Jeudi 10 janvier 2008.
La staracadémisation élyséenne a fait déjà couler beaucoup d’encre et dans un commentaire récent sur le sujet j’ai, comme d’autres, évoqué la "berlusconisation " de notre République : (in http://socio13.wordpress.com ) Dans un commentaire " Vu de l’autre rive " je citais un journaliste du Quotidien d’Oran, Akram Belkaïd, qui avec une grande pertinence rappelait la réflexion ancienne d’un chroniqueur italien :
"Ce n’est pas tant Berlusconi que je crains, que le Berlusconi qui est en chacun de nous ". Des "mots qui s’appliquent à merveille au cas français " poursuivait le journaliste oranais, à propos de la dérive française. !. (in Le Quotidien d’Oran, jeudi 27 décembre 2007). Je poursuivais en pronostiquant "la mort de la politique passe ainsi par ce spectacle de substitution lamentable… " dans lequel à l’action et la pensée politique se substitue chaque jour une "performance" nouvelle.
Et si Sarkozy n’était devenu que notre miroir ? Des indices peuvent nous inquiéter qui nous obligeraient à moins d’ironie et plus de gravité.
- " De quoi Sarkozy est-il le nom ? " demande BADIOU dans une très lucide interrogation politique et philosophique, mais cela ne suffit pas à refléter toute l’emprise de cet avatar de nos plus bas instincts parvenu au fauteuil des héritiers de la République, avec notre assentiment majoritaire non encore désavoué.
- Lors du "Voyage en Egypte " l’Agence France Presse, la très sérieuse et officielle "AFP " se complaisait en communiqués dignes de la bibliothèque rose pour adolescentes pubères "Nicolas Sarkozy et sa compagne ont commencé leur journée…, sans jamais quitter la main de l’autre…Sur la felouque…elle le câline en posant amoureusement la tête sur son dos… " (sic ! ! !) . On sait que Napoléon n’aimait pas la presse, assurément sarkoléon n’a rien à craindre de ces furieux impertinents qui, à de rares exceptions surtout provinciales, manipulent le stylo en virtuose dans la position du courtisan rampant…
- Régis DEBRAY, notre "médiologue " clairvoyant parfois, avait écrit un essai récent intitulé "l’obscénité démocratique ". Il donnait au mot obscénité une signification plus générale que celle des événements évoqués, mais il ouvrait une piste de réflexion sur la place prise par la transgression dans notre univers ou la démocratie d’opinion se transforme en démocratie de dérision et d’insignifiance, suicidaire pour elle-même, réduite à l’applaudissement et à l’extase devant les outrances successives.
Sur l’emprise de la transgression qui flatte le "berlusconi présent en chacun d’entre nous " comme disait le chroniqueur italien, il me vient l’idée de mettre en lumière un double événement contemporain que nul ne semble avoir posé sur "un même plan ", et pourtant…Dans les deux cas l’événement est révélateur d’une indécence qui heurte frontalement toute idée de respect humain, divertissement possible au sein des paillettes de l’agité d’en haut…Je parle de deux "nudités " livrées en pâture et qui ont fait l’actualité, non pas encore celle de Carla B sur laquelle des dizaines de prédateurs doivent déjà être en chasse, je parle de deux icônes très différentes de notre temps :
- La première Laure MANAUDOU, étincelante sportive qui n’a jamais dissimulé ses amours mais sans provoquer scandale, se retrouve livrée sur Internet dans une série de photos assez indécentes pour que son avocat obtienne le blocage immédiat du site, mais avec l’échappement inévitable à cette recommandation dans un univers qui se croit "libre " en confondant liberté et absence de limite…Nul ne défend cette diffusion qui permet à un anonyme minable ce viol planétaire d’une intimité. La technologie qui met le "n’importe quoi " à la portée de tous a cependant ses défenseurs qui se croient vertueux et même parfois progressistes. Avec moi "tout devient possible " disait le candidat avant son entrée dans le "loft" élyséen, ce n’est pas lui mais le monde tel qu’il est qui rend hélas cette affirmation crédible.
- L’autre nudité a été beaucoup moins commentée, mais est-elle moins choquante du fait que c’est la "gauche caviar " qui fait désormais dans le "cul " commercial ? Je parle de la "Une " du Nouvel Observateur du 3 janvier 2008 osant Simone de BEAUVOIR, entièrement nue et de dos en couverture exposée dans tous les kiosques de France…Nul doute que le journal du bien pensant Jean Daniel ait sans doute "boosté " ses ventes et que ses concurrents aient jalousé la performance osée qu’ils s’étaient, eux, interdits si l’idée leur était venue. La publication posthume de ce cliché que l’article précise avoir été "volé " montre qu’à "gauche " aussi "tout devient possible "…Les lois de l’édition sont féroces et la transgression fait toujours vendre. Celle qui pensait que la liberté ne devait pas aliéner la dignité ou sacrifier le respect de soi, se trouve jetée en pâture posthume par un nécrophile dont la suffisance semble garantir le respect préservé.
Mais qui peut imaginer, comme pour Laure Manaudou, que Simone eut donné son consentement ? Certains savent conjuguer liberté et pudeur, tout le monde n’est pas Catherine Millet qui a le droit de se livrer au regard de tous, comme nous avons le droit de garder une indifférence ou une attirance pour son exhibitionnisme.
Nous vivons ce temps du viol planétaire anonyme rendu possible ou de la nécrophilie pornographique bon genre, avec cette même indifférence, pensant chacun, oui "tout devient possible ". Il n’est pas un hasard que deux femmes fassent ainsi le lien du passage de 2007 à 2008, c’est l’an nouveau et l’ère nouvelle qui est ainsi fêté, nous sommes plus proches de la République de SALO que de celle de JAURES et la "gôche " qui voulait nous vendre la "bravitude " de la madone du Poitou a encore quelques efforts à faire pour nous laisser croire que l’émancipation humaine est encore à son programme.
Faire commerce des "charmes " d’autrui est le plus vieux métier du monde, mais dans ce monde de maquereaux qui font surenchère de respectabilité et de vertu, nul ne sait plus identifier la frontière de l’obscène. On peut saluer comme un sommet d’avoir osé déterrer un cadavre pour livrer sa nudité volée, a côté de cela le pirate anonyme qui mis en ligne une vedette à poil n’est qu’un crétin ; mais la France d’après est faite pour lui.
Le pantin d’en haut parle de "politique de civilisation ", mais nous indique surtout que la transgression est au coeur de son programme, celle qui flatte les bas instincts d’un peuple en déshérence prêt à oublier que l’exploitation commence toujours par un certain regard porté sur l’autre. Lorsque le voyeurisme passe du stade de la perversion privée à une pratique collective tolérée ou valorisée, c’est comme un univers totalitaire qui impose ses moeurs aux antipodes de la fraternité.
Jacques Richaud
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