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L’Iran et Israël : Des sujets qui font perdre la raison (Dissident Voice)

The Atlantic a mis en ligne un article troublant cette semaine : "Le point de non retour" de Jeffrey Goldberg. Goldberg dit que, puisqu’on est certain qu’Israël va attaquer l’Iran au printemps prochain, nous devrions prendre l’initiative et le faire nous-mêmes. Il y a eu quelques réponses intéressantes à cet article, y compris une de Leveretts et Gareth Porter. Ces personnes expriment, à mon sens, une opinion de professionnels pragmatiques et bien informés de ce qui se passe sur le terrain. Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’elles disent mais j’approuve totalement la nouvelle perspective pragmatique et fonctionnelle qu’elles adoptent.

La machine de propagande en faveur d’une "guerre avec l’Iran" s’accélère. D’abord il y a eu les déclarations grandiloquentes accusant son gouvernement de terrorisme, de barbarie, de financer le terrorisme, de se mêler des affaires de ses voisins, de limiter la liberté de la presse entre autres pratiques non démocratiques. Tout ceci est l’écume qui flotte sur la supposition/insinuation qu’ils auront très bientôt une arme nucléaire qui représentera une menace internationale intolérable. Puis il a les commentaires biaisés. Il y a 50 commentaires après chaque article et chaque post, pleins de démonstrations, d’explications et d’analyses à base d’éléments mensongers, de menaces et de contre menaces, d’insinuations et d’exagérations dramatiques bref un mélange explosif d’information et de désinformation. Il est finalement extrêmement difficile de prédire si on attaquera l’Iran justement parce que le sujet soulève tant d’émotion incontrôlée et fait perdre toute raison à ceux qui l’abordent.

Après avoir lu l’article, j’ai ressenti moi aussi le besoin d’ajouter quelques mots à la discussion en cours sur un point de l’analyse de the Atlantic qui n’a pas encore été relevé. Sur la même page du web, mélangé à un des premiers paragraphes de l’article, il y a une vidéo d’un interview de Christopher Hitchens par Jeffrey Goldberg qui est une manifestation éhontée d’hystérie. Par une sorte d’ironie, la vidéo de 6 minutes commence par 25 secondes d’une chanson de Bob Dylan, "les portes du paradis" ("Quand on parle de guerre et de paix, où est la vérité...."). Pendant les premières 15 secondes la caméra filme la bibliothèque de la pièce (le bureau d’Hitchens peut-être ?), puis les distinctions honorifiques et les photos d’une époque plus heureuse de la vie d’Hitchens qui est actuellement soigné pour le cancer et semble très malade. Tout cela donne l’impression d’avoir à faire à un intellectuel qui est tout à la fois dans le coup et sage, et bien entendu très cultivé et qui souffre depuis longtemps. Quand il parle, le ton d’Hitchens est hésitant et plein d’émotion ; il regarde souvent par terre et s’agite un peu avant de parler.

Goldberg nous dit que Hitchens a une connaissance profonde de "l’Holocauste" et de la "nature éternelle et protéiforme" de l’antisémitisme. L’antisémitisme éternel ? C’est une affirmation d’importance, une affirmation cynique. Dans un monde où le racisme et la cupidité ont plongé dans la misère et réduits à l’impuissance une multitude d’êtres humains à la peau plus foncée qui sont nés sur des terres riches de ressources que d’autres races mieux armées convoitent et qui manquent de tout ce qui est nécessaire à la vie, par exemple d’eau, nous sommes invités à concentrer notre attention sur l’inhumanité de l’homme envers l’homme sous la forme d’un sectarisme "éternel" à l’encontre d’un groupe religieux, composé en grande partie de blancs bien nourris et à la réussite indéniable, qui ont en plus le droit de chasser les habitants originels de la "Terre Promise" et qui ont reçu un soutien inconditionnel pour y établir leur patrie en menant une violente politique raciale d’apartheid contre leurs voisins.

Comme on lui demande ce qu’il ferait s’il était (Benyamin) Netanyahu, Hitchens parle avec respect du rôle que joue le leader des USA pour la promotion des Droits de l’Homme dans le monde, pas seulement parce que nous avons écrit des traités, mais parce que nous avons convaincu d’autres pays de les signer. Il mentionne spécifiquement les Conventions de Genève, les Nations Unis et la Convention des Droits de l’Homme. Apparemment il n’a pas remarqué que les USA ont constamment piétiné ces conventions et que cela fait pas mal de temps qu’ils ne cessent de brutaliser, d’abuser et de saboter l’ONU. Et apparemment il tient pour acquis que vous non plus vous ne l’avez pas remarqué et il continue de développer son argumentation. L’Iran, dit-il a signé toutes sortes de traités et donné toutes sortes de garanties comme quoi ils n’avaient pas l’intention de se doter de l’arme atomique. Et "s’il s’avère" qu’ils l’ont bel et bien fabriquée, cela signifie "qu’il n’y a pas de droit international". Et si nous nous rendons compte que nous avons laissé cela se produire, alors "nous serons restés inactifs pendant que (le droit) était violé avec le plus grand mépris".

Voilà un raisonnement curieux et le manque de logique devient plus évident avec chaque nouvel argument. Si quelqu’un viole le droit international, dit-il, alors il n’y a plus de droit, parce que si nous permettons cette violation -encore non attestée- de se produire, alors nous somme responsables de cette violation et c’est important [parce que... nous sommes le droit ?]. A l’opposé, un autre pays s’est placé de lui-même au dessus des lois, a refusé de signer les principaux traités sur les Droits Humains, a rejeté le WMD (Word Mouvement for Democracy) et la coopération avec d’autres pays, a fabriqué la bombe atomique, a persisté dans une politique de nettoyage ethnique et a déclaré ouvertement qu’il avait le droit d’attaquer ses voisins au nom de la "défense" préventive. Mais notre complicité volontaire à ce projet n’érode pas le droit. Bien plus notre tolérance à ces abus n’est pas un problème et, pour en revenir à l’introduction, pourrait même ne pas suffire à nous faire pardonner notre préjugé "éternel et protéiforme" contre la population de ce pays et tous ceux qui partage leur [religion ? race ?]

Hitchens poursuit avec quelques fortes paroles concernant "l’obligation", pour ceux qui sont menacés ou susceptibles de l’être "d’éradiquer" le régime qui est la cause du problème. Puis il ajoute : "Ne me regardez pas comme ça, ne regardez pas comme ça le peuple juif". Apparemment il ne se rend pas compte que ses déclarations assez menaçantes puissent faire peur. De plus il prétend parler non pas seulement en son nom propre, ni même au nom de l’état d’Israël, mais au nom du peuple juif tout entier. C’est déjà pénible de vivre dans un pays qui a un gouvernement dont vous désapprouvez la politique et d’entendre ce gouvernement "parler en votre nom"mais le peuple juif en plus n’a aucun moyen de se protéger contre la petite nation agressive qui insiste pour parler en son nom. Quant à Hitchens il était invité à parler [pour Israël] donc je suppose qu’on ne peut pas lui reprocher de l’avoir fait. Il termine son propos d’un ton défensif, en disant que ne rien faire c’est faire quelque chose. L’inaction est une action, une action coupable. On reçoit ce qu’on mérite. Je suppose qu’on pourrait faire cette remarque au coeur d’une crise très grave, mais en l’occurrence c’est un peu exagéré.

Goldberg lui fait maintenant remarquer que l’Iran ne manquera pas (comme je l’ai fait moi-même plus haut) de souligner qu’Israël a développé un arsenal d’armes nucléaires en dehors des traités internationaux c’est à dire en dehors de la loi. Hitchens baisse la tête puis la relève et dit avec défiance qu’il regrette la prolifération d’armes nucléaires dans le monde MAIS "il y a une grande différence entre un pays qui possède la bombe atomique pour maintenir un certain ’équilibre de la terreur’ et un autre qui veut renverser l’ordre existant." Il fait référence à un régime, (le régime iranien, devons-nous comprendre) qui "est une dictature messianique qui écrase ses propres citoyens et menace les territoires de ses voisins". Si cela n’est pas l’histoire de la paille et de la poutre, je ne sais pas ce que c’est ! Il est exact que la théocratie iranienne est contestable et davantage ces derniers temps, du fait qu’elle s’est trouvée de plus en plus réduite à la défensive par ceux qui veulent "maintenir... l’équilibre de la terreur", mais celui qui soutient un pays fondé sur le nettoyage ethnique qui a attaqué préventivement et à plusieurs reprises ses voisins depuis sa création et qui occupe de ce fait des terres appartenant à ses voisins d’une superficie presque égale à son propre territoire, n’est pas vraiment en position de critiquer les autres.

Mais regardons les choses en face. Ce dont il s’agit vraiment c’est qu’il faut "préserver l’équilibre de la terreur". Mais ce dont nous parlons en réalité c’est d’un "équilibre", non, d’un "déséquilibre" du "pouvoir" qui nous maintenons par la "terreur". Voilà de quoi il s’agit. Mais Hitchens est vraiment, si je peux me permettre de le dire, paranoïaque en ce qui concerne Israël et le peuple juif qui, dans son esprit, ne font qu’un. Quand on lui demande si les ogives d’Israël sont destinées à "empêcher un autre holocauste", il répond que peut-être si Israël n’avait jamais existé ce serait différent, mais que, puisque Israël existe, la "civilisation" doit défendre Israël contre "l’impensable". Il ajoute que s’il faut désigner parmi les pays clients des USA celui qui a le plus mauvais record en matière de corruption et de violations des droits humains, il faut nommer le Pakistan. Cette remarque est inexacte et malveillante mais révélatrice. Le Pakistan, comme Israël, a été créé par la Grande Bretagne alors qu’elle se défaisait de son empire. Comme Israël, ce territoire a été donné en cadeau à une petite élite, comme une sorte de pot-de-vin pour assurer sa loyauté post-coloniale et cette création a été imposée aux foules de gens qui habitent maintenant ce pays et à ceux qui ont été forcés de partir. Et 60 ans plus tard les problèmes engendrés par cette politique désastreuse n’ont toujours pas trouvé de solution.

J’ai consacré plus qu’assez de temps à cette analyse. Jeffrey Goldberg, Christopher Hitchens et the Atlantic devraient avoir honte de cet interview. Je suppose qu’on pourrait simplement le considérer comme de la propagande mais l’approche si puérile et l’attitude si peu agréable avec lesquelles Hitchens présente une réalité si déformée reflètent tristement la pathétique médiocrité de l’information à laquelle est soumis le peuple américain. Il est vraiment temps que les médias (et notre Président) écoutent les experts indépendants et expérimentés de politique extérieure qui ont la pratique de la diplomatie. Pour pratiquer la diplomatie on doit être disposé à parler aux autres. Le pragmatisme dans les relations internationales ne signifie pas s’incliner devant les plus méchants du globe, ni les plus méritants, ni ceux qui ont le plus souffert. Cela signifie travailler avec les autres pour trouver des solutions raisonnables aux vrais problèmes dont tous les hommes souffrent.

Judith Bello

Judith Bello a commencé à militer contre la guerre au Vietnam avec le Mouvement de la Paix à la fin des années 60. Depuis, elle continue à militer pour la paix avec un intérêt particulier pour les droits civils et les problèmes des femmes (elle n’ose plus dire ’féminisme’) à travers son expérience de parent unique ; Elle a eu une carrière technique puis y a renoncé pour se consacrer à l’écriture, selon le désir de son coeur. On peut visiter son site web.

Pour consulter l’original :
http://dissidentvoice.org/2010/08/hitchens-off-the-wall-on-iran-and-israel/#more-20922

traduction:D. Muselet

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(...) quelqu’un a dit il y a vingt ans : "vous pouvez croire tout ce qu’on raconte sur cet homme, sauf qu’il est mort".

(...) Ce lieu sera pour toujours un témoignage de lutte, un appel à l’humanisme. Il sera aussi un hommage permanent à une génération qui voulait transformer le monde, et à l’esprit rebelle et inventif d’un artiste qui contribua à forger cette génération et en même temps en est un de ses symboles les plus authentiques.

Les années 60 étaient bien plus qu’une période dans un siècle qui touche à sa fin. Avant toute chose, elles ont été une attitude face à la vie qui a profondément influencé la culture, la société et la politique, et a qui a traversé toutes les frontières. Un élan novateur s’est levé, victorieux, pour submerger toute la décennie, mais il était né bien avant cette époque et ne s’est pas arrêté depuis. (...)

Avec une animosité obstinée, certains dénigrent encore cette époque - ceux qui savent que pour tuer l’histoire, il faut d’abord lui arracher le moment le plus lumineux et le plus prometteur. C’est ainsi que sont les choses, et c’est ainsi qu’elles ont toujours été : pour ou contre les années 60.

Ricardo Alarcon,
président de l’Assemblée Nationale de Cuba
Allocution lors de l’inauguration de la statue de John Lennon à la Havane, Décembre 2000

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