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Le CRIF en France : Un nouveau ministère de la République

« Je suis juif parce que le sort a voulu que je naisse juif. Je n’en rougis pas et je ne m’en glorifie pas. Être juif pour moi, c’est une question d’"identité", une "identité" à laquelle, je dois le préciser, je n’ai pas l’intention de renoncer. »
Primo Levi (survivant d’Auschwitz)

Traditionnellement, le Conseil représentatif des institutions juives de France mis en place sous Laurent Fabius en 1985 invitait à un dîner toute la classe politique et les autorités religieuses. C’était à l’époque de Théo Klein, un espace de discussion loin de toute emprise idéologique. Depuis Roger Cuckermann, fidèle zélé d’Israël, le Crif « convoque » la classe politique française et lui trace les lignes directives. En 2008 et pour la première fois nonobstant, le président de la République y assiste. En 2010, le président de la République, Nicolas Sarkozy a, comme l’année dernière, effectué un bref passage le mercredi soir 3 février à Paris. (...) Le chef du gouvernement, qui était l’invité d’honneur de ce dîner, est largement revenu sur la situation au Moyen-Orient, s’en prenant au régime iranien qui menace régulièrement l’Etat hébreu de destruction. « La sécurité d’Israël est pour la France une priorité absolue », a dit François Fillon pour expliquer que Paris « partage pleinement la préoccupation d’Israël quant au développement du programme nucléaire iranien ».« Alors que nous n’avons pas ménagé nos efforts (...), le régime iranien n’a pas voulu saisir nos offres de dialogue. Il a au contraire poursuivi sa fuite en avant. Le moment est donc venu d’agir. » Selon François Fillon, « il n’est pas trop tard pour empêcher par la voie politique, l’Iran d’acquérir une capacité nucléaire militaire. Mais le temps presse ». (1)

Un rendez-vous très couru

« Le rendez-vous annuel du dîner, écrit Hicham Hamza du Crif, est devenu, pour sa 25e édition, un moment incontournable de la vie publique. Le 3 février au soir, ils étaient environ 800 invités, triés sur le volet, à vouloir en être et y paraître. Acteurs politiques, décideurs économiques, personnalités religieuses et sociétaires du spectacle se sont rendus à cette cérémonie d’un genre particulier : (...) Avec un tel pouvoir reconnu par les plus hautes autorités de l’Etat, dont Nicolas Sarkozy, de passage "quelques instants", et François Fillon en "invité d’honneur", le président Prasquier peut, dès lors, énoncer, durant un discours-programme, ses exigences pour la nouvelle année : une meilleure "surveillance" d’Internet pour pénaliser davantage toute forme de "racisme ordinaire", le rejet par la France d’un rapport onusien dénonçant des crimes de guerre commis par Israël, la reconnaissance tacite de Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreu et la recrudescence d’efforts pour libérer le soldat Gilad Shalit. Ainsi, par exemple, pour convaincre l’auditoire de la nécessité de renforcer le contrôle sur la Toile, le président du Crif contesta l’authenticité de la révélation journalistique, largement reprise sur Internet depuis l"été dernier, faisant état d’un trafic d’organes en Israël à partir de corps de Palestiniens décédés. Contre-vérité ou grossière erreur de la part de Richard Prasquier puisque l’armée israélienne vient elle-même de confirmer la réalité d’une telle allégation. Quant à la sempiternelle menace iranienne, le propos belliciste a largement été amplifié par le Premier ministre, François Fillon, qui avait curieusement attendu le dîner du Crif pour annoncer, sur un ton martial, l’initiative de la France pour réclamer d’éventuelles sanctions plus fortes au travers d’une nouvelle résolution de l’Onu ». (2)

« (...) De même que le souhait d’un appel par le ministère de la Justice -pour condamner plus lourdement les complices de Youssouf Fofana- avait été exaucé par Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux, cet amendement à la loi est réclamé, depuis le début de la procédure judiciaire, par les avocats de la famille Halimi, en partenariat singulier avec le Crif. (...) L’homme, qui se dit "immensément satisfait" d’avoir accédé à ses nouvelles fonctions en même temps que le président de la République, ne nie pas son attachement sentimental à Israël, même s’il prétend demeurer "légitimiste" à l"égard de la France.(...) Des intellectuels vont même jusqu’à dénoncer cette crispation idéologique : ainsi, le journaliste Jean Daniel n’hésite plus à comparer les responsables actuels du Crif à des "représentants français du Likoud" tandis que Rony Brauman et Elizabeth Lévy, pour une fois d’accord, qualifient cette institution de "seconde ambassade d’Israël". Même le philosophe Alain Finkielkraut, surnommé jadis "le porte-flingue d’Ariel Sharon", semble pourtant, lui aussi, excédé quand il en vient à juger comme étant "légèrement grotesque" le rendez-vous annuel du Crif, ce "tribunal dînatoire" qui s’apparente à une "convocation du gouvernement" [...]. » (2)

« Très souvent, par le passé, déclare le président Sarkozy, je suis venu au dîner du Crif. Je connais cette tradition. (..)En invitant chaque année les plus hautes autorités de la Nation à partager votre dîner, en invitant en particulier le Premier ministre, et cette année, pour la première fois, le président de la République, vous entendez renouveler votre attachement indéfectible à la République et à la France. (....) Il est sain que vos invités rassemblés dans cette salle, dont certains exercent d’éminentes responsabilités, fassent mémoire de ces moments douloureux qui précipitèrent tant de familles dans l’abomination, et notre pays dans la honte. [...] (3) »

On remarquera que le président fait preuve d’une repentance à géométrie variable. Il admet que la France puisse avoir honte de la façon dont elle a traité les Juifs en laissant le pouvoir hitlérien les déporter, mais il n’a pas à avoir honte de la colonisation directe de la France qui, pendant plus d’un siècle, a pillé volé, incendié, violé et déstructuré la société algérienne qui en porte encore les stigmates.

Pour pouvoir juger du réel pouvoir du Crif, qu’il nous suffise de rapporter un article du Canard enchaîné du mercredi 16 mai 2007, où nous apprenons que le président sortant du Crif, le très sioniste Roger Cukierman est intervenu personnellement pour s’opposer à la nomination de Hubert Védrine au poste de ministre des Affaires étrangères : « Dès que les dirigeants du Crif ont appris ce projet du nouveau chef de l’Etat, Roger Cukierman, président sortant du Crif, a appelé au téléphone Claude Guéant pour une violente mise en garde . » « On a eu une réunion au Crif, aujourd’hui, et la rumeur d’une nomination de Védrine aux affaires étrangères a circulé. Cela a provoqué la panique parce que, pour nous, Védrine est pire que les anti-israéliens habituels du Quai d’Orsay. » (...) Un peu plus tard, Cukierman a joint directement Sarkozy et lui a dit que la communauté juive prendrait la nomination de Védrine comme un « casus belli. » (4)

Les responsables du Crif qui prétendent représenter les intérêts des juifs en France viennent de démontrer une nouvelle fois qu’ils sont avant tout les représentants en France des intérêts d’Israël. L’intervention de Roger a, semble-t-il, porté ses fruits, et même au-delà , puisque Védrine sera remplacé par Bernard Kouchner le va-t-en guerre dont l’affection pour les Musulmans est connue.

Déjà en 2009, écrit Dominique Vidal, le dîner 2009 du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) avait battu tous les records (...) Le président Richard Prasquier et, à sa suite, le chef du gouvernement, auront, hélas, battu un autre record : celui de la manipulation politique et idéologique. (...) Là où la légitimité s’arrête, c’est quand M.Prasquier - malheureusement suivi par le Premier ministre - dénonce comme antisémites les participants aux défilés de solidarité avec Ghaza,(...) Quand, à l’issue d’un cortège du Crif, le 7 avril 2002, les nervis du Betar et de la Ligue de défense juive (LDJ) s’en prirent aux passants d’origine arabe, accusa-t-on M.Roger Cukierman, alors président du Crif, d’avoir conduit une « ratonnade » ? Question toujours d’actualité : qui protège la LDJ, interdite aux Etats-Unis et en Israël, mais autorisée en France malgré ses violences récurrentes ? (...) Dernière preuve en date : dans le climat du dîner, M.Fillon s’est cru obligé de menacer de boycotter la seconde conférence des Nations unies sur le racisme à Durban, si Israël y était « stigmatisé » ! (5)

Au-dessus de tous

Lors d’un dîner du Crif, le 27 janvier 2003, Roger Cukierman a dénoncé une « alliance brun-vert-rouge » antisémite, Dans le quotidien israélien Haaretz du 23 avril 2002, le président du Crif, Cukierman, s’était réjoui du succès de Le Pen au premier tour de la présidentielle, en y voyant, selon ses termes, un motif d’espérer que les musulmans de France se tiendraient tranquilles. Le 13 décembre 2009, Brice Hortefeux se posait en pourfendeur du racisme. Le ministre de l’Intérieur recevait ce jour-là le « Prix de la lutte contre le racisme et contre l’antisémitisme » de la part de...l’Union des patrons et des professionnels juifs de France (Upjf). Cette distinction suscitait immédiatement la polémique. (...) Voilà que l’Upjf remet le couvert. Cinq jours seulement après avoir honoré le ministre de l’Intérieur, un « billet » était publié sur l’Upjf.org, le site de l’organisation. Intitulé « Sur Mars comme sur la terre : photos exceptionnelles de la planète ! », ce « billet » est une succession de clichés de la planète rouge. La dernière image vaut le détour : on y voit un groupe de Martiens manifester sous une banderole « Musulmans, restez chez vous », une pancarte à leurs pieds : « Mars for Martians ! » (6) La France leur appartient !

Pourtant, il s’est trouvé des Français de confession juive qui sont scandalisés par le comportement du Crif. Parmi eux, Maurice Szafran qui fit un éditorial à ce propos dans le journal Marianne n°642. « Quelle que soit la qualité de certains qui en font partie et qui se déclarent à regret minoritaires, il faut bien constater que les dérapages communautaristes du Crif deviennent de plus en plus nombreux et alimentent un antisémitisme à la fois insidieux et secret. Pour le moment, personne n’ose dire que le roi est nu et que dans certaines affaires qui relèvent soit de la solidarité inconditionnelle et aveugle avec l’extrême droite de l’Etat d’Israël, soit d’un judéo-centrisme obsessionnel et névrotique, les juifs ne peuvent plus se sentir en sécurité intellectuelle. » « Soulignons que le Crif n’a pas toujours été ce qu’il est devenu. Sous l’impulsion de personnalités de droite ou de gauche, d’Adolphe Steg à Théo Klein, il s’est évertué à maintenir un équilibre subtil entre la multitude des sensibilités juives et les courants contradictoires qui travaillent le pays. Le Crif était alors respecté, écouté et envié par d’autres communautés. Depuis quelques années, spécialement sous le règne de M.Prasquier, on ne le reconnaît plus. Il ne sait plus que mordre et griffer à tort et à travers. Qui conteste que Fofana ait perpétré un crime antisémite ? Mais est-ce vraiment dans la vocation d’un corps politique d’intervenir rageusement dans une procédure judiciaire, comme l’a fait le Crif à la manière d’un lobby de caricature ? Les avocats, la famille étaient dans leur rôle, pas M.Prasquier, qui a offert une image accablante de ceux qu’il est censé représenter. (..) La vérité est platement politique. Le Crif, comme d’autres institutions juives, est tombé entre les mains de courants alignés sur la droite israélienne la plus intransigeante. Insensibles aux tourments palestiniens, réfractaires aux concessions réciproques qui conditionnent la paix, ils ont inventé la recette pour ne se faire entendre ni des juifs de France, ni du pays dans son entier. Il est grand temps que le Crif retrouve le chemin de la raison et de l’apaisement. » (7)

« J’aurais pu écrire votre article, s’indigne Jean Daniel. Je le signe et le contresigne. Cela fait désormais trop longtemps que le Crif s’autoproclame une représentation, qui est infondée et souvent nocive. Quelle que soit la qualité de certains qui en font partie et qui se déclarent à regret minoritaires, il faut bien constater que les dérapages communautaristes du Crif deviennent de plus en plus nombreux et alimentent un antisémitisme à la fois insidieux et secret. Pour le moment, personne n’ose dire que le roi est nu et que dans certaines affaires qui relèvent soit de la solidarité inconditionnelle et aveugle avec l’extrême droite de l’Etat d’Israël, soit d’un judéo-centrisme obsessionnel et névrotique, les juifs ne peuvent plus se sentir en sécurité intellectuelle. Je vous laisse libre de faire de cette lettre l’usage qui vous conviendra. » (8)

En définitive, une dépêche courageuse de l’AFP passée inaperçue et pour cause, eu égard au maillage serré des médias à l’époque, s’interrogeait sur la place du Crif. Le Conseil représentatif des institutions juives (Crif), s’est interrogée l’Agence, est-il devenu un nouveau département ministériel, au même titre que celui de l’Intérieur, de l’Agriculture ou encore de la Défense ? On est en droit de se poser la question, qui fait état d’une « Réunion interministérielle contre l’antisémitisme », en présence de représentants du Crif. La dépêche de l’AFP était intitulée ainsi : « Une réunion interministérielle pour lutter contre les actes antisémites à l’école, s’est tenue jeudi au ministère de l’Intérieur, a indiqué le ministère dans un communiqué. Cette réunion était destinée à "identifier des outils pratiques et efficaces permettant de mieux prévenir, signaler et réprimer les actes antisémites commis dans le cadre scolaire", selon ce communiqué. Cette réunion regroupait des représentants du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), des ministères de l’Intérieur, de la Justice et de l’Education nationale, du corps préfectoral, ainsi que des policiers et des parquetiers. » (9)

La République qui dit lutter contre les communautarismes et se doit d’être équidistante des religions, continuera-t-elle longtemps à exacerber les tensions en obéissant à une communauté qui clame haut et fort sa fidélité première à un autre pays ? La question est posée.

Pr Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique, enp-edu.dz

1. Nicolas Sarkozy au dîner du Crif. La-Croix.com 4 février 2010 (avec AFP)

2. Hicham Hamza-La tranquille impudence du Crif Oumma.com 5 février 2010

3. Discours de M. le Président de la République lors du dîner annuel du CRIF le 13-02-08

4. L’ennemi d’Israël - Le Canard enchaîné 16 mai 2007

5. Dominique Vidal : Dérapages du Crif, relaxe pour Siné Le Monde Diplomatique 7 mars 2009

6. Gérald Andrieu : L’Union des patrons juifs de France remet le couvert Marianne 24 12 2009

7. http://www.bakchich.info/Jean-Daniel-flingue-le-CRIF,09970.html

8. Jean Daniel - Une lettre de Jean Daniel à Maurice Szafran Samedi 15 août 2009

9. Le Crif nouveau ministère de la République ? AFP 18 décembre 2003

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Sir Josiah Stamp,
Directeur de la Banque d’Angleterre 1928-1941,
2ème fortune d’Angleterre.

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