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La dépolitisation des citoyens dans les pays du nord : une fatalité ?

La dépolitisation de la majorité des citoyens (dans la plupart des pays dits « développés ») est un obstacle majeure à l’implantation de politiques progressistes pour l’humanité entière. En effet si il y a bien quelques personnes qui peuvent peser sur l’échiquier mondial ce sont bien les citoyens des dites démocraties « occidentales », aussi formelles soient-elles.

En effet il semble quand même un peu plus facile d’agir et d’influencer les politiques qui déterminent le sens de la marche de la planète lorsqu’on se trouve proches de ces centres de décisions, et lorsqu’on ne risque pas de se retrouver une balle dans la tête le jour où l’on agit. Evidemment s’attaquer au système et aux pouvoirs en place entraine inévitablement une répression plus ou moins intense. Mon point est que cette répression est accentuée lorsqu’on n’a pas le privilège d’être dans un état « de droit ». Alors que les citoyens du sud sont plus enclins à avoir une conscience politique plus appuyée malgré le fait de vivre dans des pays plus ou moins dictatoriaux, les citoyens du nord quand à eux, bien que semblant reconnaitre que le système mène droit dans le mur, demeurent majoritairement apathiques, ne montrent pas de conscience politique ni de convictions concernant une alternative au système.

Certes, et heureusement, il y a certains groupes de gens qui essaient de faire bouger les choses, mais ne disposant pas d’un appui suffisamment important de la population, sont parfois qualifiés de sectaires. Il y a une peur de l’organisation dans la population des pays du nord, qui semble se satisfaire d’un certain confort matériel pour certains, ou qui sont complètement défaitistes pour d’autres, qui est une conséquence de la dépolitisation de masse organisée par le pouvoir capitaliste pour assurer des profits à court terme à la pérennité du système à long terme.

Les plus importants outils de cette dépolitisation sont l’industrie médiatique (et sa cousine l’industrie culturelle) et l’idéologie capitaliste imposée comme inamovible et de facto annihilant tout début de pensée critique chez la majorité des gens. Cette liste est loin d’être exhaustive mais l’urgence revêt d’une remise en question totale de ces deux constituantes à la dépolitisation de masse, mais par quels moyens ?

Regardons tout d’abord les formidables outils que sont les médias en ce qui concerne l’aliénation politique du citoyen :

Tout d’abord, la politique est présentée comme un spectacle, de façon à assurer une distance entre le politicien et le citoyen, et une assurance que le citoyen de s’immiscera pas dans ce jeu dont il ne connait pas les règles, par manque de compétences adéquates (technocratisation, experts, « les politiciens se chargent de tout »). Cela donne une justification au simulacre de démocratie qu’est la démocratie représentative. Les politiciens ont carte blanche pour enfumer le citoyen pour une durée déterminée, tout en faisant plus ou moins croire à ces derniers que c’est dans leur propre intérêt. Comme disait Coluche, « si les élections pouvaient changer quelque chose, elles seraient interdites. »

L’illusion de médias libres et indépendants est encore bien ancrée dans l’idéal des citoyens. Même les journalistes de ces médias de masses croient ferme être indépendants et garants de la liberté d’expression. Quand on regarde à la surface, il est vrai que la plupart du temps les journalistes essaient de se donner bonne conscience en critiquant le pouvoir en place mais sans remettre en cause la pensée dominante. En résulte une aliénation et une apathie de la part des citoyens, qui en intériorisant leur aliénation tendent à préférer un certain journalisme de distraction, composé de faits divers et de faits spectaculaires. La marchandisation des médias et le surplus d’informations favorise cette tendance. Un exemple de cette « dérive » est la télévision berlusconienne, ou l’Apolitique au sens propre est la ligne de diffusion de fait. Les faits divers font diversion (Bourdieu). Je vous conseille de lire les livres Understanding Power et Manufacturing consent de Noam Chomsky pour comprendre en détail les rouages des médias de masse contemporains.

Berlusconi est un phénomène qui nous donne des indices sur notre futur. Sa manière de mêler ses fonctions politiciennes et médiatiques ne doivent rien au hasard et encore moins au fait que ce soit un clown ou non. Sous l’apparence du clown se cache un dangereux personnage qui donne bien des idées à certains hors d’Italie, jusqu’à en incarner une sorte d’idéal. Sarkozy en est un bon exemple, bien qu’atténué.

Bien que certaines différences culturelles peuvent être observées entre les différents pays du nord, il n’est pas risqué d’affirmé que ce phénomène médiatique est universel dans ces pays, et seulement varie en terme d’intensité (Fox news n’est pas identique à M6, mais le système leur impose un certain cadre)

Les médias sont de ce fait le véhicule de l’idéologie dominante, l’idéologie capitaliste, et en la faisant accepter comme inamovible essaie de décrédibiliser, la plupart du temps avec succès, toute alternative qui engendrerait une remise en question de l’ordre établi. Il n’y a qu’à regarder les assimilations et amalgames faits de mots tels « communisme », « anarchisme », « socialiste » et la réduction des mouvements émancipatoires à des figures idéalisées tels des héros surhumains, voire complètement récupérées (Jaurès, Mocquet, Camus….). Il est indéniable que le capitalisme est très doué pour réattribuer les définitions des mots comme bon lui semble.

Le cynisme du capitalisme va jusqu’à récupérer les conséquences dramatiques de sa propre existence. Le brouhaha fait autour de l’écologie ces derniers temps en est une illustration on ne peut plus claire. Le capitalisme est la cause du besoin d’une croissance ininterrompue, astucieusement assimilée à du développement durable. Il suffit de s’interroger sur les causes de la croissance : plus de consommation entraine de la croissance, donc plus de production entraine la croissance, donc plus d’utilisation de ressources terrestres, plus d’émissions de gaz a effet de serre etc… Cela est en terme capitaliste du développement durable.

Le progrès technique permet d’entretenir l’illusion que des technologies nouvelles permettant de réduire la consommation d’énergie peuvent à terme faire diminuer la pollution et le saccage de la planète. Premièrement : diminution ne signifie pas disparition, et deuxièmement il faut s’interroger sur l’effet rebond (un article intéressant sur l’effet rebond a été publié dans le monde diplomatique de juillet 2010) :
« « Votre fournisseur d’eau vous propose d’adopter un comportement écologique en passant à la facturation électronique. On économisera ainsi le papier, fait-il valoir. Et puisque, ce faisant, l’entreprise réduira ses frais, elle vous fera profiter de tarifs plus attractifs. L’écologie rejoindrait donc l’économie, pour le plus grand bénéfice de tous ! Mais au fait… ces prix plus bas ne vous inciteront-ils pas à arroser votre pelouse, ou à prendre plusieurs bains par semaine ? Est-ce toujours aussi écologique ? Ce paradoxe, les économistes l’appellent « effet rebond ». C’est peu dire qu’il assombrit les perspectives de l’économie « verte ». » »

L’écologie est donc du point de vue capitaliste une opportunité pour l’ouverture de nouveaux marchés : voitures hybrides, commerce équitable pour en citer quelques uns. Cela se reflète aussi dans un certain capitalisme culturel : Est ce que consommer des pommes organiques, du café "commerce équitable" starbucks contribuera à sauver la planète ? La réponse semble évidente. Le capitalisme introduit désormais dans la consommation de produits une sorte d’expérience bénéfique, de façon à donner bonne conscience aux gens tout en les incitant à pérenniser le système.

Y a-t-il de l’espoir ? Comment les citoyens peuvent se re-politiser ? La crise semble être un catalyseur à cette re-politisation, cependant, les effets de la crise ont été jusqu’à maintenant une montée en puissance des différents partis d’extrême droite dans la plupart des pays d’Europe. Ce système capitaliste de démocratie représentative semble être en fin de vie. La population dépolitisée est plus assujettie aux diverses manipulations de gens qui ne cherchent le pouvoir à leur fin personnelle, et la création d’un bouc émissaire est toujours la solution la plus facile.

Il est donc urgent d’encourager la formation de diverses organisations donnant la parole aux citoyens de façon à ce qu’ils puissent partager leurs expériences à l’abri de la manipulation médiatique et soumise à des intérêts totalement étrangers à ceux de la majeure partie de la population. Le questionnement des institutions est donc primordial à tout mouvement populaire et démocratique, la transformation de ces institutions et la formations d’alternatives ne peut se faire que si le citoyen est réellement informé de ce qui se passe dans le monde autour de lui et est conscient de son rôle en tant qu’être humain. Cela représente certes un travail énorme qui ne peut porter ses fruits qu’à long terme, mais nous n’avons pas d’autre choix pour rendre le monde plus juste et démocratique. Des relations solidaires entre populations du nord et du sud sont nécessaires.

Encourager les citoyens à s’impliquer localement de façon à transformer la société doit prendre plusieurs formes, le premier pas étant de les interpeller sur leur environnement direct, de façon à les rendre comme dirait Karl Marx « conscients de leurs propres chaines »

Il semble impératif de s’organiser sans compter sur l’état pour mieux le renverser. Prendre conscience des contradictions et du rôle de l’état pour mieux s’organiser est plus qu’une nécessité, c’est un devoir.

Cet article ne saurait être exhaustif mais son but est de lancer un débat sur différentes façons d’impliquer les gens dans des problèmes les concernant, dans la vraie démocratie.

MEHDI

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