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Abroger la loi de juillet 2011 sur la médecine et la santé au travail : un des leviers majeurs pour améliorer la qualité de vie au travail.

à 

Monsieur François Hollande, Président de la République

Monsieur Jean-Marc Ayrault, Premier Ministre

Madame Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la Santé

Monsieur Michel Sapin, Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social

Le 6 juillet 2012

Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre, Madame Monsieur les Ministres,

Comme vous le savez, alors que la France est très malade du travail, la médecine du travail vient d’être mise, par la dernière loi de juillet 2011, sur la pente aggravée de son euthanasie.

La France est lanterne rouge en Europe concernant beaucoup d’indices de santé au travail ; on en arrive à une situation où le conflit inhérent à la relation salariale est maintenant empoisonnée dans notre pays comme nulle part en Europe. Faisant intrinsèquement partie de la nette aggravation du risque psycho-social en France, il y a le fait même de la démultiplication des fausses analyses et des fausses solutions. Il y a aussi un enracinement affligeant dans le faux semblant en lien avec l’invasion des dérives managériales, en complet déphasage avec les réalités, ayant pour conséquence un vécu de non-sens au travail (contaminant largement le hors travail) et ce, à un degré inédit dans la période contemporaine.

Qu’est-ce qui fait que l’on en est arrivé là  ? C’est bien du côté de la longue tradition d’hypocrisie sociale en France qui a porté à son point maximum les occultations et dénis sur les atteintes à la santé au travail (après la silicose, l’affaire de l’amiante en est un sinistre exemple).

Cette spécificité française est notamment en lien avec la redoutable efficacité de longue date du patronat à freiner l’élaboration des liens entre santé et travail et à verrouiller et contourner tous les dispositifs et acteurs missionnés pour traiter ces questions ; une telle efficacité qui ne peut s’expliquer que par la faiblesse des acteurs de régulation : à savoir l’ambiguïté des pouvoirs publics et le peu d’intérêt des acteurs syndicaux (sûrement coincés dans la spirale négative d’une démocratie sociale anémiée) qui ont longuement sacrifié les questions du travail sur l’autel d’autres thématiques.

Dans notre pratique nous avons amplement expérimenté qu’il y a de belles lois qui ne sont pas appliquées, ou qui contiennent de jolies phrases qui pourraient avoir un contenu fort si cela ne masquait pas gravement la question de la violence des rapports sociaux au travail : c’est le cas par exemple de l’indépendance du médecin du travail qui ne peut pas exister dans les structures actuelles, ou du soi-disant équilibre par le paritarisme lui aussi totalement inopérant dans les services de santé au travail. Faisant partie intégrante de cette déréalisation et ce faux-semblant , depuis la création de la médecine du travail on a fait comme si il n’y avait pas de problème, et que nous allions pouvoir « éviter l’altération de la santé au travail » alors que, le lendemain du vote de cette loi de 1946, les médecins du travail étaient mis sous tutelle du patronat via la gestion des services, réalisant là un magnifique conflit d’intérêts que personne n’a dénoncé à la hauteur de ses graves conséquences. Or, compte tenu des énormes besoins de santé au travail, au lieu de nous donner les moyens, la dernière loi va complètement à contre-sens, nous aliénant encore plus. Faut-il s’étonner que le précédent gouvernement se soit empressé sous la forte pression du patronat de détruire ce métier à l’heure où malgré les obstacles, une frange active de la profession avait construit un coeur de métier efficace pour l’accompagnement des salariés et aussi pour renvoyer l’alerte grâce à l’établissement de liens entre santé et travail ?

Nous voulons vous rappeler là qu’il y a eu une levée de boucliers vis-à -vis de cette loi aussi bien à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat. Au début, l’ensemble des syndicats était unanime pour contrer cette réforme, sans compter une pétition comportant de nombreux professionnels qui a obtenu 22000 signatures dont 1100 Inspecteurs, contrôleurs, médecins du travail. L’opposition dans laquelle vous étiez avant était montée au créneau pour dire l’absurdité de cette loi qui malheureusement est passée en force.

Nous n’arrivons pas maintenant à penser une seconde que vous allez laisser cela en l’état, jouant de l’alibi que les décisions ont été prises par d’autres. Pour nous, praticiens de terrain qui démontrons que ces questions de santé au travail sont une dimension majeure de la santé des populations, nous pensons que ce serait une grave erreur de ne pas exercer votre fonction régalienne pour remettre tout cela à plat en reconstruisant une loi mettant pleinement en adéquation objectifs et moyens, et ceci de manière urgente. Nous pensons qu’il n’y a pas une minute à perdre pour abroger cette loi scandaleuse qui détourne les ressources médicales à la faveur de l’intérêt des employeurs au détriment de la santé des salariés.

Rappelons le, un coeur de métier a été construit par une frange active de la profession à partir des référentiels déontologiques, légaux et ceci malgré les obstacles. Il est tourné vers l’accompagnement de l’humain confronté aux difficultés portant atteinte à sa santé, et vers la fonction de veille et d’alerte : de telles postures sont justifiées car elles répondent aux critères d’adéquation, de pertinence et d’efficacité, compte tenu des constats de la très forte diffusion de la souffrance au travail qui ne peuvent être appréhendés que par les entretiens médicaux.

Comment interpréter cet empressement à vouloir tuer ce métier si ce n’est que justement il en était arrivé à une belle efficacité mais trop dérangeante pour le patronat.

Nous ne sommes pas dans l’ordre de l’idéologie quand nous en appelons à une loi qui soit en adéquation avec les besoins de santé et le Code de déontologie inscrit dans la loi, mais bien dans l’ordre de la justesse des choses. Or il est tout à fait anti-déontologique et très anormal que la dernière loi bride la capacité d’initiative des médecins, les empêche de faire les liens entre santé et travail, détruisant toute capacité d’initier de vraies pistes de transformations et de prévention, même si elle a l’aplomb de parler en même temps de l’indépendance des médecins.

C’est avant tout une question d’efficience en santé publique mais nous pensons aussi que cela est une question de justice sociale, que cela contribuerait à plus de cohésion sociale, à l’épanouissement de la vie au travail, à l’équilibre de la société, et même serait profitable à l’économie.

Vous savez très bien que notre intervention n’a rien d’opportuniste ; vous êtes les destinataires de nos écrits sur la santé au travail et nos tentatives pour sortir de l’amputation de notre pouvoir d’agir depuis près de deux décennies ; cette constance est bien le reflet de la dégradation en continu des conditions de travail et des atteintes à la santé dues au travail. Maintenant que vous êtes au pouvoir et avez réellement les moyens d’agir, nous ne pouvons pas ne pas vous solliciter à nouveau pour sauver notre métier en lui donnant enfin sa dignité et son envol, dans l’intérêt exclusif de la santé des salariés. Il s’agit donc de ne pas rater l’opportunité historique de s’atteler à ce pan majeur pour la reconstruction de notre pays.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, Madame Monsieur les Ministres, l"˜expression de nos respectueuses salutations.

Le collectif des médecins du travail de Bourg en Bresse

Immeuble Le Caravelle

1, rue Alfred Bertholet

01000 Bourg en Bresse

Docteurs Cellier, Chapuis, Chauvin, Delpuech, Devantay, Ghanty, Lafarge.

URL de cette brève 2813
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