Il reste à la télévision la pincée nécessaire d’émissions ouvertes pour clouer le bec du contradicteur qui crie à la pensée unique. Leurs animateurs ne sont pas tous dépourvus de l’esprit corporatiste, ce racisme ordinaire de la gent journalistique qui la pousse à faire bloc avec les confrères décriés, quoi qu’il leur soit reproché. C’est la loi du « Right or wrong, my country », du serrage de coudes dans un clan sûr de lui et dominateur cerné par des hordes d’étrangers (les téléspectateurs) parmi lesquels on distingue des ménagères de moins de cinquante ans, des faibles QI, des naïfs au coeur pur qui donnent pour le Téléthon et plein d’autres âmes sensibles qui fonctionnent d’autant plus à l’émotion qu’on ne demande rien à leur intelligence.
Il y a aussi des débats : des discussions saccadées où est utilisée la moderne méthode de censure soft : chacun dit ce qu’il veut, mais ils sont six, huit ou dix dans une émission d’une heure où l’animateur se taille la part du lion, coupe la parole, passe des petits reportages. Le développement de la moindre pensée est rendu impossible mieux que par la pose d’une muselière.
Dans ces arènes-là , c’est le discours simple et déjà dit qui triomphe. Tout ce qui s’apparente à une construction intellectuelle est haché et rendu incompréhensible. De ces joutes épileptiques, morcelées, dirigées, sortent vainqueurs les porteurs du petit-lait de la pensée dominante qu’il suffit d’habiller de tournures et de sourires nouveaux. Quant au trouble fête qui prétend que la terre est ronde, on ne lui laissera pas les minutes nécessaires pour expliquer cette incroyable découverte. Pas même le temps de répondre aux railleries : « Et les Chinois ne tombent pas dans le ciel ? » Rires sur le plateau et dans le public d’où crépitent des applaudissements mécaniques d’otages lobotomisés auxquels on finira par distribuer des tomates pourries qu’ils lanceront sur celui qui dit la vérité.
Théophraste.