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Dimanche, le 30 mai 2010

Élection présidentielle en Colombie

Un rendez-vous important, non seulement pour la Colombie, mais pour toute l’Amérique du Sud.

Dimanche le 30 mai, il y aura une élection présidentielle importante en Amérique du Sud.

Les Colombiennes et Colombiens devront choisir leur nouveau Président. Cette élection représente des enjeux importants pour toute la région. Enjeux importants sur plusieurs niveaux.

Au niveau international. Les tensions constantes entre la Colombie, contrôlée par les États-Unis (sept bases militaires) associés à l’oligarchie locale, et le Venezuela, trop rebelle envers les prédateurs économiques mondiaux, sont très élevées.

Les États-Unis qui, au cours des dix dernières années, ont perdu leur "arrière-cour" dont ils exploitaient sans contraintes les importantes ressources énergétiques et minières ne laisseront pas aller facilement ce pays.

La Colombie appartient à quelques oligarques et aux intérêts états-uniens qui sont associés aux importants réseaux de trafiquants de drogues. La Colombie a sur son territoire les plus importantes installations militaires états-uniennes en Amérique du Sud. Et la Colombie est depuis belle lurette la plaque tournante de la cocaïne qui se dirige tout droit vers le plus gros marché de la drogue : les États-Unis d’Amérique.

Les enjeux économiques de l’argent sale sont donc importants.

Pour contrôler le pays militairement et pour justifier autant de forces militaires US, on maintient bien actif le conflit historique avec les guérillas. Deux guérillas font la guerre en Colombie depuis des décennies. [1]

Leur lutte a pris naissance il y a 50 ans afin d’obtenir plus de justice sociale surtout pour le monde paysan. Après tant d’années, l’Armée de Libération nationale (ELN) et la plus connue, la Force Armée Révolutionnaire de Colombie (FARC) sont toujours actives.

Ces deux guérillas, auxquelles on attribue indûment « tous » les maux de la Colombie, ont la volonté de troquer les armes pour les urnes. Tous les mouvements de guérilla d’Amérique latine ont troqué les armes pour les urnes (le Salvador a même élu le 15 mars 2009, les représentants du Front Farabundo Martà­ de Libération Nationale (FMLN). [2]

Grâce à la démocratie réelle, tous les pays ont pu ainsi vivre enfin en Paix, les guérillas abandonnant les armes et les gouvernements les escadrons de la mort et l’oppression militaire. Tous les pays sauf… la Colombie. La Colombie est un "anachronisme" du continent.

Toutes les tentatives de pacification ont été sabotées. Pensons à l’assassinat sauvage du numéro 2 des FARC, Raúl Reyes le 1er mars 2008, alors que celui-ci tentait de négocier la libération d’otages, dont Ingrid Bétancourt ainsi qu’une sortie de crise pacifique. [3]

Les enjeux de dimanche sont donc importants, au niveau international et au niveau local. Côté international, les États-Unis risquent de perdre un poste de contrôle militaire IMPORTANT. Leur IVe flotte restaurée à grands coûts surveille et menace les côtes sud-américaines, mais les bases terrestres sont toujours nécessaires pour assurer la domination de l’empire sur le Sud.

Les deux principaux candidats en lice pour l’élection de dimanche sont : Juan-Manuel Santos et Antanas Mockus.

 Juan Manuel Santos, ancien ministre de la Défense.

On parlait beaucoup de Alvaro Uribe, mais en fait c’est Juan-Manuel Santos et sa puissante famille qui contrôlent en bonne partie toute la Colombie. Alvaro Uribe n’était en fait que la belle image (sans vraiment de pouvoir) du clan Uribe-Santos. Un clan associé aux paramilitaires terroristes et meurtriers, aux narcotrafiquants et à l’oligarchie associée aux intérêts internationaux (surtout US).

La partie « Uribe » du clan Uribe-Santos.

La famille Uribe est clairement associée au monde de la mafia colombienne. La "ferme" familiale du père de Uribe, Alfredo, était voisine ce celle de Pablo Escobar. [4]

Dans son livre "Amando a Pablo", l’ancienne amoureuse du chef de Medellà­n, Virginia Vallejo, assure que Pablo Escobar idolâtrait Alvaro Uribe. D’après son témoignage, Escobar disait de Uribe : " si ce garçon ne nous était pas tombé du ciel, il aurait fallu aller à Miami à la nage pour y porter la drogue aux gringos", insinuant ainsi qu’Alvaro faisait du transport de colis suspects par avion. [5]

En 2004, la revue Newsweek a publié un rapport du Département de la Défense des États-Unis (DIA) qui met Alvaro Uribe à la 82e place dans une liste de 104 personnages liés au commerce de la cocaïne en Colombie. [6]

L’amitié de Pablo Escobar pour le père d’Alvaro Uribe était de notoriété publique, le parrain de Medellà­n a affrété un hélicoptère et publié divers messages de sympathies dans la presse lors de l’enterrement d’Alfredo. Le père d’Alvaro, grand propriétaire terrien disparu en juin 1983. Il aurait été tué en résistant à une tentative d’enlèvement par la guérilla des FARC. Le document de la Defense Intelligence Agency (DIA), l’équivalent militaire de la CIA, dit qu’Alfredo Uribe a été « assassiné pour ses liens avec les narcotrafiquants ». [7]

Pablo Escobar aurait donc été le parrain politique d’Alvaro Uribe. [8]

En avril 2008, le cousin du président Uribe, Mario Uribe Escobar, a été arrêté pour ses liens avec le narcotrafic et les paramilitaires d’extrêmes droites. [9]

Alvaro a même eu la "chance" d’avoir parmi ses conseillers un autre cousin de Pablo Escobar, José Obdulio que l’on dit être l’homme de l’ombre du dernier pacte de non-agression entre bandes criminelles de Medellà­n. [10]

Uribe était un Président qui marchait les fesses serrés. On le constate par ses rapports avec Hugo Chávez. Tantôt de bonne entente comme si l’amitié entre les deux hommes était bien réelle et tantôt menaçant, arrogant et accusateur comme si on lui disait de ne pas trop "fraterniser" avec cet ennemi de l’empire.

La partie « Santos » du clan Uribe-Santos.

Concernant Juan-Manuel Santos, celui-ci a toujours été un ennemi total de Chávez. Absolument aucune Paix et aucune relation n’est possible entre les deux hommes. Son élection serait une menace réelle pour la Paix entre les deux voisins.

Les tensions sont vives aussi avec l’Équateur qui en 2009 demanda à l’Interpol de lancer un mandat d’arrêt contre Juan-Manuel Santos, poursuivi alors pour un raid contre la guérilla des Farc en territoire équatorien (le carnage du 1er mars 2008). [11]

Juan-Manuel Santos, un néolibéral, militariste, belliqueux ayant à coeur ses intérêts et ceux de ses amis de Washington.

La famille Santos dont le patriarche, Eduardo, fut le 20e président de la Colombie de 1938 à 1942 possède une des plus grandes fortunes colombiennes. Il possède la quasi-totalité du monde médiatique colombien. Cette famille détient "El Tiempo" le plus grand quotidien de diffusion nationale ainsi que de multiples publications telles : Motor, Portafolio, Aló, beaucoup de journaux régionaux, TV cable Bogota, et est associé au puissant groupe espagnol Prisa propriétaire, entre autres, d’El Paà­s, journal néolibéral espagnol s’il en est un.

La famille Santos occupe donc une place prédominante dans le champ du pouvoir politique, économique et médiatique en Colombie. Les oncles de Juan-Manuel occupent les plus hauts postes de la Casa Editorial El Tiempo. Au gouvernement le vice-président est Francisco Santos, cousin du rédacteur en chef d’El Tiempo, Enrique Santos et aussi cousin de Juan-Manuel. Alfredo Santos est directeur de la revue politique la Semana. [12]

En Colombie, à chaque campagne électorale, on a l’habitude de dire qu’El Tiempo ne perd jamais ses élections. Il a toujours sa part de ministres et d’ambassadeurs. Ces puissants du monde médiatique sont une sorte de permanence institutionnelle qui regroupe les "élites" oligarchiques utiles pour servir les intérêts des quelques riches familles possédant le Pays. Ils ne sont d’aucun parti. Ils sont "gouvernementalistes", c’est-à -dire toujours "près" du gouvernement.

Il serait surprenant que Juan-Manuel Santos ne devienne pas le futur Président colombien. La puissance de persuasion médiatique est connue et efficace. De plus, la culture colombienne de l’achat du vote devrait aider à convaincre ceux sur qui l’emprise médiatique a moins d’effet. [13]

Mais les sondages le disent "vaincu" (en tout cas, au premier tour).

Eh Oui ! Une nouvelle figure, une "surprise" politique est apparue.

 Antanas Mockus. D’après les derniers sondages, il serait en première position. Son entrée en scène brouille les cartes et semble mettre en danger l’élection de Santos.

Mockus est un "coloré". Il sort des sentiers classiques. Son style bouscule les habitudes. Il a été recteur de l’Université d’État la plus importante de Colombie, puis maire de Bogota. Il s’est marié dans un cirque - sur le dos d’un éléphant - rien de moins. Il parait qu’en 1993, alors qu’il était recteur, il aurait même montré ses fesses à des universitaires turbulents !

Oui, un "coloré". Il se présente sous la bannière du parti "Vert", l’ancien parti d’Ingrid Bétancourt.

Mais c’est surtout l’homme du « TransMilenio », le système de transports en commun de Bogota, une véritable réussite qui aurait rendu la capitale plus dynamique et moderne.

Son candidat à la vice-présidence est Sergio Fajardo le maire de Medellà­n. Celui qui a réussi à sortir sa ville de l’étiquette « ville de Pablo Escobar » et à baisser les indices de criminalité. Un méchant défi bien relevé (d’ailleurs, Mme Ginette Lamarche qui aime bien nous montrer les bons côtés de la Colombie a fait quelques reportages sur Medellà­n la désormais "sécuritaire" !) [14]

Mais Mockus ne trouve ses appuis que dans le milieu urbain et il n’a pas de partisans au Congrès. Il sait jouer avec les communications et utiliser l’image, mais il fait face aux véritables machines de propagande et d’intimidation.

La droite ne le laissera pas facilement passer, surtout que Mockus a eu le culot de dire qu’il ne voyait pas Chávez d’un si mauvais oeil.

Le premier tour sera donc très serré. Il y aura de la manoeuvre médiatique et de l’intimidation et cela conjugué à des achats de votes risque de mettre KO ce Mockus qu’on dit "dominant".

Il faudra bien suivre vers où iront les électeurs et comprendre bien des choses qui ne sont pas nécessairement dites.

Bonne élection.

Serge Charbonneau

Québec

P.S. : Pour approfondir, je vous suggère :

Pour mieux connaître Mockus :

« Présidentielle en Colombie : la percée du candidat Vert Mockus »
http://www.rue89.com/panamericana/2010/05/17/presidentielles-en-colombie-la-percee-du-candidat-vert-mockus-151472

Pour tenter de cerner la Colombie :

« Réfugiée en son pays »
La guerre civile colombienne a maintenant fait plus de quatre millions de déplacés.
Un article de Lisa-Marie Gervais.
Et mon commentaire sous l’article paru en avril 2009
http://www.ledevoir.com/international/amerique-latine/243844/refugiee-en-son-pays

[1] Le Monde diplomatique
« 50 ans de guerre en Colombie »
http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/ameriquelatine/guerillacolombie-histoire

[2] Le Monde diplomatique
« El Salvador : des guérilleros au pouvoir »
http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2009-03-19-Salvador

[3] L’Humanité
« Mort de Raul Reyes : la libération des otages suspendue »
http://www.humanite.fr/Mort-de-Raul-Reyes-vives-tensions-entre-la-Colombie-et-ses-voisins

Le Grand Soir
« Colombie : La mort de Raul Reyes met en évidence la dimension criminelle du gouvernement Uribe »
http://www.legrandsoir.info/Colombie-La-mort-de-Raul-Reyes-met-en-evidence-la-dimension.html

[4] Newsweek
« MAIL CALL : Colombia’s President »
http://www.newsweek.com/2004/09/26/mail-call.html

[5] Le livre de Virginia Vallejo
« Amando a Pablo »
http://www.amazon.com/exec/obidos/ASIN/0307391744/schildnet0c

« Loving Pablo, Hating Escobar »
http://www.lovingpablo.com/

[6] Newsweek
« BLACKLIST TO THE A LIST »
http://www.newsweek.com/2004/08/08/blacklist-to-the-a-list.html

Le Grand Soir
« Alvaro Uribe, seigneur des ombres. »
http://www.legrandsoir.info/Alvaro-Uribe-seigneur-des-ombres.html

[7] RISAL Info (RISAL pour Réseau d’information et de solidarité avec l’Amérique latine.)
« Colombie : Alvaro Uribe aurait été lié au Cartel de Medellin »
http://risal.collectifs.net/spip.php?article1066

[8] Newsweek
« GOOD TIMES IN MEDELLIN »
http://www.newsweek.com/2004/07/04/good-times-in-medellin.html

[9] Le Monde
« Un cousin du président Uribe arrêté pour ses liens avec les paramilitaires colombiens »
http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=1033926&clef=ARC-TRK-D_01

Latin Reporters
« Colombie - paramilitaires : cousin du président Uribe arrêté ; ex-sénateur, il présida le Parlement »
http://www.latinreporters.com/colombiepol23042008.html

[10] PTB info (Parti du Travail de Belgique)
« Colombie : : Liaisons entre le président Uribe et les escadrons de la mort »
http://www.ptb.be/nouvelles/article/colombie-liaisons-entre-le-president-uribe-et-les-escadrons-de-la-mort.html

[11] Cyberpresse
« Colombie : le mandat d’arrêt contre Santos rejeté par Interpol »
http://www.cyberpresse.ca/international/amerique-latine/200907/04/01-881306-colombie-le-mandat-darret-contre-santos-rejete-par-interpol.php

Journalisme d’investigation Jacques Thomet
« Interpol refuse de relayer le mandat d’arrêt lancé par l’Équateur à l’encontre de l’ex-ministre de la Défense colombien Juan-Manuel Santos »
http://jacquesthomet.unblog.fr/2009/07/05/interpol-refuse-le-mandat-darret-de-lequateur-contre-lex-ministre-de-la-defense-colombien-juan-manuel-santos/

[12] « La Colombie aujourd’hui vue par la presse colombienne »
Par Denis Rolland,Enrique Uribe CarrenÌ‹o,Université des sciences juridiques, politiques et sociales de Strasbourg
http://books.google.ca/books?id=um7wLOF_mtwC&pg=PA19&lpg=PA19&dq=%22Alfredo+Santos%22+La+semana&source=bl&ots=fy9KjP3_oB&sig=VKjDR6ZP6DyxKYt6jibv6VW6AiU&hl=fr&ei=2-b_S7HBEsP68Ab66PGnDQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CBgQ6AEwAA#v=onepage&q=%22Alfredo%20Santos%22%20La%20semana&f=false

[13] SFR Info
« En Colombie, les candidats ont tendance à acheter les électeurs »
http://info.sfr.fr/politique/articles/En-Colombie-les-candidats-ont-tendance-a-acheter-les-electeurs,132419/

[14] Reportage radio Ginette Lamarche (Radio-Canada, Dimanche Magazine)
La Colombie touristique (Medellin)
http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia%3D/Medianet/2007/CBF/DimancheMagazine200710141108_2.asx

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