L’IFOP vient de publier un sondage qui tend à montrer que les françaises et les français seraient extrêmement favorables aux mesures ultra-sécuritaires réclamées dernièrement par Sarkozy de Nagy-Bocsa, mesures pourtant fortement contestées dans l’ensemble de la presse et une bonne partie de l’opinion.
Les scores d’adhésion aux idées du locataire de l’Elysée atteignent, dans ce sondage à point pour lui, des niveaux dignes d’une république bananière. « 80% des sondés se disent favorables au retrait de la nationalité française pour les personnes d’origine étrangère coupables de polygamie ou d’excision, et 70% pour les délinquants d’origine étrangère en cas d’atteinte à la vie d’un policier ou d’un gendarme ».
Ce type de sondage relève de la méthode CAWI (Computer-Assisted Web Interviewing). La CAWI, comme les kebabs, est née avec la conjugaison crise/internet. Plus besoin de téléphones, plus besoin d’enquéteurs à domicile, les questionnaires sont « auto-administré en ligne, ce qui veut dire que chacun le trouve sur un site, ou reçoit un lien pour le remplir. Intérêt : économies et rapidité. De nombreux maillons de la chaîne du sondage sautent et plusieurs dizaines de questionnaires peuvent être remplis en même temps. On comprend un peu que la petite chef du Medef, qui cornaque l’IFOP, l’ait retenue pour ce sondage, et tant d’autres.
Problèmes...On ne peut être sûr de qui remplit les CAWI, vu que l’IFOP travaille avec des centaines de sites partenaires, à qui elle demande de mettre en ligne son questionnaire ou un lien. On peut parfaitement imaginer des personnes décidées qui se relaieraient sur un site, puis feraient une recherche sur l’ensemble des sites où est posé tel questionnaire, pour aller remplir tous les CAWI relatifs au même problème soulevé par un CAWI particulier...Paranoïa ?...Non, possibilités technologiques couplées à une détermination militante.
Sans oublier un élément fondamental. Par définition, l’enquête sur le Net ne peut toucher qu’une moitié et un plus des français, puisque seulement 57,8% des foyers ont le Net. Limites technologiques et sociétales, donc.
Autre possibilité de diverger. Le questionnaire CAWI ne donne que les réponses de ceux qui VEULENT répondre.
Il ne représente pas du tout l’opinion publique même s’il est « remballé » ensuite, à coups de pondération statistiques pour reprendre le profil de la population française. Il a un biais « dynamique ». Les répondants sont positifs ou négatifs, mais très peu non-répondants. Le CAWI accentue sûrement les réponses les plus fortes en termes de sens. Ainsi, les répondants choisiront plutôt « êtes-vous très », « étes-vous plutôt », que « sans opinion » ou « ne se prononce pas ».
Le questionnaire pêcheraient donc, ici, par une tendance « maximaliste ».
Au-delà de ces problèmes structurels des enquêtes CAWI, des biais récurrents et indiscutables émergent dans le sondage IFOP concerné lui-même. Le questionnaire semble très loin de l’équilibre, dans le domaine sémantique/rhétorique.
Il suffit pour s’en apercevoir de reprendre la question initiale et les items - les différentes modalités de réponse possible - au fur et à meusre.
Q 1 : "Vous savez que le gouvernement a annoncé différentes mesures pour lutter contre l’insécurité....Le terme "lutter" est un jugement de valeur. Il aurait fallu l’enlever ou employer des termes neutres comme "à propos de", "relatives à ".
Suite de la Q1 : "...très favorable, plutôt favorable, plutôt opposé ou très opposé ?". La formulation induit une préférence pour "favorable" qui vient deux fois en tête de phrase. La présentation plus neutre aurait été : "très favorable, très opposé, plutôt opposé ou plutôt favorable".
Sur l’item 1 : "Le contrôle par bracelet électronique des délinquants multirécidivistes pendant plusieurs années après la fin de leurs peines". On est là encore dans le biais. Le terme "contrôle" est trop valorisant pour l’utilisation du bracelet. Il aurait fallu utiliser "port". Même remarque concernant « délinquants multirécidivistes », qui aurait dû être éliminé au profit, par exemple, de « personnes condamnées plusieurs fois » (lui-même mieux que « plusieurs fois condamnées qui met l’accent sur la multiplication des condamnations). Un questionnaire doit être neutre, c’est un b-a-ba que l’IFOP ne peut ignorer, et a pourtant ignoré.
Item 2 : les "ressortissants d’origine étrangère"...Il ne manque plus qu’une cible peinte dessus. « Les français ayant eu une autre nationalité avant d’être français », aurait été moins discriminant, pour reprendre le genre d’euphémisation en cours chez nos élites.
Item 3 : "L’instauration d’une peine incompressible de 30 ans de prison pour les assassins de policiers et de gendarmes". Flagrante, l’intention de criminaliser les gens de la catégorie visée par cette modalité de réponse..."Assasins" est le terme le plus puissant sûrement, en terme de valeur. Inutilisable pour un enquêteur, semble-t-il dans un questionnaire qui ne doit influencer en aucune manière les répondants. "auteurs d’homicides sur la personne de policiers et gendarmes" paraissaît absolument indiqué, si la firme de Parisot voulait respecter la déontologie. Apparemment, non.
Item 4 : "Le démantèlement des camps illégaux de Roms" . Une vraie caricature..."illegaux" induit automatiquement ou presque la réponse. " Sa suppresssion dans un questionnaire neutre est indispensable, au profit de "camps non autorisés".
Item 5 : "d’atteinte à la vie". Le biais est ici plus fin. L’expression distante, clinique, neutre serait "homicide sur la personne d’un policier ou d’un gendarme". L’expression choisie convoque le respect de la vie en général. Tout le monde le partage. On croit répondre sur l’atteinte à une catégorie de population précise, on respecte en réalité, quasiment religieusement, la Vie.
Item 6 : "délinquants" est un terme superflu dans la modalité de réponse proposée, il connote péjorativement les "mineurs" Il n’aurait jamais dû être retenu.
Ce questionnaire semble vermoulu du sol au plafond.
Plus grave, dans le contexte actuel, après le maximalisme triste d’un président aux abois qui s’enfonce dans cet argent qui compte tant à ses yeux, produire un questionnaire aussi violemment propulsé en dehors des règles du juste, de l’équitable, du neutre, d’une déontologie dont se gargarise pourtant tout ces directeurs directeurs de machines à sondages, montre bien qu’il y a là véritablement intention de manipuler l’opinion.,
Pour ceux qui espère en la démocratie, il y a matière là , à saisir dans un premier temps la Commission des sondages et ensuite la Justice. Le syndrome "Opinion Way" semble métastaser un peu trop pour que la Démocratie, la Citoyenneté ressortent sans dommages de la constante manipulation dont nous sommes victimes. Manipulation qui se déroule pendant que nous subissons déjà le rouleau compresseur médiatique dévoué à l’Etat-UMP et les charges des politiques.
Justice exigible egalement parce qu’outre un questionnaire totalement hors des clous, il faut quand même répondre aussi à une question liée, mais pas complètement sans doute...Comment peut arriver à des scores de dictature latino-américaines, après l’unanime ou presque indignation de la gauche et même de certains à droite qu’a suscité les discours lepénistes tout récents de Sarkozy de Nagy-Bocsa ?
La Commission des sondages existe, j’en suis à peu près sûr. J’ai vu son nom quelque part. Quelqu’un aurait-il de ses nouvelles ? Quelqu’un aurait aperçu par hasard un de ses avis, peut-être une sanction infligée à un sondeur ?...
Faute de réalité et d’action de la Commission des sondages, Il restera donc aux citoyens à s’adresser à la Justice, pour stopper la dérive, la République des coquins.
Pour une fois qu’un(e) juge d’instruction pourrait être nommée, ça ne se refuse pas.
TAIMOIN
En tous cas, c’est pas un sondage, c’est un tract. Brun.