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Les guerres des monnaies se sont succédé dans l’Histoire, dès l’Antiquité

ECHEC EN DEMI-TEINTE DU G20

Les 11 et 12 novembre a eu lieu la réunion du G20 institué en 2008 suite à la faillite de banques américaines dont la fameuse Lehmann Brothers. Cette nouvelle réunion s’est achevée sur un consensus mou ; chacun est d’accord sur le bout des lèvres avec naturellement beaucoup de non-dits. « Entre-temps, écrit Julie de la Brosse, quatre G20 se sont tenus pour changer les règles de l’économie mondiale. Avec un succès mitigé...

« Le dollar est notre monnaie et votre problème. »

(John Connally s’adressant aux Européens en 1973).

Pour limiter la spéculation sur les changes ou les matières premières, certains Etats ont aussi relancé l’idée d’une taxe sur les transactions financières. Mais ils se sont heurtés aux mêmes difficultés : celles de parvenir à un consensus global, sans lequel le système mis en place est inefficace. Autre sujet se heurtant aux égos nationaux des géants du G20, la guerre des monnaies qui concentre actuellement toutes les inquiétudes. Aujourd’hui, de nombreux économistes mettent en garde les grandes puissances du G20 contre la renaissance du protectionnisme (746 mesures qui nuisent aux échanges internationaux auraient été prises depuis le premier G20 selon les économistes de Global Trade Alert). »(1)

Les Américains à la peine

Pascal Riché nous explique brièvement les enjeux du sommet de Séoul : « Depuis quelques jours, on ne parle que de cette « guerre des monnaies » dont le G20 (les vingt pays qui représentent 90% de l’économie mondiale) serait le champ d’opérations. Qu’appelle-t-on la « guerre des monnaies » ? Cette guerre-là n’est pas très nouvelle. Les grands pays industrialisés « s’affrontent » à coups de dévaluations compétitives : plus leur monnaie baisse, plus cela dope les exportations et, sur leur marché, plus cela freine les importations de produits étrangers au profit de produits concurrentiels nationaux. Dans cette « guerre », les Européens ne vont pas vraiment vers la victoire : depuis juin, l’euro a grimpé de 13% par rapport au dollar et de 10% par rapport au yuan chinois. Les Américains peinent à relancer leur machine, dont le moteur est la consommation et l’investissement intérieurs (les exportations étant un moteur accessoire) ». (2)

« La Réserve fédérale décide donc de déverser des liquidités pour soutenir l’économie. Elle a ainsi décidé de racheter pour 600 milliards de dollars de bons du trésor. S’il y a plus de monnaie, sa valeur baisse, la valeur du dollar baisse donc face aux autres monnaies. Les monnaies asiatiques, à commencer par le yuan, évoluent dans le sillage du dollar : quand il baisse, les autorités monétaires chinoises baissent aussi leur monnaie, pour ne pas subir de conséquences fâcheuses sur leurs exportations. Elles vendent donc du yuan contre des dollars pour maintenir la parité entre les devises des deux pays. L’euro, lui, trinque. Il grimpe contre toutes les autres monnaies. L’euro est géré avec une philosophie allemande : on ne joue pas avec la monnaie. Le seul objectif de la Banque centrale européenne est de maintenir un bas taux d’inflation. Voilà comment l’Europe se transforme en dindon de la farce. Les Américains, eux, suivent une politique qui leur est chère, le « benign neglect » (douce insouciance) : ils se satisfont de la baisse du dollar, qui est bonne pour leur économie. La réserve fédérale américaine a pour objectif officiel de poursuivre une politique monétaire aboutissant au plein emploi. La Banque centrale européenne de juguler l’inflation. Il me semble que chacun essaie d’atteindre ses objectifs respectifs. Outre la parité monétaire, la Chine est surtout détentrice massive de dollars. Elle n’a donc aucun intérêt à voir sa valeur baisser, d’autant qu’elle a manifesté une relative bienveillance à l’égard des États-Unis en rachetant tout aussi massivement ses bons du trésor ». (2)

Pour Jean Matouk professeur d’économie, la guerre des monnaies a de tout temps existé : « Les guerres de monnaies se sont succédé dans l’Histoire soit pour dominer la circulation, soit pour dominer le commerce, et ce dès l’Antiquité. Aux temps modernes, même si cette recherche de la primauté de circulation - livre au XIXe siècle, dollar au XXe - est restée un enjeu, les valeurs des monnaies sont devenues surtout des armes dans une guerre économique pour la croissance et l’emploi. Dès septembre 1931, pour réduire l’impact de la crise déclenchée en 1929, la Grande-Bretagne sort de l’étalon or et dévalue la livre de 40%, engageant une première phase « guerrière » de dévaluations compétitives et obligeant les autres pays à dévaluer à leur tour. (3)

« En 1944, à Bretton Woods, on construit le système de l’« étalon de change or ». Seul le dollar est lié à l’or et est inattaquable. Les autres monnaies sont liées au dollar et, entre elles, par des taux de change fixes. Mais « sous » ce dollar-roi, les guerres « seigneuriales » entre monnaies européennes se poursuivent. La livre est contrainte d’être dévaluée en 1967, sous la pression de ceux que le Premier ministre britannique appelle alors les « gnomes de Zurich », aujourd’hui appelés traders. Le franc se dévalue très régulièrement par rapport au mark, au florin, et aux monnaies des pays du Nord. Entre 1949 et 1989, il perd 280% de sa valeur par rapport au mark. Ce constat montre, au passage, l’inanité des propositions de sortir de l’euro pour reprendre le cycle inutile des dévaluations compétitives. Ce système de l’étalon dollar favorise hautement les Etats-Unis, permettant à leur banque centrale, la Federal réserve system, une création monétaire totalement libre grâce à laquelle ils peuvent développer leurs entreprises dans le monde entier et consolider leur « impérialisme » économique ». (3)

En 1971 puis 1973, parce que maintenir le lien fixe entre dollar et or devient gênant pour les Etats-Unis, Nixon décide, en deux étapes, de supprimer tout lien avec l’or. C’est l’époque où John Connally s’adressant aux Européens : « Le dollar est notre monnaie et votre problème. » On ne saurait mieux définir l’impérialisme monétaire. » Les changes deviennent flottants dans le monde entier, et les Etats-Unis utilisent largement l’arme monétaire : en laissant le dollar se dévaluer - jusqu’à 3,99 francs pour un dollar - fin 1979, les Américains favorisent leurs exportations, en particulier agricoles ; en le laissant se réévaluer, à partir de Reagan, jusqu’à 10 francs pour un dollar, ils réduisirent le coût de leurs importations, notamment pétrolières, et facilitent une nouvelle extension de leurs multinationales. Les accords du Plazza de 1985, à Paris, visent, apparemment, de manière consensuelle, à ramener le dollar vers un taux de change plus raisonnable. En fait, les fermiers américains et certains milieux industriels ne supportent plus le dollar à 10 francs. Les Etats-Unis signent alors l’accord. Succès apparent : le dollar baisse rapidement. Tant et si bien qu’on tente, par les Accords du Louvre, en 1987, d’enrayer sa baisse. Peine perdue ! Le dollar est alors en guerre contre les monnaies des autres pays développés pour la croissance de l’économie américaine avec moins d’importations et plus d’exportations. Entre 1972 et 1988, il baisse de 350 yens à 150, et de 4 à 1,7 mark, soit une dévaluation de 58% « contre » les deux champions de l’export ». (3)

« Certains pays d’Europe, dont la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne créent le « serpent » monétaire (1972), puis le Système monétaire européen (1979).Dans cette nouvelle phase, ce ne sont plus les Etats qui décident brusquement de dévaluer ou de réévaluer. Ce sont « les marchés » qui, en vendant massivement la monnaie d’un pays, le mettent en demeure soit de changer sa politique, soit d’accepter la dévalorisation progressive ou, carrément, une sortie du système fixe. Rappelons comment Georges Soros a fait chuter la livre. Finalement, en 1993, sous l’effet d’une spéculation intense, les marges de fluctuations sont élargies à 15%, signant la mort du SME. La guerre des monnaies continue aujourd’hui, et depuis plusieurs années, entre dollar, yen, et deux nouveaux partenaires, l’euro et le yuan chinois. Guerre « froide » entre yuan et dollar, puisque les Chinois maintiennent depuis 1994 un cours fixe entre leur monnaie et le dollar, avec une légère réévaluation en 2008. (..)Pour accepter que le taux de change du yuan favorise moins ses exportations, la Chine doit substituer de la demande intérieure de consommation à des exportations, dans la formation de son PIB. Elle le souhaite, mais une telle transformation prend plusieurs années. Elle va donc procéder à des ajustements de change comme elle vient d’ailleurs de l’annoncer, en acceptant officiellement de lier sa monnaie non plus exclusivement au dollar mais à un « panier » de monnaies. Mais la réévaluation du yuan se fera à son rythme, pas au nôtre. »(3)

Il reste que le moteur de la gestion du monde est le couple sino-américain. Comme l’écrit Alexandrine Bouilhet : « Les tensions entre la Chine et les Etats-Unis ont empêché tout accord contraignant sur les devises. Le dossier des déséquilibres du commerce international restera à traiter par la présidence française du G20. Après douze heures d’âpres négociations, le G20 de Séoul a accouché d’un compromis a minima sur les monnaies, reflet des tensions très fortes entre Américains et Chinois sur le yuan et le dollar. Le G20 appelle à « renforcer la flexibilité des taux de change », afin qu’ils « respectent mieux les fondamentaux économiques ». Rien ne forcera donc Pékin à apprécier plus franchement sa monnaie, sous évaluée de 40% face au dollar, d’après certains experts ». (4)

Les dirigeants des pays du G20 ont renouvelé à Séoul leur engagement à travailler ensemble à la prospérité de la planète. Le vaste déséquilibre entre les pays émergents à forte croissance et les pays développés peinant à sortir de la crise, est pointé comme étant à la source de tous les problèmes. D’autant plus que les seconds s’endettent auprès des premiers. Le G20 va donc mettre en place des « lignes directrices » composées d’une « série d’indicateurs » pour aider à identifier les grands déséquilibres commerciaux qui « nécessitent des actions préventives et correctives ». Les pays du G20 ont réitéré l’engagement d’ « aller vers des systèmes de taux de change déterminés par le marché ». Ils le feront en « augmentant la flexibilité des taux de change pour refléter les fondamentaux économiques sous-jacents et en s’abstenant de dévaluations compétitives de leurs monnaies. Le président chinois, Hu Jintao s’est engagé à continuer sur la voie d’une réévaluation du yuan. Mais, a-t-il averti, cela ne pourra se faire que dans un « environnement extérieur favorable » et de manière progressive. Les pays membres affirment qu’ils vont « s’opposer au protectionnisme sous toutes ses formes ». Les nations du G20 ont renouvelé leur promesse de venir en aide aux pays à faibles revenus par des approches taillées sur mesure pour chaque pays receveur. Le but est de les mettre sur la voie d’une « croissance durable ». Ils réaffirment leur engagement à combattre le changement climatique et « n’épargneront aucun effort pour parvenir à un résultat équilibré et couronné de succès à Cancun » qui commence fin novembre. (5)

Voilà comment les grands de ce monde comptent aider les pays en développement et s’occuper du climat. « On attendait [les chefs d’Etat Ndlr] d’eux, écrit Alain Faujas, qu’ils mettent un terme à la « guerre des monnaies » en obligeant les protagonistes à cesser de mettre la pagaille dans l’économie mondiale, la Chine en inondant le monde de ses exportations grâce à un yuan sous-évalué et les Etats-Unis en arrosant de liquidités leur économie pour faire repartir leur consommation au risque de creuser leur déficit et de faire s’effondrer le dollar. Au lieu de fixer des objectifs et des dates pour un retour à l’équilibre, le sommet s’est contenté de charger le FMI d’élaborer, pour le printemps 2011, des indicateurs acceptables par tous et destinés à déterminer à partir de quel niveau d’excédents ou de déficits un pays devient « dangereux » pour les autres. Le FMI sera ensuite chargé de persuader les « déviants » de revenir dans les clous. L’impression de semi-échec, qui demeure, tient au fait que le G20 n’est plus porté par l’urgence comme à Washington, il est entré dans l’après-crise.(6) »

Une réforme indispensable

A sa façon, le site Attac résume les vrais problèmes et les solutions proposées On lit : « La guerre des monnaies fait rage et menace de dégénérer en crise financière et géopolitique. La Chine protège ses gigantesques excédents commerciaux en conservant une monnaie sous-évaluée. Les États-Unis créent 600 milliards de dollars pour faire baisser leur devise. L’Allemagne étouffe la zone euro par sa politique d’exportation agressive basée sur le dumping social. Que propose le G20 pour dissiper les nuages noirs qui s’amoncellent à l’horizon ? Le G20 n’engage pas la moindre action contre l’hégémonie de la finance : aucun élément sur la taxe sur les transactions financières, qui aurait un effet direct sur la spéculation, aucun effort pour entraver l’évasion fiscale, aucune proposition pour séparer les activités bancaires de dépôt de celles uniquement dévolues à la spéculation, ce qui serait la meilleure solution aux banques « too big too fail ». Mais on retiendra surtout la consternante détermination du G20 d’aller vers « un système monétaire international où les taux de change sont davantage déterminés par le marché ». Alors qu’aucune mesure n’a été prise pour limiter la spéculation sur le marché des changes, qui représente 3000 milliards de dollars par jour ; alors que cette spéculation provoque d’incessants mouvements de yo-yo entre les devises, sans aucun rapport avec les fondamentaux des économies nationales ; (...) la réforme du système monétaire international est plus que jamais indispensable. Il faut dans l’immédiat taxer et réglementer drastiquement la spéculation sur les devises, mais aussi sur les matières premières, les dettes souveraines...A terme, il faut viser le remplacement du dollar par une monnaie commune mondiale. (7) »

Cette guerre des monnaies qui ne dit pas son nom aura des répercussions fâcheuses sur les petits pays. Un pays comme l’Algérie suit les Etats-Unis et les errements du dollar pour les bons de Trésor. Il faut bien que l’on nous explique pourquoi l’Algérie n’a pas fait comme l’Inde qui a acheté 200 tonnes d’or au FMI en 2009 ? Pourquoi garder des dollars qui s’effritent et qui rapportent moins que l’inflation au lieu d’être injectés dans l’investissement productif ? Plus largement, qu’avons-nous à faire de ces masses d’argent pour des hydrocarbures bradés alors que le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), du 4 novembre annonce la fin inexorable du pétrole qui sera de plus en plus cher. Pourquoi extraire des hydrocarbures plus que nous pouvons absorber ? Qu’allons-nous laisser à la prochaine génération quand la rente aura disparu et que nous n’aurons pas procédé à temps, aux mutations nécessaires pour sortir de la malédiction du pétrole et rentrer dans l’économie de la connaissance, seule ceinture de sureté pérenne. Cette question est posée à ceux qui ont le difficile privilège d’amener cette Algérie à bon port.

Pr Chems Eddine CHITOUR,
Ecole Polytechnique enp-edu.dz

1. Julie de la Brosse : Deux ans de G20 pour rien ? L’Expansion 10/11/2010

2. Pascal Riché : La « guerre des monnaies » expliquée aux nuls Rue89 10/11/2010

3. Jean Matouk : L’imminente « guerre monétaire » sévit depuis l’Antiquité Rue 89 02/11/2010

4.Alexandrine Bouilhet : G20 compromis a minima sur les monnaies Le Figaro 12/11/2010

5. Ce qui a été décidé au G20 L’Expansion.com 12/11/2010

6.Alain Faujas:Un G20 mi-figue mi-raisin Le Monde.fr 12.11.10

7.G20 de Séoul : vive le marché libre !Attac France 12 novembre 2010
http://www.france.attac.org/spip.php?article11875

URL de cet article 11996
   
Le Printemps des Sayanim
Jacob COHEN
Interview de l’auteur. Pourquoi ce titre ? J’ai voulu que le terme « sayanim » apparaisse d’emblée et interpelle le lecteur. On se pose la question, et la définition se trouve juste dans les premières lignes de la 4e. La problématique est installée, sans faux-fuyants, et sans réserve. Idéalement, j’aimerais que ce terme entre dans le vocabulaire courant, dans les analyses, et dans les commentaires. Voulez-vous nous la rappeler ? Les sayanim - informateurs en hébreu - sont des juifs (…)
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(...) quelqu’un a dit il y a vingt ans : "vous pouvez croire tout ce qu’on raconte sur cet homme, sauf qu’il est mort".

(...) Ce lieu sera pour toujours un témoignage de lutte, un appel à l’humanisme. Il sera aussi un hommage permanent à une génération qui voulait transformer le monde, et à l’esprit rebelle et inventif d’un artiste qui contribua à forger cette génération et en même temps en est un de ses symboles les plus authentiques.

Les années 60 étaient bien plus qu’une période dans un siècle qui touche à sa fin. Avant toute chose, elles ont été une attitude face à la vie qui a profondément influencé la culture, la société et la politique, et a qui a traversé toutes les frontières. Un élan novateur s’est levé, victorieux, pour submerger toute la décennie, mais il était né bien avant cette époque et ne s’est pas arrêté depuis. (...)

Avec une animosité obstinée, certains dénigrent encore cette époque - ceux qui savent que pour tuer l’histoire, il faut d’abord lui arracher le moment le plus lumineux et le plus prometteur. C’est ainsi que sont les choses, et c’est ainsi qu’elles ont toujours été : pour ou contre les années 60.

Ricardo Alarcon,
président de l’Assemblée Nationale de Cuba
Allocution lors de l’inauguration de la statue de John Lennon à la Havane, Décembre 2000

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