencement de son mandat, Nicolas Sarkozy a déçu : d’aucuns ont cru voir la marque d’un retour au grand principe fédérateur du Gaullisme dans « l’ouverture » des fonctions ministérielles à plusieurs partisans de l’opposition. Mais ils ont rapidement déchanté. C’est qu’une analyse a posteriori tendrait plutôt à réduire cette « ouverture généreuse » à un travail politicien de sape des forces de la gauche française, du Parti socialiste en particulier, par le débauchage de ses grandes figures et locomotives. Bernard Kouchner, Dominique Strauss-Kahn ou encore Frédéric Mitterrand, appelés à la soupe, ne s’y sont d’ailleurs pas trompés…

Mais c’est dans le domaine de la politique internationale que le président Sarkozy a le plus radicalement inversé les grandes orientations de la politique gaulliste, concernant les rapports de la France avec les Etats-Unis et l’OTAN, d’une part, et, d’autre part, relativement à la position française à l’égard de la question israélo-arabe.

Inquiet de la mainmise croissante des Etats-Unis sur les Etats d’Europe, Charles de Gaulle, en 1966, avait pris la décision de retirer la France de l’OTAN (dont elle restait toutefois « alliée »), de sorte à soustraire le commandement militaire français à l’influence directe de Washington.

De même, dans le but de garantir l’indépendance politique du pays, le président de Gaulle avait tout mis en oeuvre pour doter la France d’une force de frappe nucléaire suffisante à dissuader d’éventuelles velléités à l’encontre de la République, velléités qui, avait-il bien compris, pouvaient un jour venir des Etats-Unis, qu’il ne considérait pas comme « amis », mais plus exactement en tant « qu’alliés de circonstances », susceptibles, le cas échéant, de se tourner contre la France.

C’est cette force de frappe nucléaire qui constitue, aujourd’hui, la seule force dissuasive de l’Union européenne (hormis celle de la Grande-Bretagne, étroitement liée aux Etats-Unis et dont le comportement, en cas de conflit, demeure très incertain). Et le président Jacques Chirac, à la fin de son dernier mandat, de garantir à l’Union le soutien nucléaire français, en cas de nécessité impérieuse.

Qui plus est, on se souviendra de la position française, en 2003, au moment de l’intervention américano-britannique en Irak…

Or, ami personnel de la famille Bush, Nicolas Sarkozy, également proche du président Barak Obama, n’a pas attendu longtemps avant d’annoncer le retour de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN et son réalignement sur la politique de l’axe atlantiste et les positions états-uniennes.

Particulièrement, ce réalignement est sensible dans le cadre des nouvelles relations mises en place entre la France et l’Etat d’Israël.

La France gaulliste, en effet, a généralement soutenu les causes arabe et palestinienne. En Février 2000 encore, Lionel Jospin, alors premier ministre, au terme de sa visite dans les Territoires palestiniens qu’il avait dû quitter sous des jets de pierres, s’était fait publiquement réprimander par le président Chirac, pour avoir qualifié de « terroristes » les attaques du Hezbollah contre Israël.

Charles de Gaulle lui-même s’était catégoriquement opposé à l’expansionnisme israélien, dont il avait dénoncé la politique de conquête et de domination en Palestine, dans un discours resté célèbre. C’est ainsi que, en 1969, à la suite d’une attaque israélienne sur le Liban (et deux ans après la Guerre des six jours et l’annexion par Israël du Sinaï égyptien, de la Cisjordanie et du Golan syrien), il refusa la livraison d’avions de combat commandés à la France par Israël, les Mirages 5.

Des ingénieurs et officiers français d’origine juive choisirent alors de transmettre les plans du Mirage aux services de renseignements israéliens et Israël put entreprendre elle-même sa construction. Cette affaire de haute trahison, rapidement étouffée car elle rappelait trop le cas Dreyfus et impliquait l’avionneur Serge Dassault (de son vrai nom Serge Bloch), braqua d’avantage encore le Général de Gaulle à l’encontre de l’Etat israélien.

Tout au contraire, depuis son accession à la présidence, Nicolas Sarkozy a systématiquement apporté son soutien au gouvernement israélien.

Point d’orgue de cette politique, en juin 2008, il s’illustrait devant la Knesset, le parlement israélien : il a rappelé que son grand-père était juif et s’est présenté comme un ami et partisan de l’Etat hébreux. Il a ensuite longuement fait l’apologie du sionisme qui avait permis, selon lui, « la fondation d’un Etat juif dans le pays d’Israël » (sic) et qui, au terme de dix-neuf siècles d’errance, avait réalisé « l’accomplissement d’une promesse faite au peuple juif ». Enfin, Nicolas Sarkozy a déclaré son « admiration » pour une « des plus authentiques démocraties du monde », avant de condamner le terrorisme palestinien, contre lequel Israël, dans sa lutte, pourrait toujours compter sur la France.

Et de conclure ainsi son interminable dithyrambe : « Et l’éternel dit à Moïse : monte sur cette montagne et regarde le pays que je donne aux enfants d’Israël » ...

Sans aucun doute, après bientôt quatre années de Sarkozysme, le bilan est sans appel et l’on peut affirmer, sans risque de se tromper, que le Gaullisme, en France, est bel et bien un souvenir du passé.

(L’Orient-Le Jour, 13 novembre 2010) - Texte intégral.

Pierre PICCININ

(Professeur d’histoire et de sciences politiques à l’Ecole européenne de Bruxelles I).

URL de cet article 11993
   
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